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Commentaire de Yannick Harrel

sur Agora ou l'extinction du phare de la connaissance d'Alexandrie


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Yannick Harrel Yannick Harrel 1er avril 2010 19:12

@Hieronymus

Bonjour,

Pour répondre à vos questions, sachez tout d’abord que l’Agora est un lieu de prime importance où se déroulent les débats publics susceptibles d’intéresser la population de la cité. Or le film débute réellement à partir d’une altercation où un prédicateur chrétien en vient à molester, voire attenter à la vie d’un contradicteur païen. Là où le païen demande de démontrer, le chrétien demande de croire.

Pour l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie sous César, deux points à souligner : il apparaîtrait que les dégats n’auraient pas été si conséquents que cela, ne détruisant que partiellement le Museîon, ce qui ne sera pas le cas plusieurs siècles plus tard ; César prit l’initiative une fois la situation accalmie de combler les pertes du mieux qu’il le put en transférant un maximum de documents antiques d’autres régions pour les archiver au sein de ce temple du savoir. Il ne pouvait qu’en aller autrement avec les monothéismes universels qui souffraient du besoin de raser le passé pour construire leur avenir. D’autant que le corpus général comportait un temple païen : je le mentionne à nouveau car cela n’est pas innocent dans la soif de destruction des fanatiques lancés à l’assaut du Musée d’Alexandrie (dont la Grande Bibliothèque n’est qu’une annexe).

J’insiste sur ce point : les païens comme les juifs n’ont jamais eu comme ambition d’imposer à autrui leurs croyances ainsi que de sauver les âmes (surtout contre leur gré) des « infidèles ». Au contraire, au sein de la cité antique pouvaient prospérer plusieurs cultes. Un des moments les plus instructifs du film est justement le zèle poussé à son extrême par les hiérarques chrétiens pointant du doigt l’impiété des juifs qui ne respecteraient pas le chabbat ! Leçon de morale d’autant plus savoureuse lorsque l’on connait la genèse du christianisme en tant que secte judaïque jusqu’à ce que Paul de Tarse décide de s’intéresser de près au sort des Gentils...

En ce qui concerne le dogme au Vème siècle, il n’était pas encore (et loin de là) totalement fixé. Quand bien même le siècle précédent fut-il très nourri en édits et conciles. L’Empire Romain était entré dans une période de déliquescence de plus en plus irrémédiable : les derniers Empereurs soutinrent (à tort) que le christianisme pouvait resouder les différentes composantes de la société Romaine. Las, il en alla autrement du fait que querelles incessantes, paralysantes et meurtrières. Et je ne parle pas de la crise de conscience des soldats chrétiens du fait du célèbre : « Si tu tues par l’épée, tu périras par l’épée ». Difficile de la sorte de perpétuer la vocation militaire chez les convertis (quand bien même Saint Augustin répondra sur ce point en évoquant le roi David mais il était déjà trop tard). Du fier citoyen Romain Cincinnatus au fédéré Barbare majoritaire dans l’armée Romaine, toute une évolution qui ne favorisa pas le maintien d’une cohésion sociale de l’Empire comme d’une préoccupation du maintien du limes.

Pour autant le paganisme n’a pas fondamentalement disparu, et je dirais même que le christianisme a du composer avec pour s’implanter dans la durée. N’oublions pas que les premiers chrétiens étaient convaincu de l’imminence du jugement dernier, un dessein eschatologique qui tardait pourtant à venir. Devant le délai de plus en plus long de cet évènement, il devint nécessaire de composer avec la majorité de la population (surtout des campagnes) qui renâclait à délaisser ses anciens Dieux. Tout le talent des têtes pensantes de l’Eglise fut justement de reprendre dates et symboles à son compte : pensons par exemple à la date du 25 décembre ou aux Pâques.avec les traditionnels oeufs qui sont tout sauf chrétiens à l’origine. Et j’ai encore une panoplie d’exemples de ce calibre. Ces sources bénites que l’on désigne ici et là ne sont-elles pas tout simplement des sources sacrées que vénéraient déjà les ancêtres des peuples convertis ? Et ces Eglises se dressant fièrement en chaque petit village, combien d’entre elles reposent en fait sur les fondations d’un site sacré et célébré par d’anciens prêtres ? Ne dit-on pas qu’en Irlande les druides continuèrent à oeuvrer pour leurs ouailles le tout à l’ombre de cette fameuse croix celtique non sans conserver certains attributs de leurs aïeux (renseignez vous sur le christianisme Irlandais, ça vaut la peine) ?

Comme vous le mentionnez, le Conte du Graal a lui tout seul est un chef d’oeuvre pagano-chrétien smiley

Cordialement


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