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Inertie de l’industrie culturelle québécoise face au numérique : une pub télé de l’Ordre des CPA qui dit tout

J'AI BESOIN DE VOTRE AVIS au sujet d'une publicité télé québécoise traitant du numérique et de la culture. Voir juste n’est pas donné à tout le monde. L’Ordre des Comptables Professionnels agréés (CPA) du Québec démontre toute la compétence de ses membres le temps venu de conseiller les entreprises. Dans sa publicité mettant en scène des acteurs d’une maison de disques et un CPA face à la baisse des ventes de CD dans les années 90, l’Ordre des CPA du Québec avance une proposition en parfaite harmonie avec les tendances numériques du marché. Cliquez ici pour visionner cette publicité sur YouTube.

Nous sommes dans les années 90 dans le bureau d’une maison de disques. L’homme débout, sans doute le directeur de la maison de disques, déplore la baisse des ventes de CD :

— On vend de moins en moins de CD.

La réplique provient d’un homme assis sur un sofa, probablement un artiste. Il accuse l’internet d’être responsable de la baisse des ventes de CD :

— Ça, c’est à cause de l’internet.

Une autre personne, peut-être un artiste ou un employé de la maison de disque avance une proposition :

— On pourrait faire un pack : 10 CD pour une piastre.

Une dame s’affiche en faveur de cette proposition.

— Wow ! C’est brillant ça.

Puis, le CPA, personnifié par une dame au premier plan, met de l’avant une autre proposition en accord avec les tendances du marché :

— Les tendances du marché vont vers le numérique. On devrait créer une plateforme en ligne. On ne vendrait plus de CD mais des abonnements qui permettraient aux gens d’écouter leur musique quand et où ils veulent.

Les gens de la maison de disques sont surpris et hésitent pour finalement rire de la proposition de la CPA :

— (réactions) Rires.

La publicité prend fin avec cette mention :

Êtes-vous à la barre du changement ?

Demandez à votre CPA

Comptable professionnel agréé

Au premier visionnement de cette publicité sur mon écran télé, j’ai dit : « Wow ! Voilà une pub qui dit tout ». Il y a déjà plusieurs années que je souligne le manque de réactivité de la part de notre industrie culturelle face au nouveau monde du numérique. Dans mon article publié hier, Votre éditeur prend position face à la nouvelle politique culturelle du Canada, je dresse un portrait de la situation en pointant du doigt l’inertie de notre industrie culturelle face au virage numérique.

Cette inertie la plonge aujourd’hui dans une grave crise parce qu’elle n’a pas innover pour s’adapter aux tendances du marché et aux changements de comportements des consommateurs.

Les gars de garage

Mais notre industrie culturelle nie toutes responsabilités dans la crise conséquente de son inertie. Elles accusent plutôt ceux et celles qui ont su innover pour s’inscrire dans les tendances du marché et initier de nouveaux comportements des consommateurs en leur faveur.

Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on innove ainsi ? Le petit entrepreneur dans le garage de ses parents ou dans la chambre de la résidence de son université devient grand. Son morceau du casse-tête se place parfaitement là où il le faut pour avoir du succès. C’est ainsi que la plupart des géants du numérique et du web sont nés, ceux que notre industrie culturelle accuse de ses malheurs.

Garage Google, siège social historique où est fondé Google le 4 septembre 1998, 232 Santa Margarita, Menlo Park, Californie. Cette photographie est sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported. Source : Garage Google, Wikipédia. « En 1998, et alors qu’ils étaient encore étudiants à Stanford, Larry Page et Sergey Brin ont loué le garage de Susan Wojcicki, et ont commencé à créer de là ce qui sera par la suite le site réalisant le plus de traffic dans l’histoire d’Internet. » Source : 10 Success Stories qui ont démarré dans un garage, Buzzly.

Maison d’enfance de Steve Jobs à Los Altos en Californie, où débute l’histoire d’Apple en 1976. Cette photographie est sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic. Auteur : Mathieu Thouvenin. (Wikipédia).

« Back in my old dorm room at Harvard. » Mark Zuckerberg shared this great photo of the dorm where Facebook launched in 2004. Source : Harvard University, Twitter.

And so Amazon was born. MacKenzie and Jeff flew to Texas to borrow a car from his father, and then they drove to Seattle. Bezos was making revenue projections in the passenger seat the whole way, though the couple did stop to watch the sunrise at the Grand Canyon. Bezos started Amazon.com in a garage with a potbellied stove. He held most of his meetings at the neighborhood Barnes & Noble. Source : The life and awesomeness of Amazon founder and CEO Jeff Bezos, Businesss insider, 11 février 2016.

Les fins connaisseurs québécois mettent de l’avant des analyses particulièrement savantes au sujet des tendances du marché dans le monde du numérique et du web depuis belle lurette. Malheureusement, l’industrie culturelle québécoise n’a pas su se lancer corps et âme dans l’innovation dès l’annonce de ces tendances. La publicité de l’ordre des CPA du Québec revient sur la réaction de l’industrie culturelle : un certain silence, un doute, des rires moqueurs.

Convaincue que ces tendances mourraient aussi vite qu’elles sont nées, l’industrie culturelle est resté figée dans le passé un certain temps, le temps d’être dépassée. Elle est finalement sortie de son inertie avec un réflexe devenu plus que naturel : demander aux gouvernements des subventions pour financer des journées d’études et des analyses de marché. Non seulement les gouvernements ont accordé cette aide financière mais il ont eux-mêmes réalisés des études et publiés des rapports traitant du numérique et du web dans le monde de la culture. Pendant ce temps, le petit entrepreneur a quitté le garage de ses parents ou la chambre de sa résidence universitaire pour permettre à son innovation de s’épanouir pleinement dans le monde des affaires.

Études, analyses et rapports se sont donc multipliés jusqu’à ce qu’un diagnostic de crise au sein de notre industrie culturelle soit établi en pointant du doigt les petits entrepreneurs devenus grands, de l’autre côté de la frontière.

« On ne peut pas compétitionner avec ce qui se fait ailleurs en raison de la petitesse de notre marché » entendra-t-on à répétition en prélude à d’autres demandes d’aide financières de l’industrie culturelle à l’État pour prendre le virage numérique.

Je constate que l’industrie culturelle n’évolue pas tant et aussi longtemps qu’il n’y a pas une aide voire une loi de l’État à la clé. Mais les gouvernements demeurent de grosses machines et, par conséquent, ils ont besoin de temps pour concocter des plans d’action et les mettre en marche. De plus, ils doivent entreprendre de longues consultations, surtout dans le domaine de la culture, pour être certains de satisfaire tous les lobbys en présence. Ce n’est pas une mince tâche pour les gouvernements. Par définition, l’industrie culturelle occupe la scène publique et peut mettre les gouvernements dans l’embarras en tout temps. Bref, les gouvernements marchent constamment sur des œufs dans le domaine culturel.

Pendant ce temps, d’autres petits entrepreneurs innovateurs rejoignent les nouveaux incubateurs d’entreprises spécialisés dans le numérique et avancent rapidement.

Appuyée par nos gouvernements, l’industrie culturelle québécoise tente de monter dans le train en marche filant à grande vitesse. Certaines entreprises y parviennent, d’autres pas. Mais la crise ne s’estompe pas même une fois à bord parce que bon nombre d’entreprises n’ont pas les connaissances utiles dans le domaine du numérique pour rejoindre le wagon de tête. Pis encore, elles sont perdues dans la masse des voyageurs.

Être présent est une chose, être découvert en est une autre. On commence à parler de « découvrabilité » (Potentiel pour un contenu, un produit ou un service de capter l’attention d’un internaute de manière à lui faire découvrir des contenus autres. Source : Office québécois de la langue française). On peut illustrer la situation actuelle de l’industrie culturelle québécoise par une personne à la recherche de ses amis dans une foule de 500,000 personnes assistant à un spectacle en plein air.

La découvrabilité consiste dans : « L’emploi, notamment de métadonnées, d’algorithmes de recherche, de mots-clés, d’index, de catalogues augmente la découvrabilité d’un contenu, d’un produit ou d’un service ». (Source : Office québécois de la langue française). La démarche est connue depuis les années 1990. Autrement dit, c’est la connaissance de base nécessaire à une présence profitable sur internet. Or, cette connaissance fait cruellement défaut à l’industrie culturelle québécoise.

Je m’explique mal pourquoi notre industrie culturelle n’applique cette connaissance de base si ce n’est que par une fausse perception de son rôle primordial ou par l’absence de contact avec les experts dans le domaine.

Métadonnées (1)

Vous vous sentez comme un professeur à la maternelle quand vous êtes obligé de vous faire entendre en commission parlementaire pour expliquer aux élus que le gouvernement ne produit pas ses fichiers PDF correctement, sans y inclure les métadonnées nécessaires à sa découvrabilité par les moteur de recherche et, par conséquent, les internautes (voir notre Mémoire déposé lors de cette commission parlementaire).

Prenons un exemple parmi des milliers. La revue LETTRES QUÉBÉCOISES est annoncé dans la VITRINE DE L’ENTREPÔT NUMÉRIQUE et offerte en format PDF. Ce dernier ne contient aucune métadonnée, comme l’illustre la saisie d’écran des propriétés du document ci-dessous :

Sa découvrabilité par les moteurs de recherche et donc par les internautes, est très faible pour ne pas dire nulle.

Prenons un autre exemple, le PDF du livre « Un jurassien en Amérique du Nord » par Marie-Angèle Lovis édité par Les Presses de l’Université de Montréal et aussi annoncé dans la VITRINE DE L’ENTREPÔT NUMÉRIQUE. Ici encore, aucune métadonnée dans le fichier PDF :

Ce n’est pas parce qu’on se trouve dans le milieu des presses universitaires québécoises que l’on connaît les métadonnées essentielles à la découvrabilité.

L’industrie culturelle québécoise pourra se plaindre d’être perdue dans la masse des géants du web uniquement lorsqu’elle suivra les règles de base de la découvrabilité.

Aux yeux des soit-disant experts au service de notre industrie culturelle, cette affaire de métadonnées peut paraître insignifiante et insuffisante pour la découvrabilité, d’autant plus qu’elle ne demande pas des millions de dollars pour s’y conformer. Il suffit de les ajouter au produit numérique et à ses annonces web et cela prendra moins de 15 minutes.

Débat au sujet des mots-clés

Une note est nécessaire pour faire le point au sujet du rôle des mots-clés dans la découvrabilité par les moteurs de recherche sur le web. Plusieurs spécialistes rapportent que les mots-clés n’ont plus aujourd’hui l’importance qu’ils avaient autrefois dans le référencement et la position dans les résultats de recherche. Ainsi, plusieurs ont éliminé les mots-clés du code (meta name= »keywords ») de leurs pages web. L’un des spécialistes écrit : « La balise meta keywords ne possède plus aucun intérêt pour le référencement. Elle ne fait plus partie des critères de référencement « in page » depuis plusieurs années déjà. » (Source : Optimiz.me) Les experts précisent que les moteurs de recherche ne prennent plus en sidération les mots-clés en raison des abus.

MAIS, pour d’autres experts :

« Malgré le fait que Google Hummingbird a modifié la recherche de mots clés de manière profonde, c’est encore un ingrédient essentiel pour un SEO efficace. »

« L’étude des mots-clés est généralement effectuée comme un moyen d’identifier la terminologie qu’un public utilise pour trouver différents produits, services, contenus et autres offres. Source : TWC – Création d’application mobile.

Beaucoup ont considéré que l’étude des mots-clés était une pratique moribonde depuis que la mise en oeuvre de Hummingbird. Bien que cet algorithme ait certainement changé la façon dont les gens regardent les mots-clés et les phrases, beaucoup restent inconscients des différentes façons dont la recherche par mot-clé peut être un moyen d’en apprendre davantage sur votre public. » Source : TWC – Création d’application mobile.

En fait, les mots-clés ont muté en « mots-clés de longue traîne » avec les changements apportés par Google à (l’alghorythme) de son moteur de recherche connu sous le nom « Hummingbird » (« Colibri » en français).

« Des mots-clés de longue traîne – Comme Hummingbird utilise des phrases, plutôt que des mots clés, l’utilisation de mots clés à longue traîne sont devenues plus important que jamais dans le référencement naturel. Le contenu « Comment » est également très utile si vous considérez combien de personnes à travers le monde utilisent l’expression « Comment apprendre » ou « Comment faire » ou une autre recherche similaire. Les mots-clés de longue traîne sont essentiellement une phrase qui est généralement utilisée pour le contenu afin de se faire repérer dans la recherche et ce n’est pas une nouvelle pratique. Encore une fois, il s’agit de phrases, donc, si vous avez un site qui vend vos services en tant que professeur d’espagnol, par exemple, vous auriez diverses phrases sur le site, telles que « apprendre à parler espagnol » et « professeur d’espagnol expérimenté » plutôt que simplement avoir « parler espagnol » ou « apprendre l’espagnol » dans le plus grand nombre possible. Hummingbird est un algorithme très intelligent, il est capable de reconnaître les techniques de bourrage de mots clés et émet des pénalités en conséquence. » (Source : La com du web)

Passez des mots clés au langage courant – Pour afficher ses résultats de recherche, Google va maintenant interpréter le langage courant qui est naturellement constitué de longues phrases commençant souvent par comment, pourquoi, quel est, qui est, où je peux trouver, etc… Il ne va donc plus s’agir de compter sur les mots clés. Et votre stratégie de visibilité sur Google va consister à identifier toutes les phrases orales courantes que peuvent utiliser les internautes pour rechercher le type de services ou de produits que vous proposez en tenant compte de votre propre marque et de votre localisation. Source : Arobasenet.com)

Source : Comment réussir son Référencement Google en 2017 ?,RANKSPIRIT.

L’importance des synonymes et autres termes associés – Avec un algorithme tel qu’Hummingbird, Google va aussi prendre en compte les synonymes des mots composant la requête conversationnelle ainsi que tous les termes relatifs aux mots clés qui pourraient tout de même être dans la requête. Vous devez donc par conséquent élargir votre champ de recherche de mots clés à cibler en vous intéressant aux synonymes, aux différentes variations de formulations incluant ces synonymes. Pour ce faire, votre premier allié devra être la fonctionnalité Google Suggest qui va vous proposer des requêtes similaires au fur et à mesure de la saisie de votre requête. » Source : Arobasenet.com)

Bref, les mots-clés devenus des expressions clés sont toujours très utiles à la découvrabilité.

Mais où sont donc nos vrais experts québécois du web et des métadonnées ? Ils sont dans nos sous-sols affirmait Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine Wired, lors d’une conférence InfoPresse à Montréal en 2007 sous le thème « Les nouveaux modèles d’affaires – Révolution interactive ».

Pour attirer ces experts, les vrais de vrais, il faut leur offrir un défi à leur hauteur pour les impliquer. Or, pour l’instant, l’industrie culturelle québécoise n’a besoin que d’un livret d’instruction au sujet des métadonnées pour franchir la première étape vers la découvrabilité de ses produits et services. Tout le monde peut le faire.

Métadonnées (2)

Cliquez ici pour télécharger ce document en format PDF.

Les métadonnées ont pris de l’importance pour l’industrie culturelle québécoise, notamment dans le secteur de l’édition de livres. Dans le plus récent Rapport annuel de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), on peut lire trois passages au sujet des métadonnées :

« Il y a de quoi s’étonner grandement qu’en cette ère de discours sur la culture numérique ou sur les métadonnées, on manque aussi sérieusement d’outils pour mesurer nos performances. Serait-ce dû à une trop grande rareté des ressources ? Le seul point positif de l’absence de données réside peut-être dans le fait que le total des ventes de livres neufs annoncé par l’OCCQ est peut-être en deçà de la réalité. » Source : Rapport annuel 2016-2017, Association nationale des éditeurs de livres, Mot du directeur général, P. 9.

La question posée par le directeur générale de l’Association nationale des éditeurs de livres, Richard Prieur, est fort simple : « Serait-ce dû à une trop grande rareté des ressources ? » À mon humble avis, la réponse l’est tout autant : il faut d’abord inclure des métadonnées pour espérer mesurer ses performances.

« En parallèle à ce projet, l’ANEL a mené une réflexion sur l’importance pour le milieu du livre de détenir l’accès à des métadonnées complètes pour relever l’enjeu de la découvrabilité. Lors de la dernière année, l’ANEL est arrivée à la conclusion que l’éditeur est à la fois un éditeur de contenu et de données associées à ces contenus. Il est donc essentiel que celui-ci soit propriétaire et gestionnaire des données attribuables à ses ouvrages et que ces données soient facilement accessibles par un vaste réseau d’usagers. » Source : Rapport annuel 2016-2017, Association nationale des éditeurs de livres, Comité numérique, technologie, innovation, P. 31.

Wow ! Ce n’est que « Lors de la dernière année », donc en 2016, que « l’ANEL est arrivée à la conclusion que l’éditeur est à la fois un éditeur de contenu et de données associées à ces contenus. » Cette conclusion est plus que pertinente mais elle arrive sur le tard. Et même si « vaut mieux tard que jamais », il y a dans cette conclusion des années de résistance au changement qui seront difficiles à rattraper. Ceci dit, il faut non seulement affirmer que les éditeurs sont aussi des éditeurs de données, il faut qu’ils se mettent vite au travail, à commencer par leurs livres (notamment les fichiers numériques proposant des extraits aux lecteurs potentiels et les annonces de ces livres sur leurs propres sites et ailleurs sur le web.

Le Comité de l’ANEL précise qu’il est essentiel pour l’éditeur d’être « propriétaire et gestionnaire des données attribuables à ses ouvrages ». Pour être propriétaire de données, il faut d’abord les produire. Je crois comprendre aussi que l’ANEL souhaite que les éditeurs soient propriétaires et gestionnaires des données produites par leurs ouvrages au sein des autres maillons de la chaîne du livre. Je ne suis pas certains de bien comprendre car les données ainsi produites constituent des avantages concurrentielles pour chaque entreprise qui sait les exploiter. Ces données sont privées. Et L’ANEL demande « que ces données soient facilement accessibles par un vaste réseau d’usagers ». Je ne crois pas que cela soit réaliste dans le contexte du libre marché. Enfin, il y a déjà beaucoup de données accessibles à tous à analyser avant de se pencher sur celles obtenues par les autres entreprises.

« Finalement, considérant que le numérique modifie autant les habitudes de lecture que la façon dont on découvre le livre, l’ANEL souhaite développer au cours de la prochaine année un outil de gestion des métadonnées assureront une uniformité et une rigueur dans la catégorisation des titres. En plus d’assurer un meilleur référencement du livre, il sera possible de tirer des données statistiques permettant de soutenir l’émergence et le déploiement de nouveaux modèles d’affaires, dont l’impression à la demande, et de développer des projets de recherche offrant un portrait plus précis des habitudes de lecture des Canadiens par exemple. » Source : Rapport annuel 2016-2017, Association nationale des éditeurs de livres, Projets 2017-2018, P. 44.

Pour développer « un outil de gestion des métadonnées », il faut des métadonnées. Les éditeurs ne semblent pas savoir comment produire des métadonnées pour leurs titres. Ils ont besoin de volonté et d’instructions à suivre, c’est-à-dire un outil de production de métadonnées. Et s’il est tout à fait légitime de vouloir assurer « un meilleur référencement du livre », les membres de l’ANEL doivent exiger de leurs fournisseurs et, dans certains cas, de leur personnel du numérique, des preuves précises de connaissance professionnelle des règles du référencement web.

Impression à la demande

L’ANEL aborde un sujet important : l’impression à la demande. L’association affirme : « il sera possible de tirer des données statistiques permettant de soutenir l’émergence et le déploiement de nouveaux modèles d’affaires, dont l’impression à la demande ».

L’impression à la demande est née au cours des année 1990 mais l’ANEL n’aborde sujet dans ses Rapports annuels qu’en 2013-2014. Cette année-la, elle confirme avoir tenu un webinaire sur l’impression à la demande avec Livres Canada Books. L’année suivante, le sujet n’est pas traité. En 2014-2015, elle fait mention d’un atelier sur l’impression à la demande avec Marquis Imprimeur (voir notre article : Annonce de l’impression de livres à la demande par Marquis et SoBOOK : quand des journalistes ne vérifient pas leurs informations). Et dans son plus récent Rapport annuel (2016-1017), elle mentionne :

« PROJETS EN COURS -Au cours de l’année 2017-2018, l’ANEL souhaite mettre de l’avant un projet d’impression à la demande pour accompagner les éditeurs québécois et franco-canadiens dans le développement de cette stratégie commerciale. Ce projet vise trois objectifs : accroître les exportations de livres québécois et franco-canadiens sur le marché national et les marchés internationaux actuels ; explorer de nouveaux marchés ; répondre plus rapidement et adéquatement aux besoins des lecteurs canadiens et étrangers. Dans un premier temps, l’ANEL veut développer un catalogue d’environ 1000 titres destinés à l’impression à la demande et offrant une diversité d’œuvres appartenant à une vingtaine d’éditeurs. Parallèlement à la création de ce catalogue, des efforts de démarchage seront mis dans le développement des relations commerciales à l’étranger avec des imprimeurs, mais aussi avec des représentants du milieu du livre. Pour l’ANEL, l’impression à la demande représente la seconde révolution numérique. Après l’avènement du livre numérique, une transition qui fut réussie par les éditeurs, il faut utiliser les technologies disponibles pour rendre plus efficiente la chaîne d’approvisionnement du livre imprimé et permettre par la même occasion aux éditeurs de développer une stratégie commerciale autour de l’impression à la demande. » Source : Rapport annuel 2016-2017, Association nationale des éditeurs de livres, Projets 2017-2018, P. 30.

Près de 20 ans après l’arrivée de l’impression à la demande sur le marché, l’ANEL affirme enfin que « l’impression à la demande représente la seconde révolution numérique. » Le Conseil de l’Europe a lancé son projet « Impression à la demande » en 1998 :

L’impression à la demande est une initiative lancée en 1998 en réponse aux besoins des créateurs littéraires et des petites et moyennes maisons d’édition qui souhaitaient, par ce moyen, venir à bout de la distribution limitée, du manque de capitaux des sociétés d’édition et d’un réseau insuffisant de librairies. Cette activité se propose de favoriser la diversité littéraire en Europe grâce à la technologie de l’impression à la demande. En ouvrant un éventail d’opportunités nouvelles dans le secteur de l’édition, celle-ci peut devenir un outil vital à la promotion de la diversité culturelle, et à la diffusion de créations littéraires. En association avec le projet de la nouvelle économie du livre, et un réseau d’acteurs du secteur de l’impression à la demande (auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires), des activités ont été mises en place afin d’aider les professionnels à prendre conscience de la nécessité d’ajuster la chaîne du livre à l’impression de tirages limités, ainsi qu’à une distribution transfrontières qui s’appuie sur les réseaux existants et les imprimeurs locaux utilisant les technologies numériques. Source : Conseil de l’Europe (PDF).

J’ai pris connaissance de ce projet du Conseil de l’Europe en 2001-2002 à l’occasion de l’étude de marché pour la création de la Fondation littéraire Fleur de Lys. Il m’apparut alors essentiel d’offrir l’impression à la demande dès le lancement de maison d’édition et de la librairie en ligne de la Fondation en 2003. Nous offrons nos livres en impression à la demande, un exemplaire à la fois, depuis près de 15 ans.

L’ANEL soutient aujourd’hui que l’impression à la demande ouvre « un éventail d’opportunités nouvelles dans le secteur de l’édition ». Ces opportunités datent de plus de 20 ans ! L’ANEL affirme aussi que l’impression à la demande « peut devenir un outil vital à la promotion de la diversité culturelle, et à la diffusion de créations littéraires. » Elle l’est déjà et depuis bon nombre d’années partout dans le monde. Évidemment, une fois de plus, vaut tard que jamais, mais limiter son projet « un catalogue d’environ 1000 titres (…) appartenant à une vingtaine d’éditeurs » ne représente pas un rattrapage suffisant. Nous ne sommes plus à l’heure des projets pilotes dans le domaine de l’impression à la demande, du moins dans les pays industrialisés.

En conclusion

Je crois sincèrement que l’industrie culturelle québécoise n’est pas de mauvaise foi. Ce sont plutôt les conseils avisés qui lui manque, des conseils provenant de professionnels neutres ou, si vous préférez, hors ses murs. Car ce n’est que de l’extérieur qu’on a le recul nécessaire à l’analyse pour bien conseiller une entreprise. Évidemment, si on un tel expert, il faut l’inviter sur le champ à se joindre à son équipe.

Dans ce contexte, la publicité de l’Ordre des Comptables professionnels Agréés (CPA) du Québec n’est pas anodine. Elle frappe en plein dans le mille, comme on dit. Bravo !


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