réponse à Sweach dont on souhaiterait qu’il sorte de l’anonymat ce qui serait plus instructif pour nos lecteurs communs par Gérard Delépine cancérologue et statisticien
Contrairement à ce que vous pensez nous ne désirons pas
« épingler » toute une profession car nous connaissons énormément de
cancérologues compétents et dévoués à leurs malades. Nous voulons seulement « désintoxiquer »
les médecins et les citoyens d’une propagande trompeuse omni présente dans les
média et dont vous êtes certainement victime.
Aucune de nos
affirmations n’est mensongère. Vous avez le droit de ne pas être d’accord
avec elles mais il faut alors que vous vous astreignez comme nous à citer
vos sources
Pour le mythe 1
nous confirmons que l’accélération de la mise sur le marché
des nouveaux médicaments ne permet pas d’augmenter la survie globale des
malades (sauf comme nous l’avons précisé
pour 10% des drogues et pour quelques cancers hématologiques, les Gist et
certains mélanomes et pour un gain moyen
de 2 à 3 mois). Nous avons cité Vinay Prasad dont je vous invite à lire
l’article qui se confirme à chaque fois que nous réalisons une analyse
particulière par cancer (nous présentons l’une d’entre elle sur le traitement
du cancer du rein au congrès de bobigny sur la surmédicalisation le vendredi 14
avril 2018et nous serions heureux de vous avoir comme contradicteur).
Dans notre article
nous avons été bienveillants car nous n’avons donné qu’un exemple de perte de
chances de survie avec les nouvelles
drogues trop rapidement mises sur le marché alors que les exemples sont
nombreux y compris avec l’immunothérapie à laquelle vous paraissez sensibilisé : les
pertes de chances de guérison observées chez les malades traités par
pembrolizumab (keytruda) ont ainsi récemment obligé la FDA à interrompre deux
essais en hématologie.
Je pense que c’est vous qui ne pouvez pas généraliser les
minimes gains observés dans de rares tumeurs à l’ensemble de la cancérologie
qui constitue notre sujet.
Mythe n°2
Là encore vous ne citez pas d’article qui étayerait votre
croyance alors que l’article de A M Pease publié en 2017 dans le British
Journal of Cancerologie est une macroanalyse qui porte sur la totalité des
nouvelles drogues et qu’il a été accepté par un comité de lecture réputé. Là
encore vous généralisez ce que vous croyez vrai pour quelques drogues dans une
ou deux maladies à l’ensemble de la cancérologie.
Mythe n °3 :
Vous soulignez la très grande différence entre
chimiothérapies cytotoxiques et thérapies ciblées ou immunothérapies en croyant
que ces dernières seraient plus efficaces alors que les données scientifiques
certaines dont on dispose (point2) démontrent le contraire.
Rappelez-vous qu’entre les années 1975 et 1990 les
chimiothérapies ont permis de guérir 80%
des leucémies et, associées au progrès des traitements locaux, de guérir
plus de 75% des cancers de l’enfant et de faire passer les taux de guérison des
cancers de l’adulte à plus de 50%. Dans notre service nous parvenions à guérir même plus de la moitié de certains
cancers métastatiques tels que les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing.
Depuis les années 2000 et l’arrivée des drogues nouvelles
on ne guérit aucun malade métastatique supplémentaire et l’espoir se limite à
prolonger un peu la vie ; est ce vraiment un progrès révolutionnaire ?
Lorsque vous croyez que la mortalité du cancer de la
prostate a baissé en vous basant sur les taux claironnés par l’INCa vous êtes victimes
du mirage comptable du dépistage. On n‘a en effet fait aucun progrès important
dans le traitement médicamenteux de ce cancer et la mortalité réelle est peu
différente (quelques petits gains par l’amélioration des traitements locaux).
Mais le dépistage a multiplié par cinq le nombre officiel des cancers de la
prostate en ajoutant aux cancers vrais évolutifs menaçant la vie, 300% de
surdiagnostics cancers dormants jamais évolutifs de la vie du malade. Quand on
multiplie le dénominateur d’une fraction on divise d’autant sa valeur. Et c’est
ainsi qu’une mortalité de 30% avant dépistage passe à 10% après dépistage sans
l’intervention d’un progrès thérapeutique quelconque.
Pour le
cancer du sein la mortalité a effectivement baissé ; pour la moitié cette
baisse est purement comptable (par le dépistage) pour la moitié et pour le
reste essentiellement due à l’hormonothérapie de première génération
(tamoxifène) et aux chimiothérapies classiques. L’herceptine « drogue
miracle » partout mise en avant n’a permis de faire progresser le taux de
guérison global du cancer du sein que de moins de 2 % ! et les autres
thérapies ciblées ou l’immunothérapie ont jusqu’ici été que des échecs (en
termes de survie globale)
Mythe n° 4 :
Cela est vrai les tigres sont attirés par l’odeur du sang
et les innovations pharmaceutiques par celle de l’argent. Mais innovation n’est
pas toujours synonyme de progrès (souvenez-vous de la bombe atomique)
Croire que
la généralisation de ces drogues fera chuter les prix exorbitants actuels c’est
méconnaitre le comportement de l’industrie pharmaceutique actuelle, c’est croire
qu’une hyène lâchera sa proie parce qu’elle est bien nourrie
Oui il y a de réelles innovations en cours. Mais il ne
s’agit pas toujours de progrès
Mythe n°5 :
Ce que vous avancez n’est qu’un espoir non définitivement
prouvé (sauf pour 10% De 20% des malades soit 2%). Mais garder espoir.On
prétend que cela peut faire vivre.
Comme médecin et comme scientifique, je me contente
d’analyser les faits prouvés et de dire la vérité même si la perte des
croyances peut être douloureuse. C’est en effet la reconnaissance et l’analyse
de nos échecs qui nous fait progresser.