Quel changement ? D’abord l’éclatement politico-religieux, ensuite les
idées nouvelles, la sécularisation, le désenchantement du monde.
« Contre-religion », la Réforme rationalise la Foi, désacralise la
religion et tout son univers mental plus ou moins superstitieux pour
tout ramener à Dieu, les Ecritures et le Salut de chacun.
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à l’auteur,
Votre conclusion me paraît bien surprenante. Si l’histoire avait pu faire l’économie de Luther et de Calvin, on s’en serait probablement trouvé beaucoup mieux, et le protestantisme n’a pas du tout été un facteur de progrès. La Réforme se veut un retour aux sources, aux évangiles. Elle ne surgit pas du néant : les ordres mendiants, et particulièrement les franciscains, avaient déjà prêché, bien avant Luther, un retour aux exigences du sermon sur les Béatitudes. Cela peut paraître bien sympathique, mais cela me fait quand même penser à une sorte de salafisme, et le calvinisme à Genève, tel qu’il est décrit par beaucoup d’historiens, ressemble fort à un totalitarisme. L’un des plus grands esprits du temps, Michel Servet, sera brûlé en place publique par la volonté de Calvin, et le pauvre Castellion aurait vite connu le même sort si une crise cardiaque ne lui avait providentiellement épargné l’incommodité de la fumée et des flammes.
Le catholicisme du XVe siècle, avec ses ribambelles de saints et son culte marial était devenu un aimable polythéisme, et ces sortes de religions, on le voit bien quand on examine la cité antique, prédisposent à l’ouverture d’esprit et ne sauraient favoriser le fanatisme. L’Eglise, certes, était formidablement corrompue, mais sa corruption même aurait dû induire les peuples au scepticisme et les détacher des croyances religieuses délirantes.
La religion luthérienne, le retour à l’augustinisme, a contrario, devait induire un renouveau tout à fait intempestif des spéculations théologiques. Tout le XVIIe siècle, qui aurait pu sans cela être déjà le siècle des Lumières, se passionne avec les gens de l’Oratoire puis les Jansénistes, pour les questions qui touchent à la grâce et à la prédestination. La réforme catholique est une conséquence vraiment abominable des questionnements de la réforme, et l’Eglise tridentine s’en trouvera fort salement contaminée.
Les religions sont acceptables quand elles sont une espèce de folklore associé à une morale minimale correspondant, comme le confucianisme des Chinois, à ce goût bien innocent que tous les peuples peuvent avoir pour les rites et les cérémonies qui paraissent donner un semblant de sens à la vie sociale.
Dès que les religions sont prises au sérieux, la violence apparaît. Les guerres de religion du XVIe siècle n’auraient pas eu lieu sans les prétentions des réformés. On se souvient surtout, évidemment, de la Saint-Barthélémy de 1572, dont le catholicisme est responsable, mais si les protestants avaient pu l’emporter, peut-être bien que les choses eussent été pires encore, et plus totalitaires. Quelquefois, pensant au sort de Trotsky perçu par les gauchistes comme une victime du Petit Père des Peuples, je me dis que si le boucher de Cronstadt l’avait emporté sur Staline, il eût encore été capable de faire pis dans l’horreur. Le protestantisme, pareillement, est évidemment plus totalitaire que le catholicisme.
Je suis athée, mais mes sympathies iraient plutôt aux jésuites. Ceux-là au moins savent vivre et s’accommoder du monde tel qu’il est. Ils sont bien également nuisibles en faisant perdurer l’opium du peuple, mais ils le sont infiniment moins que tous les marchands d’absolu.