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Commentaire de popov

sur E-Cat : une énergie presque gratuite, presque infinie, sans pollution


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popov 2 janvier 2012 19:37
@ l’auteur

J’ai suivi d’assez près toute l’histoire de ce qu’on appelle la fusion froide.

Pour le lecteur qui n’est pas familier avec le principe de fusion nucléaire je voudrais tout d’abord rappeler de façon aussi simple que possible de quoi il s’agit.

1 La fusion chaude classique

Deux noyaux de deutérium (hydrogène lourd fait d’un neutron et d’un proton) peuvent fusionner pour former un noyau d’hélium (deux neutrons et deux protons).
La masse totale des deux noyaux de deutérium est supérieure à la masse du noyau d’hélium et cette différence de masse est convertie en énergie pure suivant l’équation bien connue d’Einstein (E = m c^2). Il n’y a pas création d’énergie, simplement libération d’une énergie latente. Une réaction nucléaire ne viole donc pas la loi de conservation de l’énergie. Elle ne peut pas non plus violer la loi de conservation de la quantité de mouvement. Au départ la quantité de mouvement est nulle et le noyau d’hélium nouvellement formé ne peut utiliser cette énergie cinétique supplémentaire pour partir comme une balle dans une certaine direction, car cela violerait le principe de conservation de la quantité de mouvement. Le noyau se scinde donc en deux « blocs » et ces deux blocs partent en directions opposées de façon à ce que la quantité de mouvement totale soit nulle.
Ces deux blocs sont soit un neutron et un noyau d’hélium 3 (deux protons et un neutron) ou un proton (hydrogène normal) et un noyau de tritium (un proton et deux neutrons). Ici encore, la masse totale des deux noyaux de deutérium est supérieure à la masse des produits et on a un bilan énergétique positif. Les produits de réactions entrent en collision avec la matière environnante et l’échauffe. Cette chaleur peut être utilisée pour faire bouillir de l’eau et actionner une turbine qui finalement produit de l’électricité.
Le deutérium est abondant dans l’eau de mer et peut être extrait à un coût suffisamment bas.

Le problème est que pour que la fusion se produise, il faut que les deux noyaux de deutérium se rapprochent assez près l’un de l’autre. Et comme ils sont tous deux chargés positivement, ils ont tendance à se repousser violemment. En résumé, pour produire une réaction de fusion, il faut vaincre la répulsion électrostatique.

Au coeur des étoiles, la température est très élevée. Les noyaux de deutérium sont donc animés de vitesse assez élevées pour vaincre la répulsion électrostatique. De plus, la pression (donc la densité) est extrêmement élevée, ce qui augmente les probabilités de collisions entre les noyaux de deutérium. Les réactions de fusion s’y produisent donc naturellement, et c’est ce qui permet au soleil de nous réchauffer.

Les scientifiques ont pu reproduire des conditions similaires dans la bombe H : Des matériaux capables de fusionner sont chauffés et comprimés par une bombe atomique classique. Le bilan énergétique est fantastique, mais l’énergie libérée ne peut être utilisée qu’à des fins destructives.

En laboratoire, on essaye de reproduire des conditions favorables à la fusion en chauffant un gaz de deutérium avec par exemple des micro-ondes et en le pressurisant à l’aide de champs magnétiques. Malgré les budgets faramineux investis dans cette recherche, il n’est toujours pas prouvé que l’on pourra un jour produire de l’énergie de cette façon.
Une autre méthode consiste à bombarder une « pastille » de deutérium avec de multiples rayons laser pour obtenir une élévation soudaine de la température et de la pression pour produire une mini-explosion thermonucléaire. Dans les deux cas, la machinerie qui produit les champs magnétiques ou les rayons laser consomme plus d’énergie que n’en fournissent les réactions de fusion produites. L’avenir de cette recherche se jouera sur des améliorations purement technologiques qui permettront d’augmenter le taux de réaction. Ce n’est pas gagné.

Dans tout ce qui précède, je parle de fusion chaude : on essaye de vaincre la répulsion électrostatique en chauffant le réactif à des millions de degrés pour produire des collisions assez violentes.

2 La fusion froide classique

Existe-t-il une fusion froide reconnue par tous les physiciens ? Oui, et c’est ce qu’on appelle la fusion muonique. Dans une molécule de deutérium (deux noyaux de deutérium et deux électrons), la distance entre les noyaux est déterminée par le rayon moyen des orbites électroniques. Les noyaux sont trop éloignés l’un de l’autre pour qu’ils aient la moindre chance de fusionner. Ce rayon moyen est lié à la masse de l’électron. Si l’électron était plus lourd, ce rayon moyen serait plus petit. Or il existe une espèce d’électron environ 200 fois plus lourd que l’électron normal : le muon. Si on envoie un muon dans un gaz de deutérium, il arrive qu’il remplace un électron dans une molécule. Les noyaux se rapprochent et la fusion se produit. Le muon sort indemne et peut produire d’autres réactions. Malheureusement, le muon a un temps de vie d’un millionième de seconde et on n’a pas encore découvert une façon de le produire économiquement.
Il faut remarquer que la fusion muonique produit du tritium, de l’hélium 3, des protons et des neutrons et n’est contestée par aucun physicien.

3 La fusion froide dans un verre d’eau (Pons et Fleischmann)

Viennent Pons et Fleischmann dans les années ’90, deux chimistes qui travaillent pendant leur temps libre dans une cave sur une expérience extrêmement simple : un verre d’eau salée ou acidulée dans lequel plongent deux tiges métalliques connectées à une pile. L’électrode positive dégage de l’oxygène et l’électrode positive de l’hydrogène. Pour l’électrode positive, ils utilisent du platine (qui ne rouille pas) ; pour l’électrode négative, ils utilisent du palladium, un métal rare. Autre « détail », l’eau est de l’eau lourde : les molécules sont constituées d’oxygène comme l’eau normale, mais l’hydrogène est remplacé par du deutérium. Ils observent des échauffements soudains de l’eau qu’ils ne peuvent expliquer par des réactions chimiques ni par l’apport d’énergie venant de la pile. Ils en déduisent que cette énergie est produite par la fusion du deutérium.

En faveur de cette explication :
- le palladium a cette propriété que les atome d’hydrogène peuvent facilement s’infiltrer dans les mailles du réseau cristallin et s’y trouver à une densité supérieure à celle de l’hydrogène liquide (nous avons vu qu’une forte densité favorise les réactions).

Contre cette explication :
- La température est trop basse pour que les noyaux de deutérium puissent vaincre la répulsion électrostatique. Une explication a cependant été avancée : le phénomène de cavitation. Les bulles de deutérium peuvent se dilater et se comprimer sous l’effet d’une onde acoustique, de préférence ultrasons, mais la voix d’une Castafiore pourrait produire le même effet. Au maximum de compression, la température du gaz est tellement élevée qu’on observe parfois un scintillement. De plus le bulles peuvent éclater et produire un jet mince de molécules animées d’une grande vitesse. A ma connaissance (je me suis amusé à faire le calcul), les températures sont de l’ordre de cent mille degrés, loin des millions de degrés nécessaires.
- Les réactions devraient produire du tritium, de l’hélium 3, de l’hydrogène et des neutrons. Or il semble qu’uniquement de l’hélium normal ait été observé. Pons et Fleischmann ne disposaient pas d’un détecteur de neutron, mais si la réaction avait produit des neutrons en quantités compatibles avec le dégagement de chaleur mesuré, ils seraient morts. Notons cependant une chose : nous avons vu que la production d’hélium normal est interdite par la loi de conservation de la quantité de mouvement. En fait, il se pourrait que la quantité de mouvement soit absorbée par un « troisième corps », par exemple l’excitation d’oscillation collectives dans le réseau cristallin. Malheureusement, les oscillations collectives connues ont des quantités de mouvement trop faibles et il faudrait en découvrir d’autres pour expliquer un tel mécanisme. Je reste ouvert à cette hypothèse, mais pas trop optimiste.

4 La fusion froide hydrogène normal + nickel (Fioravanti et Rossi)

Un récipient fermé contenant de la poudre de nickel, de l’hydrogène sous pression modérée et un mystérieux catalyseur. Le tout est chauffé jusqu’à ce que des réactions de fusion se produisent, moment à partir duquel la chaleur dégagée permettrait à la réaction de s’auto-entretenir.
Ici, la réaction de fusion n’est pas deutérium + deutérium = hélium. L’hydrogène « fusionne » avec le nickel pour produire divers isotopes de cuivre avec un bilan énergétique positif. Dans le vide, un noyau d’hydrogène ne peut vaincre la répulsion électrostatique si ce n’est à des températures irréalisables car la répulsion est encore plus élevée que dans le cas deutérium + deutérium.
Des chercheurs ont cependant développé une théorie qui rendrait possible ce genre de fusion.

http://newenergytimes.com/v2/sr/WL/WLTheory.shtml#isis

Pour simplifier, voici en gros de quoi il s’agit.
La masse d’une particule n’est pas une quantité immuable. Par exemple dans le vide, d’après la relativité restreinte d’Einstein, la masse augmente avec la vitesse pour devenir infinie à la vitesse de la lumière. Dans un réseau cristallin, la masse d’un électron en mouvement varie aussi en fonction de sa vitesse ; on parle de masse effective de l’électron. Selon Widon et Larsen, un électron en mouvement dans le réseau formé par les atomes de nickel et les atomes d’hydrogène infiltrés pourraient acquérir une masse telle que, vu du noyau de nickel, le système formé par un tel électron et un noyau d’hydrogène (proton) serait indistinguable d’un neutron. Ne possédant pas de charge totale, ce système pourrait pénétrer le noyau de nickel aussi facilement qu’un neutron. Suite à une capture de neutron, le nickel peut se transformer en cuivre par désintégration beta. Cette réaction peut être suivie d’autres captures de pseudo-neutrons avec comme résultat final toute une série d’isotopes de cuivre et un bilan positif d’énergie. Cette théorie me semble séduisante, mais je dois avouer qu’il me faudra des mois pour la vérifier.

Contre cette explication :
- Rossi a été convaincu de fraude dans le passé.
- Il a obtenu de justesse un brevet en Italie, mais il ne donne aucune indication sur la nature de son mystérieux catalyseur, donc personne ne peut vérifier ses résultats.
- Il a fait dernièrement une démonstration dans le but de vendre son invention à une firme, mais le nom de la firme est secret.
- Il mesure la production d’énergie par la quantité d’eau portée à ébullition, mais personne n’a vérifié si la vapeur sortante était sèche ou pas. Si la vapeur est sèche, alors l’énergie produite se calcule en fonction de la quantité d’eau chauffée de la température initiale à cent degrés, plus la chaleur de vaporisation. S’il reste des gouttelettes de liquide dans la vapeur, le calcul est complètement faussé et peut donner une valeur largement au dessus de la réalité.
- Il a fourni du cuivre produit dans son réacteur à un laboratoire. L’analyse spectroscopique révèle la même composition isotopique que le cuivre naturel. Donc, soit il a envoyé un échantillon de cuivre naturel qui ne provient pas de son réacteur (parce que son réacteur n’en produit pas), soit son réacteur produit du cuivre ayant exactement la même composition isotopique que le cuivre naturel, ce qui serait pour le moins étonnant.

Voila, j’ai essayé de résumer la situation aussi objectivement que possible en me tenant à l’écart de toute théorie de conspiration (sans nier qu’elles puissent exister), mais sans non plus déborder d’enthousiasme sur des résultats d’expériences qu’on ne peut reproduire faute d’information détaillée.
Je compte aussi faire quelques essais expérimentaux de mon côté lorsque je serai retraité.





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