Comme avec Zemmour ou Marine, l’insécurité et l’immigration ça va être vite réglé ! Si on voyait pour le reste ? L’Europe…
Oyez, oyez, oyez ! Françaises, Français (de souche), dormez tranquilles ! Avec Zemmour ou Marine ou Bertrand ou Pécresse ou Wauquiez ou Ciotti ou même Barnier ou Valls, l’insécurité et l’immigration seront à jamais vaincues.
C’est sûr ! N’en parlons plus alors.
Intéressons-nous plutôt à tout le reste : impôts, dette, chômage, pouvoir d’achat, gilets jaunes, injustices, inégalités, pauvreté, Europe, mondialisation, crise climatique, catastrophe écologique, extinction de l’humanité…
Aujourd’hui, l’Europe…
Dans cette suite d’articles je vous propose de découvrir les analyses d’auteurs compétents oubliés par les grands médias, télévision, presse écrite et radio, appartenant quasi exclusivement à quelques milliardaires, ce qui explique cela.
Il est impossible d’être exhaustif sur l’Union Européenne. Donc j’ai choisi de présenter quelques aperçus de leurs observations et arguments.
Je citerai très succinctement deux auteurs :
Jean-Joseph Boillot, économiste globe-trotter parlant huit langues et ayant séjourné dans une centaine de pays, auteur de Utopies made in monde - Le sage et l'économiste ;
Thomas Piketty, Directeur d'études à l'EHESS, professeur à l'École d'économie de Paris et codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales (World inequality lab, WIL), auteur d’Une brève histoire de l’égalité.
Et très longuement, François Boulo, avocat au barreau de Rouen, porte-parole des Gilets jaunes, auteur de Reprendre le pouvoir.
Je ne connais pas personnellement François Boulo ni son éditeur. Simplement j’ai récemment lu son livre et je partage son diagnostic qu’il présente avec une grande clarté. Autant vous en faire profiter.
Utopies made in monde - Le sage et l'économiste, Jean-Joseph Boillot.
L'Europe apparaît de plus en plus comme le ventre mou de la mondialisation en raison de divergences profondes d'intérêts dans les gains à l'échange international. Cela explique largement l'absence de réponse adéquate des autorités de Bruxelles et la remise en cause même du projet politique européen.
Une brève histoire de l’égalité, Thomas Piketty.
Échaudés par leurs difficultés économiques, les socialistes français décident ainsi de tout miser sur la construction européenne à partir de 1984-1985. Afin d'accélérer la mise en œuvre de la monnaie unique, ils accèdent aux demandes des chrétiens-démocrates allemands visant à une libéralisation complète des flux de capitaux, qui se matérialise dans une directive européenne de 1988 retranscrite dans le traité de Maastricht de 1992, et dont les termes seront ensuite repris par l'OCDE et le FMI et serviront de nouveau standard mondial. L'une des motivations des acteurs de l'époque était aussi d'abaisser le coût de l'emprunt public grâce à l'appel aux capitaux internationaux (privés).
Précision personnelle utile à ce qui suit.
En juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, Harry Dexter White, assistant au secrétaire au Trésor des États-Unis, impose le régime monétaire de l'étalon-or, outil de la domination du dollar américain : toutes les monnaies sont définies en fonction du dollar et seul le dollar est défini en or. Système qui sera unilatéralement abandonné par les américains suite à la crise du dollar de 1971.
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
Depuis que les États-Unis et leur président Nixon ont décidé en 1971 de mettre fin à la convertibilité du dollar en or prévue jusqu'alors par les accords de Bretton Woods, les taux de change sont devenus flottants. L'effet produit par cette décision unilatérale des Américains a été dévastateur pour la stabilité de l'économie mondiale. Du jour au lendemain la valeur des monnaies qui étaient jusqu'alors stables car fondée sur une unité de référence (le dollar, lui-même basé sur l'étalon or) s'est retrouvée soumise à la loi de l'offre et de la demande, et à la spéculation des marchés financiers. Motivées par la recherche du profit, les attaques spéculatives des acteurs financiers pouvaient désormais déstabiliser l'économie d'un pays tout entier. En réaction, les pays européens ont créé des systèmes d'alliance pour atténuer la volatilité de leurs monnaies respectives. Ils adoptèrent le mécanisme du Serpent monétaire européen de 1972 à 1978, puis le Système monétaire européen de 1979 à 1993, qui s'avéreront l'un et l'autre incapables de stabiliser durablement le cours des monnaies des pays européens. C'est en réponse à ces échecs que l'euro a été créé. Si ce n'est que, en ayant pour objectif de régler un problème, l'euro en a créé un gigantesque.
L'économiste américain Milton Friedman, fondateur de l'école de Chicago, qui a très largement promu le néolibéralisme, avait par exemple anticipé que l'euro serait « une grande source de problèmes ». Il prédisait que « la possibilité la plus vraisemblable est qu'il y aura des chocs asymétriques frappant les différents pays. Cela signifiera que le seul mécanisme d'ajustement dont ils pourront se satisfaire sera budgétaire et fiscal, avec du chômage : pression sur les salaires, pressions sur les prix ».
Outre-Atlantique, l'échec de l'euro est un fait très largement admis. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, a analysé les causes profondes de l'échec de l'euro dans son livre paru en 2012 : Sortez-nous de cette crise... maintenant ! Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, a publié en 2016 un ouvrage dont le titre est sans équivoque : L'Euro. Comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe. Son analyse est sans concessions : l'euro est responsable des principaux maux dont souffre aujourd'hui la zone monétaire européenne et conduira, si rien ne change, les pays membres dans l'impasse. Au terme d’une interview qu'il accordait au Monde lors de la sortie du livre, il résumait son diagnostic ainsi : « Les malfaçons de la monnaie unique remontent à sa création. En 1992, les Européens ont imaginé qu'une union monétaire, où les pays ne seraient plus en mesure d'ajuster leurs économies par les taux de change et les taux d'intérêt, fonctionnerait néanmoins tant que les gouvernements maîtriseraient leurs finances publiques et que l'inflation serait sous contrôle. Ils ont donc instauré des règles budgétaires strictes et une banque centrale veillant sur les prix. »
Les États se sont engagés à ce que le déficit de leur budget annuel ne puisse excéder 3 % de leur PIB. En cas d'infraction à cette règle, la Commission européenne a le pouvoir d'infliger des sanctions pécuniaires à l'État « délinquant ». Article 126 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).
Note personnelle : l’invention des 3 %.
En 1981 deux fonctionnaires de la direction du budget au ministère des finances sont chargés d’établir « une règle pour plafonner les demandes que lui font les ministres », (lui, c’est Jacques Delors, ministre de l’économie). Ils ont d’abord pensé à limiter le déficit en fonction des recettes budgétaires. Puis ils ont changé pour un calcul en fonction du PIB. En 1982 le déficit prévu était de 100 milliards de francs et cela représentait environ 3 % du PIB. Au doigt mouillé, les déficits ce ne sera pas plus de 3 %. C’est cette règle qui sera appliquée ensuite à tous les états !
Source : Le choix du chômage de Benoît Collombat et Damien Cuvillier.
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
Une telle règle est une aberration économique au moins pour deux raisons. Premièrement, cette norme présentée comme une garantie de saine gestion budgétaire autorise les États à fixer des budgets déficitaires...
Cette norme autorise donc les États membres à augmenter chaque année le montant total de leur dette publique !
Une étude du Centre de politique européenne (CEP) de Fribourg publiée en 2019 a établi que la France et l'Italie étaient les deux grands perdants de la mise en place de la monnaie unique. Selon cette étude, chaque Français aurait perdu environ 56 000 euros sur la période 1999-2017 et chaque Italien 73 600 euros. À l'inverse, les grands gagnants seraient l'Allemagne (+23 100 euros) et les Pays-Bas (+21 000 euros).
Comment est dirigée l’Europe ?
Une brève histoire de l’égalité, Thomas Piketty.
Depuis 1979, le Parlement européen est élu directement au suffrage universel, mais la réalité du pouvoir continue d'être exercée par le Conseil des chefs d'État ou les Conseils des ministres, qui se réunissent à huis clos et avec un seul représentant par pays, chacun disposant d'un droit de veto sur les questions fiscales et budgétaires, si bien que la supposée démocratie parlementaire transnationale tourne à vide. Si par miracle l'unanimité permet de prendre une décision, comme le plan de relance adopté lors de la crise pandémique de 2020, avec un emprunt commun destiné à venir en aide aux pays les plus touchés, il faut ensuite qu'il soit approuvé par les parlements nationaux, qui sont seuls compétents dans le cadre légal actuel pour engager les contribuables nationaux, ce qui rend le processus très lourd et peu réactif.
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
Chaque année la Commission européenne adresse ses recommandations à chacun des États membres quant aux réformes à entreprendre au moyen des grandes orientations de politique économique (GOPE).
Pour la France :
GOPE 2016 pour la période 2016 - 2017, extraits :
« - réduction du déficit et de la dette ;
- gains d'efficacité dans tous les sous-secteurs des administrations publiques ;
- réductions du coût du travail ; évolutions du salaire minimum ;
- réformer le droit du travail ; entreprendre une réforme du système d'assurance chômage afin d'en rétablir la soutenabilité budgétaire et d'encourager davantage le retour au travail ;
- réduire les impôts de production et le taux nominal de l'impôt sur les sociétés, tout en élargissant la base d'imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA ;
- supprimer les impôts dont le rendement est faible (ISF) et adopter la réforme concernant la retenue à la source de l'impôt sur le revenu des personnes physiques d'ici la fin de l'année 2016. »
Note personnelle.
À deux mois de l'élection présidentielle de 2017, celui qu'on présentait comme le champion de la finance, Emmanuel Macron, n'avait toujours pas de programme économique. Pour proposer quelque chose, il a recopié les recommandations de la commission européenne de 2016, lesquelles ne prévoyaient pas encore une réforme des retraites. Voilà pourquoi la réforme des retraites ne se trouvait pas dans le programme d'Emmanuel Macron, le sauveur de la France.
Elle est apparue plus tard.
GOPE 2019 pour la période 2019 - 2020, extrait :
« Réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer l'équité et la soutenabilité de ces régimes. (…) Selon une étude récente, l’alignement de différents régimes de retraite des secteurs public et privé réduirait de plus de 5 milliards d’Euros les dépenses publiques à l’horizon 2022. »
Coucou, la voilà !
Note personnelle.
Emmanuel Macron n’avait pas d’idée précise sur quelle réforme faire. Alors il a repris l’idée de la CFDT de la retraite à points.
La commission ne se contente pas d’émettre des "GOPE ".
Utopies made in monde - Le sage et l'économiste, Jean-Joseph Boillot.
On pense par exemple à ce fonds américain Blackrock qui gère près de 8 000 milliards d'actifs de par le monde, soit la moitié du revenu national américain ou le double de celui de l’Allemagne, et qui s'est vu attribuer début 2020 un contrat de conseil par la Commission européenne pour définir la législation à venir sur les normes sociales et environnementales des entreprises de l'énergie, secteur où il est lui-même actionnaire des plus grandes entreprises européennes.
Alors là on dit trop fort ! (Commentaire personnel)
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
Les dirigeants politiques agissent ainsi comme les VRP des politiques décidées par la Commission européenne. Celles-ci consistent essentiellement à faire pression à la baisse sur les salaires et à détruire notre système de protection sociale pour améliorer la compétitivité de l'économie française.
Récapitulons : le Conseil des chefs d'État, les Conseils des ministres, la commission et la banque centrale européenne, la BCE. Voilà qui décide. En revanche, le Parlement européen élu directement au suffrage universel ne décide de rien.
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
La BCE procède exactement de la même manière que les banques commerciales : elle crée de la monnaie. D'une certaine manière, la BCE fait tourner la planche à billets. Or, les bénéficiaires ne sont pas les États mais les établissements financiers qui peuvent continuer à spéculer massivement en toute quiétude puisque, quoi qu'il arrive, ils ont l'assurance d'être sauvés par la puissance publique. En pratique, ces injections massives de liquidité sur les marchés financiers ne se retrouvent pas dans l'économie réelle mais ont surtout pour effet d'alimenter des bulles spéculatives, dans la sphère financière mais aussi sur le marché de l'immobilier.
Pourquoi l’union telle qu’elle est, ça ne marche pas et avec quelles conséquences ?
Reprendre le pouvoir, François Boulo.
En l'état des règles européennes actuelles, la France est incapable d'élaborer un quelconque plan de ré industrialisation car elle ne dispose pas des leviers de souveraineté nécessaires, au premier rang desquels la possibilité d'édicter des barrières commerciales. Les belles déclarations d'Emmanuel Macron en pleine crise du coronavirus annonçant vouloir restaurer « l'indépendance » de la France et reconstruire une souveraineté technologique, numérique, industrielle et agricole ne sont donc que de la poudre aux yeux.
L’Union Européenne institue une zone de libre-échange avec le marché unique européen sans chercher à harmoniser les législations fiscales et sociales, sans faire converger les niveaux de salaires entre les États membres. Les grandes entreprises sont aux anges. Elles peuvent librement « faire leur marché » : installer leur siège social en Irlande ou aux Pays-Bas pour bénéficier d'une fiscalité avantageuse et délocaliser leurs usines en Pologne pour baisser leurs coûts de production en profitant de salaires bas.
À titre de comparaison, le salaire minimum en France est fixé à 1 539 € brut par mois, alors qu'il se situe à 580 € brut en Pologne.
Chaque pays membre de l'UE se retrouve donc placé en situation de concurrence directe avec les autres. Or, les différences de coûts de production entre les pays européens incitent les entreprises à délocaliser pour augmenter toujours plus leurs marges et leurs bénéfices. C'est ce que l'on appelle le « dumping social ».
Une étude de I'Insee a évalué que, entre 2009 et 2011, 60 % des délocalisations des entreprises françaises se sont faites au sein même de l'Union européenne.
Loin d'instaurer une concurrence « libre et non faussée », le marché unique européen a depuis l'intégration des pays de l'Europe de l'Est institué une concurrence déloyale, car les pays « historiques » ne luttent pas à armes égales.
Le projet n’est pas d'élever le niveau des systèmes de sécurité sociale des autres États membres sur le modèle français, qui est l'un des plus protecteurs au monde mais au contraire de détricoter celui-ci pour l'aligner sur celui des voisins européens. La même logique est appliquée pour les salaires.
Or, les Français n'ont jamais voulu faire l'Europe pour perdre des droits, mais ils ont toujours voulu au contraire que celle-ci Ies préserve face à la concurrence mondiale.
Ne disposant plus d'aucune souveraineté économique, la France n'est plus un pays mais une région administrée par les dirigeants français sous gouvernance européenne.
Il est interdit à un pays membre de soutenir tel ou tel secteur d'activités, même si celui-ci se retrouve en difficulté. L'Union européenne préfère voir mourir une entreprise même d'importance stratégique pour un pays que de voir ce dernier intervenir pour la sauver, car cela fausserait la concurrence ...
Dans le même esprit, il est interdit pour un État membre de réserver ses marchés publics à ses entreprises nationales afin de permettre à toutes celles évoluant au sein du marché unique de postuler aux appels d'offres.
Conclusion personnelle.
L’article 48 du TFUE subordonne toute modification des traités européens à l'unanimité des États membres.
Donc, rien ne changera.
Alors, sortir de l’Europe ?
Mais la France n’est pas en mesure de s’imposer seule dans la mondialisation. Confirmation avec l’exemple du Royaume-Uni après le brexit.
La France sans l’Europe déclinera inexorablement. Mais l’Europe sans la France, ce n’est pas viable.
Voilà un argument pour refonder l’union sur de meilleures bases et s’il le faut avec quelques pays solidaires seulement. (Le fameux plan B)
Cela a été proposé par plusieurs mouvements politiques et des économistes de renom dont Thomas Piketty qui a élaboré des suggestions réalisables et solides. (Voir son livre, Capital et idéologie, paru en 2019)
Françaises, Français de toute origine sachez reconnaitre les vrais enjeux pour notre avenir avant de choisir votre candidat. Pour vous y aider, vous pouvez lire ces livres utilisés pour cette chronique :
Reprendre le pouvoir, François Boulo, avocat au barreau de Rouen, porte-parole des Gilets jaunes ;
Une brève histoire de l’égalité, Thomas Piketty.
Utopies made in monde - Le sage et l'économiste, Jean-Joseph Boillot.
En complément, cette chronique sur Agoravox :
Comme avec Zemmour ou Marine, l’insécurité et l’immigration ça va être vite réglé ! Si on voyait pour le reste ? Les impôts…
D’autres chroniques, des réflexions et une sélection de livres éclairants sur :
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