Le capitalisme est incompatible avec la
survie de la planète.
Alors que les études se succèdent
pour démontrer la gravité et l’étendue des atteintes à
l’environnement, peut-on faire confiance au capitalisme pour
réparer ce qu’il a produit ? Non, répondent des scientifiques,
militants environnementaux et eurodéputés réunis à Bruxelles par
la Gauche Unitaire Européenne (1). Ils proposent d’autres
alternatives.
Les mauvaises nouvelles sur le
réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement
s’accumulent à un rythme alarmant depuis le début de l’été
sous forme d’une avalanche d’études scientifiques qui
aboutissent toutes au même diagnostic : si des mesures drastiques ne
sont pas prises très vite à l’échelle mondiale, une partie de la
planète risque de devenir invivable dans un délai assez bref.
Certaines études concluent même qu’il est déjà trop tard pour
redresser la barre.
Florilège non exhaustif de ces
chroniques estivales d’une catastrophe planétaire annoncée :
- Dans la revue Nature, le climatologue
français Jean Jouzel et un groupe de scientifiques, prévoient que
si d’ici 3 ans les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas
stabilisées, la planète passera dans un autre type climat aux
conséquences « catastrophiques » : recrudescence des décès dus à
la chaleur ( certaines régions de France connaîtraient des
températures supérieures à 50° ), des incendies, accroissement
des réfugiés climatiques venant de régions particulièrement
touchées comme la Corne de l’Afrique, le Moyen-Orient, le Pakistan
ou l’Iran ( on compte déjà actuellement 65 millions de réfugiés
climatiques sur la planète ), baisse des rendements agricoles,
etc...
- Un rapport établi par plus de 500
scientifiques dans plus de 60 pays, (2) montre que 2016 aura été
l’année de tous les records en matière de températures,
d’émissions de gaz à effet de serre, de montée des océans et de
terres soumises à la sécheresse.
- Selon le climatologue américain
Michael Oppenheimer, avec le retrait des Etats-Unis de l’accord de
Paris, les chances de réussir à le mettre en œuvre ne dépassent
pas 10% ( d’autres chercheurs parlent de 5% de chances.)
- Selon une étude réalisées par les
chercheurs du Massachusets Institut of Technology ( MIT ) et de
l’Université Loyola Marymount, la chaleur risque de rendre l’Asie
du Sud-Est invivable d’ici 2100.
- Une évaluation scientifique
effectuée en avril dernier par l’Unesco conclut que si les
émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites très
rapidement, les 24 sites coralliens classés au patrimoine mondial
auront disparu d’ici à 2100. C’est déjà le cas pour 20%
d’entre eux.
- Début juillet, une étude menée par
des chercheurs américains et mexicains (3) montre que les espèces
de vertébrés reculent de manière massive sur terre, à un rythme
inégalé depuis la disparition des dinosaures il y a plus de 60
millions d’années. Les chercheurs parlent de « sixième
extinction de masse des animaux » et analysent les conséquences «
catastrophiques » de cette « défaunation » aussi bien sur les
écosystèmes que sur l’économie et la société en général.
- Selon article de la revue Science
Advances, la fonte des glaces du Groenland, région qui se réchauffe
deux fois plus vite que le reste de la planète, va s’accélérer
dans les prochaines années. Selon l’un des auteurs de cette étude,
Bernd Kulessa ( Collège des sciences de l’université britannique
de Swansea ), si les glaces devaient disparaître complètement, le
niveau des océans monterait de 7 mètres.
Comme pour le confirmer, il y a
quelques jours, un méthanier de 300 mètres battant pavillon du
groupe Total, franchit le passage du Nord-Est habituellement obstrué
par la banquise, sans l’aide d’un brise-glace. Ce rêve de relier
l’Atlantique au Pacifique par le Détroit de Bering que caressaient
depuis longtemps les pétroliers, mais aussi des états comme la
Russie, est désormais une réalité.
-
Pour couronner le tout, un
institut de recherche international travaillant sur les
données fournies par l’ONU (4), nous apprend que depuis la fin du
mois de juillet, la planète vit « à crédit », c’est-à-dire
que l’humanité a consommé en 7 mois, toutes les ressources que
la terre peut produire en une année. Circonstance aggravante :
cette date fatidique arrive désormais de plus en plus tôt.
- En prime, toujours au chapitre de la
consommation, une autre étude nous indique que si tous les habitants
du monde voulaient vivre comme un Français, il faudrait trois
planètes terre pour assurer leurs besoins.
Le capitalisme responsable
Si toutes ces études se recoupent et
se complètent sur les constats, elles s’accordent également sur
leurs causes : c’est bien le développement explosif de la
production et l’exploitation sans limite des ressources de la
planète depuis le début de « l’ère industrielle », qui est la
cause de la catastrophe en cours. Le fait que la situation se soit
dégradée à très grande vitesse au cours des dernières décennies
en est une preuve supplémentaire. Cette accélération est liée
directement au développement du capitalisme dans les pays émergents,
et plus généralement à l’extension hégémonique de ce mode de
production à l’ensemble de la planète. Rappelons que la Chine,
premier pays émergent, est aussi le premier pays émetteur de gaz à
effet de serre, juste devant les Etats-Unis, première puissance
capitaliste mondiale. « La logique de la croissance va vers
l’autodestruction du système, voilà ce qui se passe quand on
confie la gestion des ressources de l’humanité à des privés »,
juge le député européen espagnol Xabier Benito ( GUE-GVN .)
C’est également l’avis de Daniel
Tanuro qui rappelle que le but du système capitaliste étant de
produire de la survaleur, il n’y a pas d’autre solution que de
remplacer le travail vivant par du travail mort pour lutter contre la
baisse du taux de profit, donc « d’accroître de plus en plus vite
la masse des marchandises, ce qui amène à consommer de plus en plus
de ressources et d’énergie. » Et l’écosocialiste le répète :
« la croissance capitaliste est la cause de la crise écologique,
dont le chômage massif permanent est l’autre aspect. » C’est
pourquoi, pour Daniel Tanuro, il est indispensable de lier les
combats sociaux et environnementaux.
Pas d’illusion non plus à se faire
du côté du « capitalisme vert » promu notamment par l’Union
européenne au niveau international. Pour Daniel Tanuro qui y a
consacré un livre, « capitalisme vert est un oxymore. » Ce que
l’on constate aujourd’hui dans les destructions qu’il opère
partout sur la planète, c’est bien au contraire sa violence, dit
Eleonera Forenza, qui explique par exemple comment le sud de l’Italie
est ainsi devenu la décharge du Nord.
Quelles alternatives ?
Une fois reconnu que la voie
préconisant la « modernisation » du capitalisme, son «
verdissement », est une impasse ( de même que la promotion des
valeurs « post-matérialistes » ou « post-classes » qui
l’accompagnent ), il faut poser clairement, analyse l’historienne
Stefania Barca, que « le capitalisme est le problème, » et pensez
la politique a partir de cet axiome, dans des termes nouveaux par
rapport à ceux du XXème siècle. « Où est-ce qu’on peut bloquer
le capitalisme ? » devient une question politique centrale, explique
Dorothée Haussermann, de Ende Gelände, un vaste collectif
d’organisations environnementales et de groupes politiques qui
concentre ses actions sur le blocage des mines de lignite et de
charbon en Allemagne. « Le charbon fait partie du problème du
réchauffement climatique, on doit en empêcher la production. Il
faut commencer quelque part, c’est à nous de prendre les choses en
mains, » explique Dorothée Haussermann.
https://www.humanite.fr/le-capitalisme-est-incompatible-avec-la-survie-de-la-planete-641025