Cette furieuse lutte des classes que la France abrite en son sein…
Il semble bien qu’en France la frontière soit nettement délimitée entre un prolétariat plus ou moins bien retranché dans une situation d’apparence extrêmement stable, et un sous-prolétariat tout aussi calfeutré mais, lui, c’est dans la quasi-impossibilité de refaire surface…
Et tandis qu’on feint de pleurer beaucoup sur les malheureux du dessous et sur celles et ceux qui ne peuvent résister au fait de finir par les rejoindre, c’est toute une société qui se garde bien de regarder un peu plus loin que le bout de son nez, et de se poser les questions de ce que l’avenir réserve à l’ensemble d’un tel attelage qui est conduit là où elle veut par… l’Allemagne.
D’une certaine façon, le titre qu’Olivier Passet a retenu pour la vidéo qu’il a publiée le 22 janvier 2013 nous indique bien dans quel monde nous sommes désormais en nos qualités de prétendu(e)s citoyennes et citoyens d’un grand pays : « Emploi : la file d’attente infernale »
Un enfer évidemment pavé des meilleures intentions… Voyons les résultats qu’elles ont déjà obtenus dans le cadre d’une solidarité bien française… liberté, égalité, fraternité :
« Le marché du travail français est dual… on le sait. Cela signifie qu’il existe un noyau dur d’emploi relativement stable et un emploi périphérique sur lequel s’exerce la majeure partie des ajustements. En témoigne la durée moyenne d’un emploi dans la même entreprise en France. Cette durée approche 12 ans et elle est parmi les plus hautes des pays développés. »
Ceux-là sont donc relativement bien enkystés… Encore que… Mais c’est ce qui en fait un prolétariat de plein exercice.
Passons à celles et ceux qui peinent à grappiller une toute petite place sur des strapontins ou sur des sièges éjectables en cas de trop fortes secousses. Il s’y trouve d’abord une sorte d’élite qui peut reprendre plus rapidement ses positions tout en les perdant tout aussi souplement si le besoin s’en fait sentir :
« 2 /3 des destructions se concentrent sur les intérimaires à chaque rechute du cycle. »
D’une certaine façon – et pour des raisons de qualification tout autant que de maniabilité -, il s’agit d’un corps d’élite assez peu nombreux au regard des services précieux qu’il peut rendre dans les plus brefs délais (un peu comme les forces spéciales dans le domaine plus particulier des opérations extérieures) :
« En d’autres mots, les 2/3 de l’ajustement quantitatif de l’emploi pèsent sur 3,6 % de la population. »
Les deux principaux pôles étant ainsi dessinés, que reste-t-il pour les impétrants et pour les… revenants ? Autrement dit, à la façon d’Olivier Passet :
« Quelle est la conséquence de cette inertie de l’emploi pour le plus grand nombre ? »
À la guerre comme à la guerre… dans un moment où les forces spéciales se trouvent substituées aux bons vieux conscrits d’autrefois…
« Première conséquence : une file d’attente pour les plus jeunes, qui entrent tard sur le marché du travail et enchaînent les CDD à répétition : les chiffres portant sur les flux d’embauches sont particulièrement éloquents. Sur 20,7 millions d’embauches hors intérim enregistrées en 2011, 84 % se sont faites en CDD. Un dixième de la population travaille aujourd’hui en CDD. Mais cette proportion atteint le tiers pour les 15-24 ans. »
On voit qu’il y a de la place pour un vrai… service national… Mais c’est l’équipement qui coûterait aujourd’hui beaucoup plus cher qu’avant 1914… Il va donc falloir y aller doucement… et c’est bien ce qui se passe…
Mais revenons à la situation actuelle. Du côté du sous-prolétariat – et c’est tout ce qui le sépare du prolétariat -, le rapport à l’emploi n’a le plus souvent qu’un effet « yoyo », ce que souligne, selon Olivier Passet, cette…
« Deuxième conséquence : une probabilité faible de sortie du chômage par l’emploi… Elle est de 4% par mois aujourd’hui. Faible et décroissante avec la rechute récente de l’activité. Avec des chances de retrouver un emploi qui décroissent aussi fortement avec l’âge, on le sait. »
Et ce sont donc les vétérans qui sont ici prioritairement frappés… tandis que la condition de sous-prolétaire s’incruste de plus en plus profondément à l’intérieur de la personne même de ces prolétaires intermittents dont les intermittences de chômage n’en finissent pas de s’allonger :
« Enfin dernière conséquence, une proportion de chômeurs de longue durée élevée au regard des autres pays développés. La proportion des chômeurs de plus d’un an dépasse 40 %. »
Et les scores de sortie du système d’exploitation indiquent des durées très largement supérieures à chaque année qui passe, manifestant ainsi, de façon proprement stupéfiante, que ces gens-là menacent de ne même plus pouvoir bientôt mériter le titre de « sous-prolétaires » :
« La durée moyenne des épisodes de chômage est de 474 jours. »
On le voit, dans la partie basse de la société française, la lutte des classes entre prolétariat et sous- prolétariat ne peut qu’être féroce, tout en étant extrêmement silencieuse… Ce qui est très exactement la marque de tout cancer dans sa phase initiale.
N’empêche, et Olivier Passet fait bien de nous le rappeler :
« Le sentiment de précarité est élevé en France, alors que paradoxalement, 85% des salariés sont employés sur des CDI relativement stables. Un sentiment de précarité qui tient au fait que plus qu’ailleurs le chômage est perçu comme un piège dont on ne peut s’extraire. »
Voici qui est donc parfaitement ficelé… jusqu’à quel coup de tonnerre ?
NB. Cet article est le cinquante-septième d'une série...
« L’Allemagne victorieuse de la Seconde Guerre mondiale ? »
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