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Commentaire de sacha

sur Antisémitisme dominateur et justice : les graves dérives du droit


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sacha 14 février 2018 09:22

Il y a deux choses à dire : d’une part que l’article pose une question réelle, l’égalité devant la justice. 

La seconde question est plus complexe à mesurer, jusqu’où des préjugés collectifs peuvent influencer un auteur de délit ou de crime au point que cela constitue un des motifs de son acte délictueux ou criminel.

Sur ces questions, on ne peut que souhaiter 1 que la justice ne soit pas à géométrie variable, 2 que l’accusation de « racisme » ne soit pas, par les médias ou les hommes politiques, orientée avant même que ne soient fournies les preuves la corroborant. 

Là où je pense que la démonstration vire dans le bas côté de la route, c’est sa finalité : chercher à montrer que la sensibilité plus spécifique à l’égard de l’antisémitisme serait le produit d’une mainmise juive ou sioniste sur le corps médiatico-politique. Cette thèse est contestable pour trois raisons :

-la première est que si on pousse jusqu’au bout le raisonnement, pourquoi le lobby sioniste ou juive en France n’empêche pas la France de voter des résolutions anti-israéliennes, pourquoi la France ne s’aligne-t-elle pas sur les demandes d’un Goldnagel, qui incarnerait peu ou prou l’image du sioniste de droite, riche, proche du pouvoir ? Si tant est que ce pouvoir de lobbying serait réel et non fantasmé, on en aurait les effets réels. Ce qui n’est pas le cas.

-la seconde est la perception de l’antisémitisme, et bien sûr la relation à Israel. Pour certains, être antisioniste ce n’est pas être antisémite. Sur le papier on pourrait dire que oui, sauf quand la contestation de l’identité politique des juifs (qui ont le droit, dans leur diversité, à se considérer comme un peuple et d’en faire partie ou non) ou la dénonciation systématique de l’Etat d’Israel vire à l’obsession antijuive, colportant des mensonges (ah les fake news) et encourageant à la violence. Comme s’il suffisait de s’en prendre à un juif barbu en kippa à Paris pour régler le problème palestinien. Ce recours à la violence qui s’est intensifié après 2000 comme cela a été largement démontré, en grande majorité contre des juifs, n’est pas anodin car il s’inscrit dans un code culturel au coeur duquel le signe juif (pas le juif réel, si tant est qu’il y est LE juif, mais l’idée que l’on s’en fait) est immanquablement associé à du négatif. On s’insurge à juste titre que l’islam est associé de manière éhontée dans les médias à la violence, à la haine contre les mécréants, où la taqiya explique tout (ou rien, pour être plus précis). L’opinion négative envers le collectif juif en général est indéniablement majoritaire en France, que ce soit sur le fond antisémite du pays (les juifs et l’argent) ou le fond judéophobe religieux (le peuple déicide ou le peuple ennemi de l’islam). Le lobby serait puissant s’il parvenait finalement à éradiquer la culture du rejet qui frappe en général les expressions culturelles juives. Etant un lecteur vorace, j’ai emprunté à la bibliothèque municipale le palmier de déborah, un écrit de Luzzatto d’il y a quelques siècles, avec une couverture présentant des caractères hébraïques pour faire « culture juive » selon l’éditeur. Celui qui m’a insulté en sortant de la bibliothèque se gausse de faire un jour mieux qu’hitler. Sauf que je ne suis pas juif, et que je n’ai pas eu de réaction similaire lorsque j’ai tenu à la main des livres d’auteurs arabes. C’est un détail mais qui montre l’obsession de certaines personnes qui seront bien sûr dans le déni de leur antisémitisme (haine des juifs) au nom du fait qu’ils seraient sémites (curieuse réduction qui reprend un poncif racialiste...)

-Ce qui nous mène au troisième point : la fausse culpabilité française qui n’a pas encore digéré son passé vichyste et collaborationniste. Il y a en France une fixation malsaine sur la shoah, un certification de bonne conduit morale qui considère à laver de tout soupçon d’antisémitisme un individu dès lors qu’il est un personnage public (cf le débat Caron Moix sur le livre Utopa XXI). Bien sûr que la haine des juifs est répugnante, mais toute haine de la différence et de l’altérité l’est. Dans l’imaginaire collectif, la caution morale qu’apporte la larme factice (ou peut être réelle) envers la shoah, le discours lénifiant sur les crimes nazis, permet d’identifier une place symbolique aux juifs et au reste de la société : les victimes et la repentance. Cela assure un sauf-conduit moral dans lequel les autorités politiques notamment pensent assurer leur virginité. Mais qui a dit qu’une fois pour toute le racisme était aboli ? Ne faut-il pas sens cesse lutter contre TOUS les racismes ? Les juifs de cour (CRIF) ont contribué à alimenter ce discours pervers qui consiste à exclure les juifs comme individus de la communauté nationale pour en faire une communauté à part sanctuarisée par un statut victimaire. Ce sont les juifs bien réels, dans leur diversité, qu’ils soient pratiquants ou non, qu’ils se sentent même juifs ou non, qui se voient à leur tour identifiés au seul « communautarisme », relégués hors du collectif français (cf Barre et sa remarque sur les juifs et les victimes françaises). Par ce biais, on instaure une France des communautés et on peut assimiler aussi les Français qui ne sont pas blancs à leur origine, qui l’islam, qui l’ethnicité (« black », « asiatique »...), où il faudrait trouver des relais politiques garantissant un discours vide d’unité. 

Derrière la question de la justice ce n’est pas le problème d’un lobby juif mais celui du discours fondateur d’unité nationale. En réduisant les individus à leur appartenance, on dissout le collectif pour en faire un agrégat informe qui oblige finalement chacun à se positionner sur ses origines ou son apparence. Ce qui de facto alimente la crispation identitaire et le repli de chacun sur sa différence plutôt que sur sa participation au projet commun que représente un pays.

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