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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Philippe Descola, Par delà nature et culture

Philippe Descola, Par delà nature et culture

Philippe Descola, Par-delà nature et culture

Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, Folio essais, 2005

Normalien, auteur d'une thèse d'ethnologie sous la direction de Claude Lévi-Strauss, Philippe Descola est chargé par le CNRS à la fin des années soixante-dix d'étudier en haute Amazonie les Jivaros Achuar. Il s'est appuyé sur ces recherches de terrain pour développer une anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains qui dépasse l'opposition entre la nature et la culture, thème central du présent livre. Professeur au Collège de France dans la chaire d'anthropologie de la nature et directeur d'études à l'EHSS, il est membre du laboratoire d'anthropologie sociale qu'il a longtemps dirigé. Il a reçu en 2012 la médaille d'or du CNRS.

Table des matières :

Avant-propos - Première partie. La nature en trompe-l’œil - Chapitre I. Figures du continu - Chapitre II. Le sauvage et le domestique : espaces nomades - Le jardin et la forêt - Le champ et la rizière - Ager et silva - Le pasteur et le chasseur - Paysage romain, forêt hercynienne, nature romantique - Chapitre III. Le grand partage : L'autonomie du paysage - L'autonomie de la Phusis - L'autonomie de la Création - L'autonomie de la Nature - L'autonomie de la Culture - l'autonomie du dualisme - L'autonomie des mondes - Deuxième partie : Structure de l'expérience - Chapitre IV. Les schèmes de la pratique : Structure et relation - Le savoir du familier - Schématismes - Différenciation, stabilisation, analogies - Chapitre V. Rapport à soi, rapport à l'autre : Modes d'identification et modes de relation - L'autre est un "je" - Troisième partie. Les dispositions de l'Être : Chapitre VI. L'animisme restauré : Formes et comportements - Les avatars de la métamorphose - Animisme et perspectivisme - Chapitre VII. Du totémisme comme ontologie. Le Rêve - Inventaire australien - Sémantique des taxinomies - Variétés d'hybrides - Retour aux totems algonquins - Chapitre VIII. Les certitudes du naturalisme : Une humanité irréductible ? - Des cultures et des langues animales ? - Un homme sans esprit ? - Des droits de la nature ? - Chapitre IX. Les vertiges de l'analogie : La chaîne de l'être - Une ontologie mexicaine - Échos d'Afrique - Appariements, hiérarchie, sacrifice - Chapitre X. Termes et symétries - Différences, ressemblances, classifications - Quatrième partie : Les usages du monde : Chapitre XI. L'institution des collectifs : A chaque espèce son collectif - Une nature asociale et des sociétés exclusives - Des collectifs hybrides différents et complémentaires - Un collectif mixte, inclusif et hiérarchisé - Chapitre XII. Métaphysique des mœurs : Un moi envahissant - Le roseau pensant - Représenter le collectif - La signature des choses - Cinquième partie : Écologie des relations. Chapitre XIII. Les formes de l'attachement : Donner, prendre, échanger - Produire, protéger, transmettre - Chapitre XIV. Le commerce des âmes : Prédateurs et proies - la symétrie des obligés - L'entre-soi du partage - L'éthos des collectifs - Chapitre XV. Histoires et structures : de l'Homme-Caribou au Seigneur-Taureau - Chasse, apprivoisement, domestication - Genèse du changement - Épilogue. Le registre des possibles - Appendices : Remerciements - Notes - Bibliographie - Index général - Table des figures

Résumé du livre :

"Seul l'Occident moderne s'est attaché à classer les êtres selon qu'ils relèvent des lois de la matière ou des aléas des conventions. L'anthropologie n'a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet – la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle –, elle perpétue une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie. 

Peut-on penser le monde sans distinguer la culture de la nature ? Philippe Descola propose ici une approche nouvelle des manières de répartir continuités et discontinuités entre l'homme et son environnement. Son enquête met en évidence quatre façons d'identifier les « existants » et de les regrouper à partir de traits communs qui se répondent d'un continent à l'autre : le totémisme, qui souligne la continuité matérielle et morale entre humains et non-humains , l'analogisme, qui postule entre les éléments du monde un réseau de discontinuités structuré par des relations de correspondances ; l'animisme, qui prête aux non-humains l'intériorité des humains, mais les en différencie par le corps ; le naturalisme qui nous rattache au contraire aux non-humains par les continuités matérielles et nous en sépare par l'aptitude culturelle. 

La cosmologie moderne est devenue une formule parmi d'autres. Car chaque mode d'identification autorise des configurations singulières qui redistribuent les existants dans des collectifs aux frontières bien différentes de celles que les sciences humaines nous ont rendues familières. 

C'est à une recomposition radicale de ces sciences et à un réaménagement de leur domaine que ce livre invite, afin d'y inclure bien plus que l'homme, tous ces « corps associés » trop longtemps relégués dans une fonction d'entourage." (source : site Gallimard)

Mon avis sur le livre :

"C'est dans l'aval du Kapawi, une rivière limoneuse de la haute Amazonie, que j'ai commencé à m'interroger sur l'évidence de la nature" : l'auteur nous fait partager la découverte qui sert de fil conducteur à ce livre à partir de son immersion dans une tribu amazonienne (les Jivaros Achuar).

Il démontre comment les Achuars d'Amazonie conçoivent de manière toute différente leur rapport à l'espace et à la domestication, selon des cercles concentriques allant de la maison à la jungle mais qui ne concordent pas avec la conception occidentale d'une division entre espace domestiqué et espace sauvage.

Il propose comme nouveaux critères ceux d'intériorité et de physicalité, d'une part, et de ressemblance et de différence, d'autre part. Affirmer la ressemblance des intériorités, comme font l'animisme et le totémisme, c'est dire que les non-humains ont la même âme et les même valeurs que les humains, ils partagent avec eux la subjectivité, la conscience, la communication, la conscience de soi, la mémoire, l'intentionnalité, la mortalité et la connaissance (y compris la connaissance de la mortalité).

Affirmer la ressemblance des physicalités, comme font le totémisme et le naturalisme, c'est dire que les non-humains ont non seulement des corps proches mais encore des modes d'existence, des régimes alimentaires et des modes de reproduction similaires.

En ce qui concerne les modes de relation, Descola propose de distinguer deux types, gradués en positives, neutres et négatives : la prédation, l'échange, le don, la transmission, la conservation et la production.

Plus qu'à une "lecture", c'est à une véritable "Gedenkenexperiment", à une "expérience de pensée" que nous convie Philippe Descola, une expérience que ne permet pas la simple lecture de Montaigne ni même de Claude Lévi-Strauss qui a parfois tendance à faire des "peuples premiers" des membres de la tribu structuraliste.

Comme l'a montré Peter Sloterdijk à propos de la notion de "liberté" et Michel de Certeaux à propos de la "fable mystique", il s'agit de déposer nos lunettes de "sujets de la science" (Lacan) pour admettre enfin, en essayant de nous mettre vraiment à leur place au lieu de projeter sur eux nos propres structures intellectuelles, que les hommes ne pensent pas partout et toujours de la même manière et notamment que la distinction tranchée que nous faisons entre nature et culture (les cailloux, les plantes, les animaux font partie de la nature, les hommes sont du côté de la culture) nous est propre et ne permet ni de comprendre les "peuples premiers" (de construire une anthropologie décentrée, débarrassée des préjugés colonialistes et européocentristes), ni les hommes qui ont peint les grottes de Lascaux.

Citation :

"L'analyse des interactions entre les habitants du monde ne peut plus se cantonner au seul secteur des institutions régissant la vie des hommes, comme si ce que l'on décrétait extérieur à eux n'était qu'un conglomérat anomique d'objets en attente de sens et d'utilité. Bien des sociétés dites "primitives" nous invitent à un tel dépassement, elles qui n'ont jamais songé que les frontières de l'humanité s'arrêtaient aux portes de l'espèce humaine, elles qui n'hésitent pas à inviter dans le concert de leur vie sociale les plus modestes plantes, les plus insignifiants des animaux. L'anthropologie est donc confrontée à un défi formidable : soit disparaître avec une forme épuisée d'humanisme, soit se métamorphoser en repensant son domaine et ses outils de manière à inclure dans son objet bien plus que l'anthropos, toute cette collectivité des existants liée à lui et reléguée à présent dans une fonction d'entourage. Ou, pour le dire en termes plus conventionnels, l'anthropologie de la culture doit se doubler d'une anthropologie de la nature, ouverte à cette partie d'eux-mêmes et du monde que les humains actualisent et au moyen de laquelle il s'objectivent." (p.18-19)


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21 réactions à cet article    


  • Attila Attila 12 février 2018 15:38

    Philippe Descola méritait bien un article. Cette thèse sur le fait que l’idée de la Nature n’est qu’une construction mentale et, donc, fait aussi partie de la culture est d’une importance majeure.

    1— Si on n’est pas conscient de cela, on regarde les autres cultures avec des verres déformants, la faute anthropologique classique qui consiste à voir les autres cultures avec les conceptions de sa propre culture. Exemple : « le bon sauvage qui est proche de la Nature ». Le « bon sauvage » n’est proche de rien du tout car l’idée de la Nature est totalement étrangère à sa culture.

    2— Si on n’est pas conscient de cela, on est prisonnier dans sa propre culture car on n’est pas capable de relativiser et de critiquer un certain nombre de dogmes qui nous enchaînent.

    .


    • Attila Attila 12 février 2018 23:29

      La page actuelle de Wikipedia sur Philippe Descola est un charabia abscons. Il parait pourtant que le but de Wikipedia est la vulgarisation.

      Dans l’ancienne version, on pouvait lire clairement : La Nature n’existe pas, ce n’est qu’une croyance.

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      • Attila Attila 13 février 2018 14:49

        « Si les populations sylvestres amérindiennes sont perçues comme naturelles, c’est que leur capacité à produire de l’artifice est très généralement ignorée ».
        Citation de Philippe Descola tirée de sa communication au colloque de Florac (Cévennes) en 1985 et dont l’intitulé était : « Protection de la Nature, histoire et idéologie ».

        On voit bien là cette division bipartite de l’Univers connu et connaissable (étudiée par Émile Durkheim), le naturel sacré d’une part, et l’artificiel profane d’autre part. Cette division naturel/artificiel est le fondement du phénomène religieux qu’est le naturalisme et de son dernier avatar à la mode, l’écologie.
        C’est cette division naturel/artificiel qui est totalement inconnue des peuples du monde.

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        • Attila Attila 13 février 2018 14:58

          « Les indiens d’Amazonie sont ainsi depuis longtemps les supports involontaires d’un imaginaire occidental qui cherche en eux avec nostalgie ou condescendance le reflet de ses origines.
          Comment s’étonner dès lors qu’on veuille conserver ces flamboyants spécimens du passé de l’humanité dans quelques réduits forestiers dont ils formeront le plus bel ornement ? »
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          Philippe Descola

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          • Attila Attila 13 février 2018 15:33

            Les études sociologiques dont on dispose montrent que la croyance en la Nature est surtout présente dans les classes moyennes supérieures diplômées. Jusque dans les années 1970, les classes populaires n’employaient jamais le mot Nature ou ses dérivés.
            La croyance en la Nature est donc limitée à l’origine à la bourgeoisie occidentale. Les sociologues ayant intervenu au colloque de Florac ont montré que l’écologie était très élitiste.
            De plus, le peuple était imprégné de culture chrétienne et la croyance en la Nature y est totalement absente. Pire, l’idée de la Nature entraîne une conception de l’Homme diamétralement inverse de celle du christianisme.
            Christianisme et naturalisme sont totalement incompatibles.

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            • Attila Attila 13 février 2018 19:19

              Ce sujet aurait mérité sa place en tête d’Agoravox, plus que le premier ministre ou Alain Soral. C’est un sujet de la plus haute importance aujourd’hui.

              D’une vision chrétienne du monde lorsque j’étais adolescent, nous sommes passés à une vision naturaliste chez les classes sociales dominantes, les « élites ». Comme pour l’Union Européenne et le néolibéralisme, il n’y a pas eu de débats et on nous a imposé tout cela en douce sans nous demander notre avis.

              Je considère les travaux de Philippe Descola aussi importants que ceux de Michel Clouscard, pour donner un repère.

              Les citoyens adultes devraient normalement être demandeurs de débats sur notre façon de voir le monde et conséquences que cela entraîne.

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              • Robin Guilloux Robin Guilloux 13 février 2018 21:23
                • @Attila
                La pensée de Philippe Descola n’est effectivement pas aussi connue qu’elle le mériterait. 
                On assiste actuellement à une sorte de sacralisation de la nature (qui provient de l’hypostase de la notion de nature) qui est l’essence même du paganisme et qui différencie les religions païennes du judéo-christianisme. 
                J’ai beaucoup de respect pour Spinoza, mais son « Deus sive Natura » ne pouvait que déclencher l’anathème des autorités juives d’Amsterdam que je comprends (sans admettre la tentative d’assassinat)
                Spinoza s’attaquait au cœur même du judaïsme. Le judaïsme ne cesse d’affirmer que la nature n’est pas sacrée, que Dieu est transcendant par rapport à la nature et qu’il n’est pas sacré, mais « saint ».. Sans être climato-sceptique, j’avoue avoir du mal avec l’idéologie de la décroissance et l’opprobre jetée sur la technique et la science. 
                Ce n’est pas un hasard, je pense si la critique de la technique est au cœur de la pensée crypto-nazie de Heidegger. 
                Descola déconstruit toute cette idéologie européocentriste. Les peuples premiers ignorent superbement cette dichotomie entre nature et culture. En fait, ils ignorent ces notions que la pensée occidentale projette sur eux et dont ils font l’essence du réel.
                Lire Descola, c’est faire une « expérience de pensée ».

              • Attila Attila 13 février 2018 22:51

                @Robin Guilloux
                " Descola déconstruit toute cette idéologie européocentriste. Les peuples premiers ignorent superbement cette dichotomie entre nature et culture. En fait, ils ignorent ces notions que la pensée occidentale projette sur eux et dont ils font l’essence du réel. « 
                Nous sommes d’accord.

                 » Le judaïsme ne cesse d’affirmer que la nature n’est pas sacrée, que Dieu est transcendant par rapport à la nature « 
                Ça, par contre, ce n’est pas possible. D’abord pour une raison chronologique : Le concept de Nature fut inventé par un groupe de grecs que l’on nomme »les philosophes", c’était au 6° siècle avant JC (Platon, le Timée). Les textes de l’ancien testament sont beaucoup plus ancien, certains datent de 3000 ans avant JC d’après André Chouraqui. Comment auraient-ils pu faire état d’un concept qui ne fût inventé que beaucoup plus tard ?
                Dans la phrase de Philippe Descola que j’ai citée plus haut -Lien- il montre bien que l’idée de Nature entraîne une vision de l’Univers divisée entre nature et artifice. Cette vision est inconnue dans le judaïsme comme dans le christianisme (la pensée de Jésus et des premiers chrétiens)
                A partir de la Renaissance, les textes des philosophes grecs du 6° siècle avant JC ont pu être lus par les intellectuels européens, c’est pourquoi on en trouve des échos dans leurs textes.

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              • Gollum Gollum 14 février 2018 16:22

                @Robin Guilloux

                On assiste actuellement à une sorte de sacralisation de la nature (qui provient de l’hypostase de la notion de nature) qui est l’essence même du paganisme et qui différencie les religions païennes du judéo-christianisme. 

                Je ne sais pas où vous avez vu une sacralisation de la nature à l’heure actuelle. C’est consternant de lire ça. Le peu de sacralisation de la nature, comme vous osez dire, vient du fait que celle-ci a été surexploitée, massacrée, polluée et que devant l’étendue des dégâts, un peu d’écologie, s’est invité dans le débat politique.. 

                C’est tout ! Bref, on ne pouvait plus nier que l’on faisait des conneries et c’est à cela qu’on doit le peu d’écologie qui existe.

                D’autre part, cette désacralisation de la nature est précisément responsable de ces dégâts là. Autrement dit, il eût mieux valu que ce soit le point de vue de Spinoza qui triompha plutôt que le point de vue juif. Ce point de vue est catastrophique.

                On doit retourner à un point de vue païen où la Nature doit de nouveau être sacralisée et ce afin qu’elle soit respectée et protégée.

                Ce n’est pas un hasard, je pense si la critique de la technique est au cœur de la pensée crypto-nazie de Heidegger. 

                Mais qu’est-ce qu’il faut pas lire… smiley Les nazis adoraient la technique, parce que la technique est volonté de puissance...

              • Jean Roque Jean Roque 14 février 2018 16:40

                @Gollum
                Si, c’est juste. Cette sacralisation de la nature est du même ordre que la sacralisation de l’économique. Des impératifs « naturels » niant la nécessité de la pensée politique.
                Sur un autre article je disais qu’en appeler aux « gènes noirs » de l’ancêtre des anglais, c’est ramener l’homme à du bétail, justifier par la nature de l’espèce, faisant fi de toute l’évolution sociale de millénaires
                Dans l’économie il y aurait une « nature économique »
                Ce sont des prétextes libéraux.
                Pour ce qui et des nazis, vous avez raison, les nazis encensaient la puissance de la technique. Il est connu qu’Hitler n’aimait pas l’idée de « mythe ». Mais leur mouvement s’est ancré sur une longue tradition naturaliste : les mouvements de jeunesses qui faisaient du scoutisme dans le bois au lieu d’aller faire des études dans les années 1900 en est un exemple. Ce romantisme de la nature a bercé la révolution conservatrice allemande.
                https://fr.wikipedia.org/wiki/Wandervogel


              • Gollum Gollum 14 février 2018 17:17

                @Jean Roque

                La sacralisation de l’économique a entrainé la désacralisation de la nature. C’est ce qui s’est passé depuis que le capitalisme existe. Il n’y a rien de naturel dans le capitalisme. Tout est artificiel. La façon de considérer les gens (comme des robots à exploiter), le non respect du vivant..

                Quant à la notion de nature économique il s’agit d’un contresens. Il n’y a pas de nature économique bien évidemment. Comme vous le dites ce sont des prétextes, bref de la propagande.

                Quant au scoutisme chez les nazis, dois-je rappeler que ce scoutisme a existé chez les chrétiens qui eux sont censés être non païens ?

                Bref..

              • Attila Attila 14 février 2018 10:15

                Dans les traductions de la Bible, on trouve quelques cas d’utilisation du mot « nature ».

                Dans l’Ancien Testament, le Livre de la Sagesse, chapitre 13 :
                " Oui, vains par nature tous les hommes en qui se trouvait l’ignorance de Dieu, qui, en partant des biens visibles, n’ont pas été capables de connaître Celui-qui-est, et qui, en considérant les œuvres, n’ont pas reconnu l’Artisan. « 
                Le »vains par nature« est une mauvaise traduction. D’après un spécialiste dont j’ai oublié le nom, il aurait fallu traduire par »vains en eux-mêmes« .

                Dans le Nouveau Testament, on trouve mention du mot »nature« dans des Épîtres de Saint-Paul. Dans les Épîtres aux romains, aux thessaloniciens et aux corinthiens. C’est-à-dire dans les Épîtres qui s’adressent aux grecs et aux romains. Pas dans les autres. André Chouraqui nous explique que Saint-Paul était le fils de riches marchands juifs, il a bénéficié de l’enseignement de précepteurs grecs pendant son enfance. Il parlait le latin et le grec et connaissait bien les cultures grecque et latine.
                Les Épîtres sont des textes pour convertir, des écrits pour convaincre. Aujourd’hui on appellerait cela de la »communication".

                Pour convaincre, donc, Saint-Paul a utilisé les éléments de culture des populations auxquelles il s’adressait : la Nature pour les grecs et les romains et pour les autres des notions différentes.

                .
                 







                • Attila Attila 14 février 2018 13:13

                  En fin de compte, Philippe Descola nous parle de notre propre liberté.
                  Il y a eu un débat dans certaine sphère il y quelques années sur le fait que la culture judéo-chrétienne a permit l’émergence de la science. Chaque culture peut avoir des avantages ou des blocages pour résoudre les problèmes de son temps. La possibilité de prendre du recul par rapport à la culture dominante de son époque est un gros avantage lorsque celle-ci empêche les arguments de raison d’être entendus.

                  .


                  • Robin Guilloux Robin Guilloux 14 février 2018 15:54

                    @Attila

                    Vous avez raison, les Hébreux ont ignoré le concept (grec) de « nature » (Phusis). 
                    Je voulais dire que celui dont on ne peut prononcer le nom est absolument transcendant par rapport au monde (ce n’est ni une plante, ni un animal (Egypte), ni un homme (Grèce)...) ; il est interdit de le représenter, de s’en faire une image (idolâtrie). 
                    Dans la discussion que vous évoquez sur les conditions de possibilité de la pensée scientifique, on a réinvesti (indûment) le concept grec de nature dans la pensée juive en affirmant que la pensée judéo-chrétienne en séparant Dieu de la nature, en affirmant la transcendance divine par rapport au monde avait permis le developpement de la science, ou plus exactement, l’accouplement de la science et de la technique, ce que n’ont pas fait les Grecs pour des raisons religieuses (le danger de l’Ubris, de la démesure et la sacralisation de la Phusis (que reprend sans examen Heidegger). 
                    Il n’empêche que les Grecs de l’âge classique semblent s’être volontairement abstenus de développer la technique (selon Marcel Conche) jusqu’à l’époque hellénistique (Alexandrie), les Romains n’ayant pas été aussi regardants sur cette question, malgré le culte de Cybèle, et que l’affirmation de la non sacralité du monde (de la nature, de la Phusis) a certainement été l’unes des conditions de possibilité de la techno-science.

                  • Gollum Gollum 14 février 2018 16:30

                    @Robin Guilloux

                    Ce n’est pas le christianisme qui a permis le développement de la science mais la désacralisation de la nature qui a été importée du monde juif. Une fois le christianisme disparu le développement scientifique a fait un bond en avant car la désacralisation, elle, est restée. Elle est une des bases du capitalisme. Le christianisme a été, bien au contraire, l’histoire l’a montré, contraire à la science. Ce dont se plaignait amèrement Nietzsche d’ailleurs. Qui considérait le christianisme comme un immense gaspillage d’énergie au profit de chimères (immortalité, dogmes, etc..). La science s’est faite aussi, en réaction au christianisme et ses affirmations pour le moins, péremptoires.

                  • Jean Roque Jean Roque 14 février 2018 17:04

                    @Gollum
                    Vous faites un total contresens : le christianisme était contre la science qui se prenait pour Dieu, pas la science en tant que telle. C’est à dire il était contre tout anthropocentrisme, l’hubris scientifique. Le cas typique est celui de Copernic qui, pour le christianisme, plaçait la terre dans le ciel, comme une étoile divine. Mais beaucoup de moines sont connus pour avoir étudier les sciences, le monde créé par Dieu. Gregor Mendel par exemple, père de la génétique.
                    https://fr.wikipedia.org/wiki/Gregor_Mendel


                  • Gollum Gollum 14 février 2018 17:20

                    @Jean Roque


                    N’importe quoi, mais vraiment…  smiley

                    Pas envie d’argumenter, les délires sur Copernic sont consternants.

                  • Attila Attila 14 février 2018 18:38

                    "  Au contraire, pour les théologiens du Moyen Âge, Dieu est rationnel et il a créé un univers ordonné. Cela signifie que l’univers n’est pas Dieu, qu’il a une existence autonome et qu’il peut être soumis à l’analyse rationnelle. Or la croyance métaphysique dans un univers intelligible, structuré et ordonné par Dieu, qui peut être compris par la raison humaine, a constitué l’une des conditions de possibilité de la science moderne. En ce sens, le christianisme a favorisé l’essor du progrès scientifique, parfois malgré lui."

                    Pourquoi la science moderne est-elle née en occident ?

                    .


                    • Robin Guilloux Robin Guilloux 15 février 2018 08:57

                      @Attila

                      Je suis d’accord. A propos de la notion de « nature » dans la pensée juive, vous avez noté la connaissance intime de la pensée grecque de Paul de Tarse ’Saint Paul) par son éducation de pharisien aisé (le mot « pharisien » ne doit pas être pris systématiquement en mauvaise part) qui montre que les choses ne sont pas si simples. 
                      Le judaïsme de l’époque hellénistique connaît la pensée grecque et pense en partie en grec, comme en témoigne la traduction de la Torah en grec (les « Septantes ») à Alexandrie.
                      Par conséquent la notion grecque de nature (Phusis) n’a pas été étrangère à la pensée juive.
                       Il ne faut pas durcir les oppositions. La grosse erreur est de penser que la nature s’oppose à la culture et que l’homme ne fait pas partie de la nature. Descola nous invite à dépasser cette dichotomie, mais respecter la nature en nous et autour de nous ne veut pas dire la sacraliser.Ce sera très certainement le grand défi du troisième millénaire. L’Encyclique « Laudato si » prouve que la pensée de l’Eglise sur les rapports nature/culture est en train de changer dans le sens de la prudence (cf. Hans Jonas : Le principe responsabilité) et de la compassion active envers tous les êtres vivants.

                    • Attila Attila 16 février 2018 17:35

                      @Robin Guilloux
                      Je ne comprend pas pourquoi vous remettez sur le tapis ce débat sur l’opposition nature/culture, Philippe Descola l’a définitivement clos en montrant que la nature n’est qu’une idée parmi d’autres, une construction mentale parmi d’autres, une vision de l’univers parmi d’autres.
                      La nature fais donc partie de la culture. Mais cette idée n’est partagée que par une petite minorité des habitants de la Terre. Elle ne peut donc pas être une référence universelle. La quasi totalité des humains pense l’univers sans faire référence à la nature.

                      Le naturalisme a apporté quelque chose d’important à nos sociétés : mieux faire attention aux conséquences de nos actes lorsque nous exploitons les ressources de la Terre. C’est indéniable.

                      Mais le naturalisme possède des limites, notamment cette opposition nature/artifice trop éloignée de la réalité (bien observée par Philippe Descola -Lien).

                      .


                    • Attila Attila 19 février 2018 18:16

                      Je viens de relire un texte de la sociologue Danièle Hervieu-Léger où elle parle de la cohérence d’un système de pensée. Un des points-clés d’une culture est sa vision de l’univers. De cette vision de l’univers découle un système de pensée, un système de valeur. Ce système de pensée tend à être cohérent avec la vision de l’univers de laquelle il découle.

                      Deux culture différentes avec deux visions de l’univers différentes engendreront deux systèmes de pensée différents.

                      .

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