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Accueil du site > Tribune Libre > « Les paradis fiscaux, c’est terminé ! »

« Les paradis fiscaux, c’est terminé ! »

Si l'« argent n'a pas d'odeur », dicton en souvenir de l'empereur Vespasien créateur d'un nouvel impôt sur les urines dont il plaça la première recette sous le nez de Titus, lui demandant si l'odeur de ces pièces d'or l'incommodait..., il a une origine. Il circule de par le monde des capitaux sans qu'on en sache rien ou pas grand chose. De grandes multinationales et de grandes fortunes profitent de mesures d'optimisation fiscales pour placer légalement une partie de leurs avoirs dans des comptes offshore, tandis que d'autres blanchissent de l'argent « sale ».

En 1998, la Mission d'information parlementaire déclarait : « A l'heure des réseaux informatiques d'Internet, du modem et du fax, l'argent d'origine frauduleuses peut circuler à grande vitesse d'un compte à l'autre, d'un paradis fiscal à l'autre, sous couvert de sociétés offshore, anonymes contrôlées par de respectables fiduciaires généreusement appointées ». En juillet 2 000, l'Organisation pour la Coopération et le Développement annonçait qu'elle prendrait des mesures utiles contre les pays qui maintiendraient le secret bancaire. En 2001, le Groupe d'Action Financière (créé lors du G7 de Londres en 1999) dressait deux listes des pays les moins coopératifs en matière de lutte contre l'argent sale. Liste noire : les Bahamas - îles Caïmans - les îles Cook - La Dominique - Israël - Liban - Liechtenstein - îles Marshall - Panama - Niue - Nauru - Philippines - Russie - St Vincent Grenadines - St Kiits et Nevis. Liste grise : Antigua Barbuda - Belize - Bermudes - Îles vierges - St Lucie - Samoa - Chypre - Gibraltar - Guernesey - île de Man - Jersey - Malte - Monaco - Île Maurice.

L'ensemble des paradis fiscaux représentait 4 000 banques offshore et deux millions de sociétés relais ou écran qui drainaient plus de 5 000 billions de dollars. L'administration fiscale française considérait comme paradis fiscaux : Andorre, Autriche, Campionne, Grèce, Irlande, le Vatican, le Luxembourg. Autres pays parfois pointés du doigt : Jordanie, Hong-Kong, Costa-Rica, Émirats, Liberia, Nouvelles-Hébrides. Si nombre de ces pays ont disparu de la liste établie par le GAFI, la situation est loin d'être apurée. Il suffit qu'une seule grande puissance financière ait un intérêt à conserver un paradis fiscal dans son giron pour se livrer elle-même à des transactions douteuses. Les exemples ne manquent pas : l'affaire des vedettes de Taïwan, la livraison d'armes à l'Iran, l'implication de la banqueroute de la Bank of credit and commerce international, etc. Les banques des émirats koweïtiens, Saoudiennes, bénéficient d'une immunité souveraine liée aux familles elles-mêmes régnantes (cela est en passe de changer).

Si l’optimisation fiscale permet de ne payer que le minimum d’impôts dans un pays tiers, l'origine des fonds alimentant l'évasion fiscale (illégale) est très diverse : trafics en tous genres (êtres humains, armes, produits, œuvres d'art, armes, etc.) - Racket, chantage, extorsion - Contrebande (produits à forte valeur ajoutée) - Criminalité violente (attaque à mains armées, enlèvements) - Criminalité astucieuse (escroqueries, détournement de subventions, fraude fiscale) - Pots de vin, commissions occultes - Caisse noire de partis politiques, société, États - Détournement d'embargo, de fonds à des fins personnelles, transmission d'héritage, etc. Les activités de blanchiment représentent une activité importante de l'économie. Quand un délinquant prend une licence bancaire, cela engendre des revenus pour l'État, et quand un criminel crée un réseau de sociétés de façade, il « monte » de véritables sociétés. Ces sociétés créent des emplois, paient des charges, et les États hébergeurs tirent profit de cette économie délictuelle.

Certains États ne classent pas cette lutte au rang de leurs priorités nationales, la combattre reviendrait à écrouler tout un pan de l'économie du pays. Paradoxalement, c'est la dérégulation et une législation des grands pays qui sont à l'origine de ces paradis fiscaux. Chaque grande zone a les siens, les Caraïbes pour l'Amérique du Nord, les îles Anglo-normandes et les micros-états pour l'Europe, et le pacifique pour l'Asie. Les capitaux déposés dans le giron britannique (les Caïmans, îles anglo-normandes, Man, îles Vierges britanniques, Gibraltar, Hong kong, Irlande ou Dubaï), approvisionnent la City. En France, le régime de défiscalisation et celui des niches fiscales sont assimilables à de micro paradis fiscaux.

La notion de paradis fiscal repose sur le principe de la souveraineté nationale des États. La crise financière survenue à Chypre en mars 2013, a montré comment un système offshore (Les affaires ne transitant pas par le pays d'accueil, cela évite qu'un nom de fondateur ou d'administrateur n'apparaisse) peut avoir des répercussions énormes sur la stabilité d'un État. En dehors des traités bilatéraux (la France a signé près de 1000 traités de par le monde), toute enquête n'est possible qu'avec l'accord de l'État d'accueil, et plusieurs pays estiment qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables des systèmes fiscaux en vigueur dans d'autres pays, toute demande d'enquête se heurte à une fin de non recevoir ou à un manque d'alacrité certain. L'entraide judiciaire entre certains pays reste très encadrée. Il faut, et ce même en matière de terrorisme, que le montage financier vise une escroquerie en matière fiscale. La coopération recèle parfois des chausses trappes. À propos du secret-défense invoqué dans l'affaire Elf, les juges Français ont demandé à leurs homologues suisses au titre d'une convention du 22 mars 1972 signée entre la « Sécurité militaire » et la section du maintien du secret auprès de l'état-major helvétique, fixant une équivalence des niveaux de protection entre les deux pays, la communication des documents en leur possession. En effet, cette équivalence ne concerne que les échanges d'informations entre les deux armées et ne saurait s'appliquer à un contrat commercial...

Une première idée qui vient à l'esprit pour lutter contre l'argent « sale », la mise en place d'un système financier reposant sur des chambres de compensation qui permettraient de suivre les flux financiers, mais la mesure resterait insuffisante. Chacun sait que les financiers sont toujours à l'affût de capitaux, aubaine que les criminels de tout acabit s'empressent d'en profiter. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver sur les marchés spéculatifs (le Monep), une importante partie de ces sommes, marché sur lequel l'argent va perdre ses origines douteuses et réapparaître au grand jour légalement.

Un système beaucoup plus ancien peut être utilisé pour effectuer des transferts de fonds anonymes, la « Hawala ». Cette pratique basée sur la confiance remonte aux empereurs de la Chine ancienne afin d'éviter aux commerçants empruntant la route de la soie de se voir « dépouillés ». Une personne dépose une certaine somme chez un agent de change qui lui remet un reçu numéroté anonyme et un mot de passe. Il suffit ensuite à l'agent de change d'avertir son correspondant par e-mail, fax, téléphone ou courrier pour qu'un tiers puisse se présenter et retirer les fonds, soit en présentant le reçu numéroté, soit en révélant le mot de passe. La transaction effectuée est aussitôt effacée. Au Pakistan, on estime à plusieurs milliards de dollars le volume de ces transactions qui sont « noyées » avec celles des travailleurs indiens, pakistanais, philippins ou du sud-est asiatique émigrés.

Quel que soit le type d'activité, légale ou illégale, dès qu'elle atteint une certaine ampleur, on a recours à un ensemble de sociétés légales qui permettent de dissimuler les revenus d'activités et de pouvoir en disposer légalement après leur blanchiment. Dans une chaîne délinquante, seules les personnes à la base de l'activité illicite doivent blanchir les capitaux, les intermédiaires n'ont pas ce souci. Leur activité économique et de façade étant tout ce qu'il y a de plus légale, ils perçoivent leurs honoraires qui constituent leur chiffre d'affaires. Pour dissimuler les transferts de capitaux, on crée de véritables sociétés qui serviront de paravent à travers un montage complexe de sociétés relais (Al Capone utilisait un réseau de laveries pour donner une existence légale à l'argent mal acquis). Ce qui intéresse ces sociétés, ce sont les registres de commerce, le papier à en-tête, les comptes bancaires, et les possibilités offertes pour les transferts de capitaux. Il devient possible de commercer en établissant de fausses factures en surestimant ou sous-estimant les montants de celles-ci pour que la différence ou le bénéfice réalisé sur la TVA puisse être déposé au passage sur un compte secret. Cela est encore rendu plus facile par les zones franches exemptes de contrôles douaniers et fiscaux qui permettent la re-facturation à l'exportation. Les zones franches de certaines banlieues Françaises sont de mini paradis fiscaux que les gangs locaux peuvent mettre à profit pour bénéficier d'exonérations fiscales et sociales en provenance d'argent sale. Il s'agit parfois d'un jeu d'écritures, puisqu'il n'y a aucune marchandise en circulation.

Le faux procès, la somme à blanchir est déposée sur un compte dans une banque offshore en attendant de servir de règlement à un procès monté de toute pièce. La société qui veut rapatrier les fonds intente un procès à la société détenant les capitaux, bien souvent, un arrangement à l'amiable est négocié entre les avocats et la justice. La société perdant son procès verse ensuite les sommes convenues à l'autre partie. La société qui aura gagné le procès n'aura même pas à payer d'impôts sur les sociétés. Le bénéfice est donc supérieur à ce qu'il serait avec des fonds sur lesquels il aurait fallu s'acquitter des impôts sur les sociétés ! On peut tout aussi bien avoir recours à des sociétés offshore situées dans un paradis fiscal. La réglementation permet l'implantation de banques, compagnies d'assurances, sociétés relais ou écran, l'ouverture de compte à chiffre anonyme. Les sociétés panaméennes ont été fréquemment utilisées en Suisse en raison de la possibilité à pouvoir utiliser les deux sigles SA ou AG. Pour semer la confusion, il suffit que la société mentionne une ville et qu'elle supprime la mention du siège à Panama ! Pendant longtemps, il fut possible de créer rapidement et par Internet, une société pour quelques milliers de dollars !

Cette guerre occulte sur les places financières a aussi ses morts. Le 10 octobre 2000, le corps sans vie de Thierry Imbot, le fils de l'ancien patron de la DGSE (1985-1989), était découvert vers minuit dans la cour de son immeuble rue Jean-Goujon (Paris). L'homme est-il tombé accidentellement par la fenêtre de son appartement situé au 4° étage dont toutes les lumières y étaient éteintes ? Ce militaire avait participé à l'élaboration de plusieurs ventes d'armes, dont les frégates de Taiwan et celles à l'Arabie Saoudite, ce qui a fait dire au général : « Mon fils savait beaucoup de choses sur les commissions occultes ». Imbot fils avait été envoyé en mission à Taïwan en 1991 pour le compte de la DGSE afin d'enquêter sur la passation des marchés d'armement. Plusieurs morts suspectes jalonnent les frégates. En décembre 1993, le corps de Yin-Chin-Feng, un capitaine taïwanais qui avait refusé de se laisser corrompre, fut retrouvé dans le port de Taipeh au mois de juin 2001. Jacques Morisson, l'ancien chef de l'antenne à Taïwan fut lui aussi victime d'une défenestration de son appartement toulousain...

On comprend pourquoi ceux qui savent, préfèrent se taire... Les policiers français avaient dû protéger l'homme qui valait 7 milliards, un informaticien monégasque employé par HSBC à Genève qui a dérobé les données clients couvrant 2006-2007 : « On ne voulait pas le trouver, un beau matin, avec deux balles dans la tête  ». Et de proposer ses services pour décrypter le « shadow banking » (marché financier parallèle) qui « transforme la planète en casino et facilite le blanchiment d'argent sale ».

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11 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 24 novembre 2017 08:36

    Les paradis fiscaux,ça sera terminé le jour où toutes les mafias du monde auront été éradiquées par Eliott Ness, Hercule Poirot et Bibi Fricotin. D’ici là, les banksters peuvent encore dormir sur une oreille, l’autre étant toujours en alerte pour détecter l’arrivée éventuelle du chevalier sans peur et sans reproche qui lave plus blanc que le blanchiment.


    • Jelena Fatima 24 novembre 2017 08:54

      @Rachid ben Jeussey Al-SourceCNN : Demain soir on fait un couscous royal afin de fêter le procès de Mladic, nos amis BHL et Kouchner seront présents. On peut également compter sur ta présence ?


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 24 novembre 2017 09:10

      @Fatima

      depuis hier, je constate que vous avez été promu chef d’escadrille
      félicitations !
      mais attention aux scuds, ils peuvent venir de votre propre camp

    • files_walQer files_walQer 24 novembre 2017 22:05

      Nous protestons contre la censure dont a été victime l’article du 17/11/2017 de Doctorix sur les 11 obligations vaccinales.

      Lettre de Doctorix


    • Spartacus Lequidam Spartacus 24 novembre 2017 09:00

      Quand l’impôt servira à autre chose qu’a prendre le grain pour engraisser les poules de ceux qui sont plus proche de l’état et qui transforment les champs de ^production en terrain de fiante, par la multiplication des toujours plus nombreuses poules des obligés.


      Ceux qui font chier à faire de belles récoltes n’auront pas envie de donner le grain pour en faire profiter ceux qui ne sèment rien et ne font que picorer leurs grains.

      • pasglop 24 novembre 2017 13:53

        @Spartacus

        C’est beau, on dirait du Wauquiez !... smiley

      • Gabriel Gabriel 24 novembre 2017 09:00

        Rien que le titre me fait sourire. Je soutiens votre candeur et votre indéfectible croyance en la justice et l’équité. Cependant, petit rappel, les lois sont votées par des individus élus grâce à l’argent des milliardaires qui planquent celui ci dans les paradis fiscaux alors, croyez vous que ces représentants vont se faire harakiri ?  


        • rogal 24 novembre 2017 09:28

          @Gabriel
          Les guillemets du titre ne me portent pas à sourire. La fin du texte non plus


        • Pimpin 24 novembre 2017 10:02

          @Gabriel
          Bravo, vous avez compris ! 

           La libre circulation des personnes et des biens c’est un dogme de base des politiciens mondialistes et européistes. Il est donc hors de question qu’ils l’abandonnent.
          Ca sonne bien, surtout le mot liberté, mais les conséquences sont souvent désastreuses, sauf bien sûr pour les multinationales qui en profitent et tirent les ficelles. 
          La seule solution c’est effectivement de virer les politiques en cause, qui se drapent justement derrière le mot liberté en accusant leurs adversaires de racisme et de xénophobie en faisant tout pour les diaboliser et les handicaper en leur interdisant les prêts et récemment les comptes bancaires ...
          Visiblement la majorité des électeurs ne l’a pas encore compris et se laisse toujours avoir par un discours hypocrite et mensonger.

        • HELIOS HELIOS 24 novembre 2017 21:43

          ... rappelons, qu’ouvrir un compte bancaire n’importe où dans le monde n’est pas interdit, il doit seulement etre déclaré chaque année en même temps que votre déclartion fiscale.


          ... rappelons encore que transferer de l’argent depuis votre compte en France (un de vos comptes) vers votre (vos) comptes a l’etranger n’entraine aucune taxe autre que les frais d’operations et le change... dans la mesure ou chaque virement est inferieur a 10 000 euros (ou dollars selon les pays).
          Au dela de ce montant vous devez faire une déclaration - en général c’est la banque émettrice qui le fait- a Tracfin et cela n’entraine pas de frais supplementaires.

          ... rappelons enfin que seuls les gains que vous rapportent l’argent déposé a l’etranger doivent etre déclaré pour que le fisc français etablisse votre taux d’imposition sans pour autant vous faire payer un quelconque impot sur l’argent hors de France. c’est a vous de voir avec les pays où se trouvent vos comptes.

          notez au passage que ces gains peuvent etre vraiment diminués si par exemple vous utilisez une carte bancaire internationale etrangère et depensez même en France, ce que vous gagnez hors de France.

          Il n’est pas besoin d’aller dans un quelconque paradis fiscal, et / ou de posseder des fortunes pour profiter du diffrentiel et de la sécurité (ou le risque) de pays étrangers. Evidement, choisissez plutot un pays sûr.

          Si vous etes un globe trotter vous pouvez echapper a toutes les tracasseries françaises (mais pas a votre impot initial et c’est bien ainsi). Maintenant, si vous habitez une bourgade de la Creuse -par exemple- et que vous n’allez jamais plus loin que le chef lieu du département, vous avez fait un choix qui ne se discute pas et votre bonheur est ailleurs.

          • eau-du-robinet eau-du-robinet 24 novembre 2017 21:52

            Bonjour,
            .
            Pour luter contre l’optimisation fiscale il faut supprimer l’anonymat des sociétés écran !
            .
            Tous les mécanismes de fraude, évasion et optimisation fiscale agressive, qui font perdre des centaines de milliards d’euro aux finances publiques du Sud comme du Nord, et qui aggravent d’autant la charge fiscale sur les contribuables honnêtes, passent systématiquement par des sociétés écran anonymes, qui permettent de dissimuler dans le secret et l’opacité toutes les manœuvres plus douteuses, illégales ou immorales.
            .
            Quiconque souhaite échapper à l’impôt, blanchir de l’argent sale ou mener des investissements en toute discrétion trouvera dans les sociétés offshore des paradis fiscaux la méthode idéale pour dissimuler son identité réelle en passent par des sociétés prête nom. Une réalité connue de longue date, sur laquelle le scandale des « Panama papers » vient jeter une lumière crue.
            .
            D’où viennent les délocalisations et l’évasion fiscale et comment l’interdire ?
            https://www.youtube.com/watch?v=TwCjCDr1lBA
            .

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