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Commentaire de Christian Labrune

sur La France à l'heure du véganisme et du pinkwashing : un asile à ciel ouvert


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Christian Labrune Christian Labrune 29 juin 2018 12:21
@Jason

J’avoue que j’ai tant mangé de ces délicieux canards laqués qui pullulent dans mon quartier « chinois », que j’ai de plus en plus de mal à regarder, les yeux dans les yeux, ceux qui barbotent si gentiment au bord du lac des Buttes-Chaumont. Un peu sadiquement pour mes commensaux, il m’est arrivé au dîner d’évoquer la bête qu’on nous présentait, morte et coupée en morceaux, et de prononcer, à la manière de Bossuet, une sorte d’oraison funèbre. Où était-elle née ? Où avait-elle grandi ? Lui avait-on même donné un nom avant de la faire devenir « ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, à qui même le nom de cadavre ne demeure pas longtemps », comme le disait si bien l’évêque de Meaux citant Tertullien.

Il ne viendrait à l’idée de personne de manger son chat, son chien ou ses perruches. Ces animaux familiers que nous avons nommés sont pour nous des personnes, et je comprends très bien qu’on s’émeuve que, pour vivre, il faille faire disparaître d’autres vies. Mais pourquoi s’arrêter aux animaux ? Cyrano de Bergerac, dans Les états et empires de la lune, se demande ce qu’il en est de l’être des choux dans le potager. Ces créatures à la sensibilité desquelles nous n’avons pas accès ne sont-elles pas traversées par des méditations plus sublimes que les nôtres ? Et toutes ces charmantes bactéries qui habitent nos boyaux, de quel droit les faire crever par milliards au moyen de ces armes de destruction massive que sont les antibiotiques, pour retrouver égoïstement la santé lorsque nous sommes un peu malades ?

Le type de pathologie que décrit cet article est tout à fait révélateur du malaise d’une humanité qui commence à prendre conscience, même si c’est d’une manière encore bien confuse, qu’elle est arrivée en phase terminale. Beaucoup d’humanistes béats, depuis des siècles - et ça continue - ont tendance à glorifier la Vie avec un grand V. En fait, la vie est une impasse, et le seul espoir qui nous reste encore, c’est celui d’une migration de l’intelligence vers des supports artificiels qui n’aient plus aucun rapport avec la vie et ce processus répugnant de la chaîne alimentaire où les gros, depuis des milliards d’années, en sont réduits à manger les petits.

Il y aura nécessairement un post-humain, une intelligence totalement artificielle qui échappera à la sempiternelle répétition atroce des naissances et des morts, mais on n’en est pas encore là, et cette perspective, même, remplirait d’effroi les pauvres bougres aux cervelles rudimentaires qui prétendent s’enchanter de leur misérable différence et veulent, bien ridiculement, faire l’ange en diabolisant leur semblables, sans voir qu’ils rameront eux aussi, et jusqu’à la fin, sur la même galère pourrie.


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