LBO de KKR sur Vivendi
C’est la deuxième rumeur de l’année sur un rachat de Vivendi. Ca va bien finir par être vrai. Bilan de l’épopée Jean-Marie Messier.
Selon le Financial Times,
KKR aurait offert en octobre 40 milliards US$ pour Vivendi, mais les
négociations n’auraient pas abouti, pour des raisons fiscales. Cela
aurait été le plus gros LBO de l’histoire, spécialité de KKR.
C’était la deuxième rumeur de vente de Vivendi cette année, après une
sorte de jalon posé par Sebastian Holdings en début d’année. Cela
finira par se faire. Vivendi n’a pas d’actionnaire de référence, ni
d’homogénéïté évidente. C’est plutôt une sorte de structure de
"defeasance" de l’ère Messier. En voyant approcher le jour où Vivendi
sera racheté par des fonds d’investissements puis revendu à la découpe,
on peut tirer un bilan presque final de cette épopée.
1983 : la CGE (Compagnie générale des eaux) participe avec Havas à la création de Canal+
1987 : privatisation de Havas (à cette époque, Jean-Marie Messier est conseiller d’Edouard Balladur pour les privatisations)
1994 : Jean-Marie Messier est nommé président de la CGE
1996 : la CGE crée Cegetel (qui détiendra entre autres la moitié de SFR)
1998 : la CGE fusionne avec Havas en Vivendi
2000 : Vivendi, Canal+ et Seagram (studios de cinéma Universal,
Universal music group et chaînes de télévision) fusionnent en
Vivendi Universal
2000 : J6M déclare "la mondialisation est inéluctable et positive"
2000 : Vivendi revend l’activité publicité de Havas, qui sera reprise
en 2004 par le groupe Bolloré et le fonds d’investissement Sebastian
2001 : Vivendi Universal achète Houghton Mifflin
2002 : pertes exceptionnelles, renvoi de Jean-Marie Messier et début de
la chute ; chiffre d’affaires 58 milliards d’euros en 2002
2002 : Vivendi Universal vend l’édition de Havas, qui s’appellera Aprovia, aux fonds d’investissement Apax, Cinven et Carlyle
2002 : Vivendi Universal vend le groupe "L’express-L’expansion" à la Socpresse qui le revendra en 2006 au groupe belge Roularta
2002 : Vivendi Universal vend ses parts de Vivendi Environnement,
l’activité historique de la CGE, qui prendra en 2003 le nom de Veolia ;
le capital de Veolia est maintenant public, et ses deux premiers
actionnaires sont la Caisse des Dépôts puis le fonds d’investissement
US Capital RM
2003 : Vivendi Universal vend son secteur édition à 40% à Hachette
(groupe Lagardère, déjà leader sur le marché) et 60% sous le nom
d’Editis au fonds d’investissements Wendel Investissements
2003 : Vivendi vend Houghton Mifflin aux fonds d’investissement Bain et Thomas H Lee
2003 : Vivendi vend Canal+Technologies à Thomson, qui en revendra
aussitôt la plupart à Kudelski, société suisse dont le groupe Dassault
est actionnaire
2004 : Vivendi Universal vend 80% de VUE (ex-Seagram sauf Universal music group) à General Electric
2004 : le ministre des finances, Nicolas Sarkozy, accepte un régime
fiscal très avantageux pour Vivendi Universal, en échange de la
création de 2100 emplois en France (ce qui ne semble pas avoir eu lieu)
2005 : Vivendi Universal vend Numéricable au fonds d’investissement
anglais Cinven, qui aura acheté en 2006 l’ensemble des câblo-opérateurs
français
2005 : chiffre d’affaires Vivendi Universal 19,5 milliards d’euros
2006 : Vivendi Universal change de nom et s’appelle Vivendi
2006 : Vivendi vend les salles UGC et le PSG à des fonds d’investissement
2006 : le fonds d’investissement Sebastian lance sans succès une idée d’achat de Vivendi
2006 : le fonds KKR tente un achat en LBO de Vivendi pour 40 milliards
$, qui n’a pas abouti pour l’instant, à cause du risque de perte du
régime fiscal "Sarkozy" (ça se passera peut-être mieux en 2007)
Bilan de l’épopée, pour ce qui appartenait auparavant à la CGE et Havas :
- l’édition française a été encore plus concentrée (deux acteurs pour
les deux tiers du marché), et davantage dans les mains des fonds
d’investissement (le groupe Lagardère appartient lui-même à des
établissements financiers étrangers)
- la presse Havas a été vendue à des fonds
- la publicité de Havas est contrôlée par Bolloré, comme Aegis, CSA...
- le câble de la CGE a été vendu à un fonds, qui détient 100% du marché français
- Veolia, la partie "environnement" est devenue publique, et son
capital appartient en grande partie à des fonds US comme Capital RM et
Lazard
- ce qui reste, c’est-à-dire SFR et Canal+ ne va apparemment pas tarder à suivre le même chemin.
Tout cela a été financé avec les abonnements à l’eau potable, qui n’ont pas créé ni reçu de valeur dans l’histoire.
Quant à Jean-Marie Messier, pour ce que j’en sais, ça va bien pour lui, merci.
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