@Hieronymus
Bonjour,
Pour répondre à vos questions, sachez tout d’abord que l’Agora
est un lieu de prime importance où se déroulent les débats publics
susceptibles d’intéresser la population de la cité. Or le film
débute réellement à partir d’une altercation où un prédicateur
chrétien en vient à molester, voire attenter à la vie d’un
contradicteur païen. Là où le païen demande de démontrer, le
chrétien demande de croire.
Pour l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie sous César, deux
points à souligner : il apparaîtrait que les dégats n’auraient pas
été si conséquents que cela, ne détruisant que partiellement le
Museîon, ce qui ne sera pas le cas plusieurs siècles plus tard ;
César prit l’initiative une fois la situation accalmie de combler
les pertes du mieux qu’il le put en transférant un maximum de
documents antiques d’autres régions pour les archiver au sein de ce
temple du savoir. Il ne pouvait qu’en aller autrement avec les
monothéismes universels qui souffraient du besoin de raser le passé
pour construire leur avenir. D’autant que le corpus général
comportait un temple païen : je le mentionne à nouveau car cela
n’est pas innocent dans la soif de destruction des fanatiques lancés
à l’assaut du Musée d’Alexandrie (dont la Grande Bibliothèque
n’est qu’une annexe).
J’insiste sur ce point : les païens comme les juifs n’ont jamais
eu comme ambition d’imposer à autrui leurs croyances ainsi que de
sauver les âmes (surtout contre leur gré) des « infidèles ». Au
contraire, au sein de la cité antique pouvaient prospérer plusieurs
cultes. Un des moments les plus instructifs du film est justement le
zèle poussé à son extrême par les hiérarques chrétiens pointant
du doigt l’impiété des juifs qui ne respecteraient pas le chabbat !
Leçon de morale d’autant plus savoureuse lorsque l’on connait la
genèse du christianisme en tant que secte judaïque jusqu’à ce que
Paul de Tarse décide de s’intéresser de près au sort des
Gentils...
En ce qui concerne le dogme au Vème siècle, il n’était pas
encore (et loin de là) totalement fixé. Quand bien même le siècle
précédent fut-il très nourri en édits et conciles. L’Empire
Romain était entré dans une période de déliquescence de plus en
plus irrémédiable : les derniers Empereurs soutinrent (à tort) que
le christianisme pouvait resouder les différentes composantes de la
société Romaine. Las, il en alla autrement du fait que querelles
incessantes, paralysantes et meurtrières. Et je ne parle pas de la
crise de conscience des soldats chrétiens du fait du célèbre : « Si
tu tues par l’épée, tu périras par l’épée ». Difficile de la
sorte de perpétuer la vocation militaire chez les convertis (quand
bien même Saint Augustin répondra sur ce point en évoquant le roi
David mais il était déjà trop tard). Du fier citoyen Romain
Cincinnatus au fédéré Barbare majoritaire dans l’armée Romaine,
toute une évolution qui ne favorisa pas le maintien d’une cohésion
sociale de l’Empire comme d’une préoccupation du maintien du limes.
Pour autant le paganisme n’a pas fondamentalement disparu, et je
dirais même que le christianisme a du composer avec pour s’implanter
dans la durée. N’oublions pas que les premiers chrétiens étaient
convaincu de l’imminence du jugement dernier, un dessein
eschatologique qui tardait pourtant à venir. Devant le délai de
plus en plus long de cet évènement, il devint nécessaire de
composer avec la majorité de la population (surtout des campagnes)
qui renâclait à délaisser ses anciens Dieux. Tout le talent
des têtes pensantes de l’Eglise fut justement de reprendre dates et
symboles à son compte : pensons par exemple à la date du 25
décembre ou aux Pâques.avec les traditionnels oeufs qui sont tout
sauf chrétiens à l’origine. Et j’ai encore une panoplie d’exemples
de ce calibre. Ces sources bénites que l’on désigne ici et là ne
sont-elles pas tout simplement des sources sacrées que vénéraient
déjà les ancêtres des peuples convertis ? Et ces Eglises se
dressant fièrement en chaque petit village, combien d’entre elles
reposent en fait sur les fondations d’un site sacré et célébré
par d’anciens prêtres ? Ne dit-on pas qu’en Irlande les druides
continuèrent à oeuvrer pour leurs ouailles le tout à l’ombre de
cette fameuse croix celtique non sans conserver certains attributs de
leurs aïeux (renseignez vous sur le christianisme Irlandais, ça
vaut la peine) ?
Comme vous le mentionnez, le Conte du Graal a lui tout seul est un chef d’oeuvre pagano-chrétien
Cordialement