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Commentaire de delepine

sur L'innovation en cancérologie : quels progrès pour les patients d'aujourd'hui ?


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delepine delepine 27 mars 2018 16:54
 réponse à Sweach dont on souhaiterait qu’il sorte de l’anonymat ce qui serait plus instructif pour nos lecteurs communs  par Gérard Delépine  cancérologue et statisticien  

Contrairement à ce que vous pensez nous ne désirons pas « épingler » toute une profession car nous connaissons énormément de cancérologues compétents et dévoués à leurs malades. Nous voulons seulement « désintoxiquer » les médecins et les citoyens d’une propagande trompeuse omni présente dans les média et dont vous êtes certainement victime.

Aucune de nos affirmations n’est mensongère. Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec elles mais il faut alors que vous vous astreignez comme nous à citer vos sources

Pour le mythe 1

nous confirmons que l’accélération de la mise sur le marché des nouveaux médicaments ne permet pas d’augmenter la survie globale des malades (sauf comme nous l’avons précisé pour 10% des drogues et pour quelques cancers hématologiques, les Gist et certains mélanomes et pour un gain moyen de 2 à 3 mois). Nous avons cité Vinay Prasad dont je vous invite à lire l’article qui se confirme à chaque fois que nous réalisons une analyse particulière par cancer (nous présentons l’une d’entre elle sur le traitement du cancer du rein au congrès de bobigny sur la surmédicalisation le vendredi 14 avril 2018et nous serions heureux de vous avoir comme contradicteur).

Dans notre article nous avons été bienveillants car nous n’avons donné qu’un exemple de perte de chances de  survie avec les nouvelles drogues trop rapidement mises sur le marché alors que les exemples sont nombreux y compris avec l’immunothérapie  à laquelle vous paraissez sensibilisé :  les pertes de chances de guérison observées chez les malades traités par pembrolizumab (keytruda) ont ainsi récemment obligé la FDA à interrompre deux essais en hématologie.

Je pense que c’est vous qui ne pouvez pas généraliser les minimes gains observés dans de rares tumeurs à l’ensemble de la cancérologie qui constitue notre sujet.

 

Mythe n°2

 

Là encore vous ne citez pas d’article qui étayerait votre croyance alors que l’article de A M Pease publié en 2017 dans le British Journal of Cancerologie est une macroanalyse qui porte sur la totalité des nouvelles drogues et qu’il a été accepté par un comité de lecture réputé. Là encore vous généralisez ce que vous croyez vrai pour quelques drogues dans une ou deux maladies à l’ensemble de la cancérologie.

 

 

Mythe n °3 :

Vous soulignez la très grande différence entre chimiothérapies cytotoxiques et thérapies ciblées ou immunothérapies en croyant que ces dernières seraient plus efficaces alors que les données scientifiques certaines dont on dispose (point2) démontrent le contraire.

 

Rappelez-vous qu’entre les années 1975 et 1990 les chimiothérapies ont permis de guérir 80% des leucémies et, associées au progrès des traitements locaux, de guérir plus de 75% des cancers de l’enfant et de faire passer les taux de guérison des cancers de l’adulte à plus de 50%. Dans notre service nous parvenions à guérir même plus de la moitié de certains cancers métastatiques tels que les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing.

Depuis les années 2000 et l’arrivée des drogues nouvelles on ne guérit aucun malade métastatique supplémentaire et l’espoir se limite à prolonger un peu la vie ; est ce vraiment un progrès révolutionnaire ?

 

Lorsque vous croyez que la mortalité du cancer de la prostate a baissé en vous basant sur les taux claironnés par l’INCa vous êtes victimes du mirage comptable du dépistage. On n‘a en effet fait aucun progrès important dans le traitement médicamenteux de ce cancer et la mortalité réelle est peu différente (quelques petits gains par l’amélioration des traitements locaux). Mais le dépistage a multiplié par cinq le nombre officiel des cancers de la prostate en ajoutant aux cancers vrais évolutifs menaçant la vie, 300% de surdiagnostics cancers dormants jamais évolutifs de la vie du malade. Quand on multiplie le dénominateur d’une fraction on divise d’autant sa valeur. Et c’est ainsi qu’une mortalité de 30% avant dépistage passe à 10% après dépistage sans l’intervention d’un progrès thérapeutique quelconque.

Pour le cancer du sein la mortalité a effectivement baissé ; pour la moitié cette baisse est purement comptable (par le dépistage) pour la moitié et pour le reste essentiellement due à l’hormonothérapie de première génération (tamoxifène) et aux chimiothérapies classiques. L’herceptine « drogue miracle » partout mise en avant n’a permis de faire progresser le taux de guérison global du cancer du sein que de moins de 2 % ! et les autres thérapies ciblées ou l’immunothérapie ont jusqu’ici été que des échecs (en termes de survie globale)

 

 

Mythe n° 4 :

Cela est vrai les tigres sont attirés par l’odeur du sang et les innovations pharmaceutiques par celle de l’argent. Mais innovation n’est pas toujours synonyme de progrès (souvenez-vous de la bombe atomique)

Croire que la généralisation de ces drogues fera chuter les prix exorbitants actuels c’est méconnaitre le comportement de l’industrie pharmaceutique actuelle, c’est croire qu’une hyène lâchera sa proie parce qu’elle est bien nourrie

 

Oui il y a de réelles innovations en cours. Mais il ne s’agit pas toujours de progrès

 

Mythe n°5 :

Ce que vous avancez n’est qu’un espoir non définitivement prouvé (sauf pour 10% De 20% des malades soit 2%). Mais garder espoir.On prétend que cela peut faire vivre.

 

Comme médecin et comme scientifique, je me contente d’analyser les faits prouvés et de dire la vérité même si la perte des croyances peut être douloureuse. C’est en effet la reconnaissance et l’analyse de nos échecs qui nous fait progresser.


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