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Accueil du site > Tribune Libre > A-t-on appris de la crise des subprimes ?

A-t-on appris de la crise des subprimes ?

Il existe aujourd’hui de nombreux financements accessibles pour accéder à la propriété, notamment le prêt bancaire. Certaines solutions bancaires permettent d’accéder à la propriété avec pour seules garanties l’hypothèque du bien acheté et un dépôt d’une valeur de 5% du dit bien. La pratique qui consiste à accorder des prêts sans ou avec peu de garanties de paiement est considéré comme un « prêt prédateur » ou « predatory lending », et plusieurs législations ont été prises à l’encontre de telles pratiques dans plusieurs pays depuis la crise des subprimes de 2009.

Beaucoup ont été affectés par la crise des subprimes, mais l’explication donnée s’arrête souvent à « les banques ont prêté de l’argent qu’elles n’avaient pas, ce qui a causé une bulle de l’immobilier ». L’action des banques est donc tournée en ridicule et à l’avarice. Cependant, même sans rentrer dans des détails techniques compliqués, il est possible d’aller plus loin dans la compréhension du problème et donc, de constater s’il pourrait se répéter aujourd’hui.

Bulle de l'immobilier

Image de woodleywonderworks, via flickr. Lien de l'image : https://www.flickr.com/photos/wwworks/2959834115.

Ce qui rapporte aux banques en 2007 : le prêt immobilier. Comment en faire plus ?

Les prêts immobiliers se remboursent sur de nombreuses années et génèrent donc beaucoup d’intérêts : ils sont donc une source de revenu importante pour les établissements bancaires. Les banques ont donc cherché à générer davantage de prêts immobiliers pour accroître leurs bénéfices. Elles ont donc commencé à diminuer le niveau d’exigence requis pour accéder à la propriété via un prêt. Les maisons achetées sont mises en garanties, de sorte qu’elles peuvent être saisies et revendues en cas de non-remboursement du prêt. Cependant, la quantité d’argent que les banques ont le droit de prêter dépend de l’argent dont elles disposent. Le pourcentage maximum de prêt est de 10 000% de l’argent disponible pour la plupart des banques, mais cela peut varier en fonction de la banque centrale (nous reviendrons sur ce chiffre en fin d’article).

Il faut donc trouver un moyen de rentrer davantage de liquidités afin de générer davantage de prêts, dans la limite de 100 fois les liquidités acquises.

 

La revente du prêt pour obtenir des liquidités

Jusque-là, on a vu que les prêts, s’ils ne sont pas remboursés par les endettés, le sont en saisissant le bien immobilier acquis. Les créances des banques sont donc considérées comme « sûres ». Les banques vont donc revendre ces créances pour récupérer des liquidités : elles les revendent entre le prix du prêt de départ et le prix qu’elles aurait touché en 10-20 ans avec les intérêts. Ce qui est intéressant est la quantité de liquidité que cela leur a permis de débloquer : elles ont au départ prêté 100 fois plus d’argent que ce dont elles disposaient et ont revendu ces créances. Elles disposent donc de 100 fois plus d’argent que ce qu’elles avaient au départ et peuvent à nouveau prêter 100 fois ce montant, et ainsi de suite. Les banques s’achètent même les créances entre elles afin de faire gonfler la quantité de liquidités disponibles. On ressent de l’avidité, mais tous les prêts semblent pouvoir se rembourser sur la saisie de la maison. Cependant, ce raisonnement a rencontré une limite.

 

La bulle immobilière, un phénomène crée par le sur-prêt

Nous avons vu que les banques, pour générer plus de prêts immobiliers et plus de bénéfices, ont fait des prêts à des personnes qui n’avaient pas les moyens de rembourser, sans autres garanties que le bien immobilier acheté. En faisant cela, elles ont donc augmenté la demande sur le marché de l’immobilier. La demande a excédé l’offre et le prix de l’immobilier a grimpé. Cependant, il s’agit d’une demande artificielle, ce qui est apparu quelques années plus tard, lorsque les nouveaux propriétaires n’ont pas pu rembourser leur prêt.

À ce moment-là, les banques commencent à saisir à tour de bras les biens immobiliers et à les remettre en vente. Cependant, quand 50% des biens immobiliers achetés durant les dernières années sont saisis et remis à la vente, très vite, l’offre excède à nouveau la demande. Les prix de l’immobilier ont donc baissé en flèche, et la revente des biens saisis n’a pas suffi à rembourser les prêts.

Les prémices qui permettaient au système de fonctionner était faux : « Les créances ne peuvent pas être payées en vendant les biens immobiliers achetés et saisis ». Les banques ont donc été incapables de récupérer leurs paiements, avec les conséquences que nous avons tous connu.

 

La suite de la crise

Après cette crise, la Banque centrale européenne a lutté contre les prêts abusifs, et la « réserve légale » des banques est passé à 2%. C’est-à-dire que les banques ne pouvaient plus prêter « que » 50 fois leurs liquidités. Cependant, cette limite est repassée à 1% et 2012, et en 2016, la banque d’Angleterre proposait le « help to buy loan guanrantee scheme  », aujourd’hui proposé par d’autres banques, pour faciliter l’accès à la propriété, avec le bien immobilier en collatéral pour garantir le paiement de la créance. Une étude publiée par Shelter en 2015 établit la corrélation entre ce système de prêt et une augmentation du prix moyen des habitations de 8250£.

 

Sources :

Predatory lending : https://www.debt.org/credit/predatory-lending/

Réserve légale des banques : https://www.ecb.europa.eu/explainers/tell-me/html/minimum_reserve_req.fr.html

Help to buy loan guarantee scheme : https://www.bbc.com/news/business-38418289

https://www.helptobuy.gov.uk/equity-loan/equity-loans/

Impact du help to buy loan guarantee scheme sur le prix de l’immobilier : https://england.shelter.org.uk/professional_resources/policy_and_research/policy_library/policy_library_folder/research_how_much_help_is_help_to_buy

La folie des banques centrales, par Patrick Artus et Marie-Paule Virard

 

Image de woodleywonderworks, via flickr. Lien de l'image : https://www.flickr.com/photos/wwworks/2959834115.


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6 réactions à cet article    


  • Rincevent Rincevent 22 octobre 2018 18:53


    Survol un peu rapide de la question. Si le point de départ est bien d’avoir prêté à des ‘’pauvres’’ qui, au moindre problème, allaient se retrouver insolvables, ça n’explique pas pourquoi ce problème américain s’est propagé largement au delà de ses frontières. Les conséquences mondiales sur le système bancaire ont une autre origine qui s’appelle la TITRISATION.

    Qu’est-ce ? En gros, un montage financier qui mélange des valeurs diverses dont certaines sûres et d’autres à risque (et donc à rendement plus élevé) tel ces emprunts immobiliers. Le rendement global étant plus alléchant que les produits ‘’classiques’’, tout le monde en a acheté (banques, fonds d’investissement, etc) et, quand la crise a éclaté, les banquiers se sont regardés en chiens de faïence en se disant « si moi j’en ai, toi aussi... et combien ? ». Résultat : un blocage général, les banques ne se prêtant plus entre elles, une crise des liquidités, personne ne faisant plus confiance à personne. Chez nous, les principales banques ont bien morflé : https://www.challenges.fr/entreprise/subprime-les-banques-francaises-parmi-les-plus-touchees_375238


    • Cédric Mercier 23 octobre 2018 10:55

      @Rincevent
      Bonjour. Effectivement, j’ai volontairement évité d’aborder la titrisation, afin de rendre le problème le plus simple et le plus accessible possible, comme évoqué en introduction (raison pour laquelle cet article est publié dans la partie « tribune libre », et pas dans la partie « économie » d’agoravox).


      Merci de ton commentaire, qui permet à ceux qui le souhaitent d’approfondir la question.

    • troletbuse troletbuse 23 octobre 2018 11:01
      Il n’y a rien à apprendre de cette crise vu qu’elle a été programmée.
      Tiens, toutes les bourses baissent en ce moment. En Angleterre, moins que les autres.

      • Spartacus Lequidam Spartacus 23 octobre 2018 11:12

        C’est une décision de Clinton appliquée sous Bush qui a créé la crise des Subprimes.


        Les banques ont été poussé par les lois Clinton a avoir au bilan 50% de prêts aux personnes les moins riches.

        Alors, les Banques sans considération de la solvabilité des emprunteurs, d’un retournement de conjoncture se sont mise a prêter. Pour placer ces emprunts d’insolvables sur le marché, ils ont tritirisé. 

        Un homme, un libéral, Ron Paul avait prédit en 2003 point par point et ligne par ligne le désastre à venir de la bulle des subprimes...



        • Clark Kent Chourave 23 octobre 2018 11:57

          Qu’y a-t-il d’autre à « apprendre » sinon qu’après avoir provoqué la stagnation voire la diminution des bas salaires, le capitalisme néolibéral, qui a besoin de la « croissance » pour prospérer, a encouragé l’endettement et même le surendettement des ménages. La recherche du profit, la spéculation, l’absence de contrôle sur les marchés financiers, ont précipité la faillite du capitalisme déréglementé et les états ont remis à flot les banques avec l’argent public. 

          Aujourd’hui, le capitalisme d’état est aussi inquiétant que l’était cette dérive. Les fonds dits « souverains », estimés à 2500 milliards de dollars, dont disposent les pays aux balances commerciales excédentaires (Chine, Singapour) ou producteurs de matières premières (Russie, Norvège, Quatar, Émirats arabes unis...) offrent à ces Etats la capacité d’investir massivement dans les banques et les industries des pays structurellement endettés.


          La plupart des pays occidentaux sont des pays structurellement endettés par leurs emprunts aux banquiers qu’ils ont renfloués et auxquels ils versent des intérêts d’emprunts au lieu de percevoir ceux qu’ils devraient toucher s’ils avaient accordé un crédit aux gangsters au lieu de leur faire un cadeau.

          • Rincevent Rincevent 23 octobre 2018 12:11


            Chez nous, c’est Paul Jorion qui avait annoncé la chose dans son livre ‘’la crise du capitalisme américain’’ paru en anglais en 2004. Curieusement, aucun éditeur français n’en voudra… Ce n’est que trois ans après que La Découverte le sortira, parce que Jacques Attali l’aurait trouvé intéressant. Quelques semaines plus tard, c’est le crash.

            Il est à noter que Jorion n’est pas économiste de formation, mais anthropologue, et pourtant il a su voir ce que nos économistes ‘’distingués’’ ne voyaient pas (ou ne voulaient pas voir). Ils ont fini par lui faire payer : en 2015, il est viré de l’université néerlandophone de Bruxelles sous un prétexte fallacieux. Par la suite, l’université sera condamnée par le Tribunal du Travail.

            Pour ceux qui auraient raté tout ça, qu’ils se consolent. Il nous reste encore à venir des US, la crise des prêts étudiants (dont les remboursements sont de moins en moins honorés), celle des (multiples) cartes de crédit et celle des prêts automobiles…

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Cédric Mercier


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