Aux Lecteurs
Programme prometteur : on renationalise !
Un seul mot d’ordre : privatisation des bénéfices et socialisations des pertes.
technique habituelle de l’alstomisation où, après avoir raclé jusqu’à l’os tout ce qu’il y avait à manger, il n’y a plus qu’à balancer le reste à qui en voudra.
A ceci près qu’EDF constitue encore un gros, très gros morceaux qui mérite d’être sauvé, mais d’une manière différente de ce qui est prévu.
Il est impératif de s’affranchir des« règles de Bruxelles » dont la France n’a que faire.
La situation d’EDF est critique et il s’agit tout simplement d’éviter la...faillite.
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/nationalisation-en-vue-d-edf-pour-ecarter-le-risque-de-faillite-924752.html
Analyse ci-après, de F. Gliszczynski sur La Tribune :
"Demain, EDF sera moins une
entreprise qu’un vaste programme nucléaire national
ÉDITO- L’État va renationaliser
EDF et retirer l’entreprise de la Bourse pour lui permettre à court terme de
sortir de la dictature des marchés. Une condition nécessaire mais qui n’apporte
en rien une réponse structurelle aux enjeux de transformation du groupe pour
mener à bien sa mission prioritaire : réussir la relance du nucléaire tricolore
et contribuer à assurer l’indépendance énergétique française. Si l’État va
financer l’essentiel de ce plan évalué à plus de 50 milliards d’euros, EDF
mobilisera néanmoins une très grande partie de ses moyens financiers.
Explications des enjeux du plus gros projet électronucléaire du monde
occidental depuis 40 ans.
Dix-sept ans après son entrée en
Bourse, retour en arrière pour EDF. Déjà propriétaire de près de 84% du
capital, l’Etat va nationaliser à 100% l’énergéticien français et probablement
le retirer de la cote. Une manière de le sortir de la dictature des marchés. Et
plus précisément de l’agence de notation financière Standard & Poor’s
laquelle, effrayée par les prévisions financières et le manque de visibilité
sur l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire, ne cesse de faire planer
la menace d’une nouvelle dégradation de la note d’EDF. Une perspective que
redoute le gouvernement et EDF puisqu’elle entraverait les capacités du groupe
à renégocier sa dette et à négocier de nouvelles lignes de financement.
L’ État va financer l’essentiel
du programme. L’enjeu est crucial. Néanmoins, il va bien au-delà. Car, si elle
est bel et bien une condition nécessaire pour assurer l’avenir du groupe, cette
renationalisation n’est en rien une solution structurelle aux enjeux de sa
transformation pour mener à bien la relance du nucléaire tricolore. Elle n’est,
par conséquent, que la première étape d’un très long chemin dont le point
d’arrivée sera la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires (dits EPR2)
entre 2035 et 2042, sans compter les huit autres réacteurs en option comme l’a
annoncé Emmanuel Macron dans son discours de Belfort, le 10 février dernier.
Soit, ni plus ni moins, le plus gros programme électronucléaire du monde
occidental depuis une quarantaine d’années. Un projet pharaonique d’une
complexité industrielle et financière considérable dont le coût l’est tout
autant : plus de 50 milliards d’euros, une enveloppe inabordable pour EDF.
C’est donc l’Etat qui assurera l’essentiel du financement. L’énergéticien sera
néanmoins mis à contribution. Suffisamment pour engloutir pendant 20 ans tous
ses moyens financiers, et l’obliger à augmenter rapidement ses fonds propres.
C’est le prix à payer pour contribuer à assurer l’indépendance énergétique de
la France, sa seule mission ou presque désormais. A tel point que, demain, EDF
s’apparentera davantage à un vaste programme industriel national qu’à une
véritable entreprise focalisée sur ses résultats financiers.
Bras de fer en vue avec Bruxelles.
Pour autant, entre la renationalisation d’aujourd’hui et ce point d’arrivée, le
chemin sera long et compliqué. Il passera tout d’abord par une nouvelle négociation
serrée à Bruxelles concernant la régulation du parc nucléaire installé, le
financement des nouveaux EPR, et la restructuration de l’énorme dette du
groupe, qui s’élevait à près de 43 milliards d’euros en fin d’année dernière et
pourrait flirter avec les 100 milliards fin 2022, selon S&P. Dans ce
contexte, l’objectif français est clair : cette régulation doit permettre à la
fois de fixer dans le temps les prix de sortie du kilowattheure et d’obtenir
une électricité abordable, dès la mise en service des premiers EPR2 entre 2035
et 2037. Pour Paris, hors de question qu’un programme nucléaire, qui s’étend
sur un siècle entre la conception et le démantèlement, soit exposé à des prix
de marché, souvent volatils.
De quoi faire tousser Bruxelles.
Si la Commission ne peut s’opposer à une nationalisation, elle peut, en
revanche, imposer des « murailles de Chine » entre les activités régulées
bénéficiant d’une aide d’Etat et les autres. Par conséquent, des contreparties
au plan français sont évidemment. Même si la guerre en Ukraine a placé les
questions d’indépendance énergétique au cœur des priorités, elle goûte toujours
aussi peu aux monopoles intégrés. Pas très « market spirit » en effet. Une
façon donc de revenir au projet Hercule d’organisation d’EDF, enterré l’an
dernier devant la grogne syndicale. EDF devra en effet vendre des actifs pour
se recentrer sur le nucléaire, l’hydraulique et peut-être sa filiale Enedis. En
contrepartie, les participations dans Edison, Dalkia...seront vendues, tandis
que les autres géants français, Engie et TotalEnergies lorgnent déjà les
activités d’EDF dans les énergies renouvelables. Jean-Pierre Clamadieu, le
président du conseil d’Engie, l’a même dit publiquement, au risque de se
susciter l’agacement au sein de l’Etat, d’EDF, mais aussi de son conseil
d’administration.
A la recherche d’un pilote. Si le
chemin est long, le gouvernement doit néanmoins aller vite. Une mise en service
en 2035-2037 suppose de commencer les travaux en 2027-2028, à condition d’avoir
obtenu toutes les autorisations nécessaires à la construction. Pour mener à
bien ce projet colossal, l’Etat vient de lancer le processus de succession du
PDG Jean-Bernard Lévy. L’idée est de le remplacer rapidement, bien avant la fin
de son mandat en mars 2018. Si ce dernier restera celui qui a obtenu la relance
du nucléaire, son successeur aura la charge de mener à bien sa réalisation. Qui
pour le remplacer ? Beaucoup vont venir frapper à la porte. Et pour cause :
conduire pendant 5 ou 10 ans le plus grand programme nucléaire au monde a de
quoi faire rêver, même si la rémunération annuelle capée à 450.000 euros dans
les entreprises publiques sera largement en dessous de celles en vigueur dans
privé. L’oiseau rare devra avoir les épaules pour mettre en tension une
entreprise de cette taille et s’assurer de structurer une filière nucléaire
française. Un profil d’ingénieur semble nécessaire, jeune qui plus est pour
pouvoir s’inscrire dans la durée de deux mandats, nécessaires pour relever un
tel défi."
Renaud Bouchard