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Commentaire de Bovinus

sur Le « melting pot » à la française


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Bovinus Bovinus 22 avril 2011 13:01

Marc Gelone :

Quant à l’intervention d’easy, je la trouve excessive sur certains points et fallacieuse sur d’autres. Par exemple, lorsqu’il parle de « groupe à désigner comme ennemi », là où il y a une masse d’allogènes perçus comme des intrus, qu’on s’efforce d’ignorer tant qu’ils ne sont pas nombreux au point d’exaspérer.

Divers indicateurs donnent à penser que la phase d’exaspération est atteinte comme par exemple la proportion croissante de Français estimant qu’il y a trop d’immigrés en France. 56 % en 2010, contre 47 % en 2009, selon le dernier rapport de la Commission nationae consultative des droits de l’homme.

On en arrive au point où ça devient intéressant. La plupart du temps, ce qui exaspère, ce n’est pas tant les différences de phénotype auxquelles tout le monde est déjà largement accoutumé. Ce qui exaspère, ce sont des comportements sociaux et culturels différents, parois même carrément agressifs : des vêtements, des dialectes, une façon de se comporter, de parler, etc.

Un exemple  ? Mettez 10 Roms dans un wagon, les mecs vont s’asseoir à 3 mètres l’un de l’autre, et vont se mettre à hurler dans leur langue pour se parler. En plus, comme ils sont habillés comme des clodos, qu’ils sont sales et qu’ils puent, qu’ils ont des gosses mal élevés et bruyants, ça arrange rien. Éventuellement, ils pourraient même se mettre à faire la manche. Ce qui exaspère, c’est tout cela. Il est en effet fort possible que la coupe soit pleine.

Cependant, même si la réaction d’associer à partir de ce genre d’expérience le « phénotype » du Rom à quelque chose de négatif et de se laisser aller à une sorte de colère contre les Roms, est naturelle et logique, cette réaction est largement erronée et malsaine. Ils sont comme ça parce qu’ils sont issus d’une culture différente et qu’ils ne vivent pas dans les mêmes conditions que nous. Si on ne leur fait pas comprendre qu’en France, dans un wagon de tram, par exemple, on n’est pas censé se comporter de la sorte, ils n’ont aucune raison de changer. En se focalisant sur EUX, on se trompe de problème.

En fait, on est dans la situation des Roms dans un wagon en présence d’un authentique fait social : une minorité dominante porteuse d’une culture allogène est confrontée à un milieu social différent, porteur d’une autre culture, ce qui produit une tension. Notre milieu social est censé être le milieu dominant ; si on se comporte comme si on était au contraire dominé, faut pas s’attendre à voir les choses évoluer.

Là où nous devrions prendre nos responsabilités et faire front, nous adoptons une attitude lâche et désunie, en plus d’être stupide et contreproductive. Nous rejetons la faute sur l’élément allogène, alors que la faute nous incombe en premier lieu. Déposer incognito dans l’urne un bulletin estampillé FN, c’est céder à sa peur et à sa lâcheté, et se défausser sur un autre du soin de résoudre un problème qui concerne en premier lieu chacun de nous.

Il convient d’examiner deux questions fondamentales : pourquoi des communautés allogènes pénètrent-elles de plus en plus notre société, et d’autre part, pourquoi notre société se comporte-t-elle comme si elle était elle-même une communauté minoritaire dans un milieu hostile. Il est même possible que les deux questions soient liées.

La réponse à la première question est toute simple, elle est d’ordre économique. Pa rapport à nous, ils sont pauvres, ils viennent donc là pour maximiser leurs chances de survie. Nos décideurs les laissent rentrer parce qu’ils s’en servent comme esclaves pour leur faire faire des travaux à coût extrêmement réduit, ce qui est même moins cher que de délocaliser. De plus, ils exercent une pression sur les salaires locaux en nous faisant une concurrence déloyale (dumping social). Enfin, leur statut d’immigré (légal ou illégal, la différence n’est pas si grande) permet de les renvoyer là d’où ils viennent très facilement. Ce sont des employés idéaux, notamment pour les travaux peu qualifiés. On pourrait tirer là un parallèle très éloquent entre notre régime et le régime athénien du Ve siècle (av. JC, bien sûr) où on avait une société largement pyramidale : au sommet, les oligarques, juste en-dessous, les citoyens normaux, puis les métèques, et enfin, une quantité énorme d’esclaves. En schématisant, on en est là. Il y a cependant une différence de taille entre la cohérence de la société athénienne et la nôtre.

Notre deuxième interrogation portait sur le fait qu’on se comporte comme si nous étions nous-mêmes minoritaires chez nous. Dans une société fortement cohérente et homogène, les éléments étrangers seraient soumis à une pression forte, et seraient contraints de s’adapter, ou du moins, à faire preuve d’une certaine discrétion. Est-ce que nous sommes une société fortement cohérente et homogène ? Bien au contraire, notre société manque de cohésion et de fermeté, et quelques manouches dans un wagon nous font peur. Nous en sommes arrivés au stade où nous ne sommes qu’un conglomérat d’individus désunis, isolés, dissociés les uns des autres. Nous ne sommes presque plus un peuple. Cela n’a rien à voir avec les phénotypes, c’est un fait totalement culturel et social. C’est un problème réel et fort grave, même si il n’est pas particulièrement visible (les faits sociaux sont par définition difficiles à voir). Quand un européen va dans un pays de culture islamique, par exemple, on lui fait vite comprendre comment il doit se comporter. Nous sommes bien forcés de constater qu’il n’en est rien quand c’est l’inverse. Est-ce la faute à l’Islam ? Est-ce l’Islam et la société arabe qui sont forts, ou bien, nous qui sommes faibles ?

Nous sommes faibles parce que nous sommes isolés les uns des autres, parce qu’on est corrompu par un individualisme forcené et parce qu’on vit dans la peur. On ne se parle plus, on ne connaît même pas ses voisins. La façon dont les gens se comportent dans le métro est-elle normale ? On se fuit du regard, on s’ignore, on est transparents les uns pour les autres, on tâche de faire comme si on était isolé dans sa bulle, les oreilles dans l’Ipod et les yeux dans un roman de gare, même si à l’heure de pointe on est pressé comme des sardines et que dans ces conditions, s’obstiner à s’ignorer relève de la schizophrénie.

La question qui se pose à ce stade est celle-ci : à qui cet état de fait profite-t-il ? La réponse est encore une fois, naturelle et logique : à ceux qui commandent. C’est à dire, aux forces économiques et politiques qui nous dirigent. Une société désunie peut être commandée et exploitée beaucoup plus facilement. Tout ce qui nous plonge un peu plus dans la peur, le désarroi et l’isolement est bon pour ceux qui décident à notre place et nous exploitent. L’Arabe, le musulman, le Noir, l’étranger n’y sont pour rien. Bien au contraire, ils sont dans la même galère que nous et sont nos meilleurs alliés pour renverser le rapport de force. En les considérant comme nos ennemis, nous faisons le jeu de ceux qui sont réellement nos ennemis. Nous n’avons pas besoin d’une société morcelée un peu plus chaque jour qui passe, mais au contraire, d’une société cohérente, forte et unie. C’est à dire, de nous rassembler autour de valeurs, d’une façon de vivre et d’un idéal communs.


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