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Commentaire de Mélusine ou la Robe de Saphir.

sur Les utopies idéologiques


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Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 27 février 2022 10:02

Les plus radicaux seraient les moins engagés ?

Oui, car l’enjeu du radical n’est pas tant de chercher à changer le monde de manière réaliste, qu’à trouver des raisons de s’en plaindre. Il s’agit d’une posture bourgeoise, facile, confortable qui offre bonne conscience, et qui se satisfait de désirs absolus et du constat que le réel n’y est pas adapté.

La radicalité est le symptôme d’une société qui s’ennuie, écrivez-vous. Que voulez-vous dire ?

Tous les contempteurs de la démocratie - de Hitler à Staline - ont dénoncé le fait qu’en démocratie l’individu était à lui-même son propre but. Pour sortir l’individu de sa torpeur individualiste, il fallait lui offrir la possibilité de se donner pour quelque chose de plus grand que lui, affirmaient-ils : le projet national, la Révolution…

N’avaient-ils pas raison en cela ?

En effet. Tocqueville lui-même, ce « super démocrate », soulignait la nécessité d’une religion en démocratie pour rendre aux hommes le sens de l’espérance. Le paradoxe de la démocratie est qu’il n’y a pas mieux qu’elle, qu’il n’y a pas d’ailleurs : on ne peut espérer autre modèle. Elle nous rend libres tout en nous enfermant en elle ; elle donne des droits, mais dans un aquarium. Cette condition si paradoxale est à mon avis à l’origine d’un problème énorme qui est l’absence d’un au-delà. Du coup, comme je l’écrivais dans Franc-tireur, la radicalité s’offre aux citoyens désœuvrés comme un divertissement majeur, elle se donne des moulins à vent, elle pourfend le « racisme d’État » dans un monde où l’État pourfend le racisme, elle impose la haine en combattant l’introuvable « grand remplacement », elle voit une dictature dans la gestion de la crise sanitaire… La radicalité est le désir éperdu d’un adversaire si haïssable, d’un mal si profond qu’il faille l’extirper à la racine. Ce combat délivre le sens d’une vie. Si l’injustice n’existait pas, la radicalité l’inventerait.

Cette frustration devant un système démocratique imparfait mais indépassable serait donc ce qui explique que le dimanche après-midi dans Bruxelles, à l’occasion de l’une ou l’autre manifestation, on crie à la dictature et que l’on casse les abribus ?

On s’en prend à l’État que l’on tient pour le responsable de nos misères, et on a le sentiment d’accomplir un geste libératoire. Mais de quoi se libère-t-on quand on casse un abribus, quand on s’en prend à un ministère ? On se libère d’une tutelle dont on veut penser qu’elle est tyrannique pour donner un sens à une vie qui n’en a pas. Et c’est pour cela que nous avons en France les « gilets jaunes » dont les revendications sont parfois légitimes, mais dont le diagnostic est délirant.

Rien n’est moins démocratique qu’une société « inclusive » qui partout fait place aux spécificités de chacun, faites-vous comprendre. Que voulez-vous dire ?



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