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Punir, une passion contemporaine

Punir une passion contemporaine de Didier Fassin Editions du Seuil 189p 17€

Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institut d’études avancées de Princeton et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, et il pose le constat que l’on punit de plus en plus sans faire baisser le taux de délinquance, tout en ayant l’impression d’un (trop) grand laxisme et en réclamant une augmentation de la sévérité des peines. Son livre est structuré de façon très simple : qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? Il est structuré aussi par les divergences, voire les oppositions, entre les sentiments qu’ont les agents des institutions, tels qu’ils les disent (comment ils voient leur travail) et le rôle dévolu auxdites institutions, en leur intitulé. Il ne se place pas à l'intérieur de l'institution, à l'intérieur de l'institué ; il se place un peu (pas seulement) à l’endroit « de la composante émotionnelle et pulsionnelle qui existe toujours dans le châtiment et les débordements auxquels elle peut donner lieu. » P110 Il traite des institutions dont la tâche est la sanction et ne parle ni de la famille ni de l'école. Il saisit la parole des acteurs (policiers, juges) et la confronte à ce qui devrait être, à la fonction prévue de l'institution. Il parle de ce qui se passe vraiment. Le système judiciaire est censé punir les coupables avérés avec une idée de proportionnalité entre la faute et la peine. Didier Fassin inverse la proposition et voit que l'on est coupable parce que l'on est puni. Les délinquances des riches échappent fréquemment à la sanction judiciaire, tandis que des peines fortes sont appliquées à des personnes n'ayant pas commis les délits dont on les accable. Le constat n'est guère nouveau, mais il a le mérite d'être très documenté et présenté clairement et calmement. Les parquets se montrent plus sévères pour la détention de petites quantités de cannabis que pour l'abus de biens sociaux. Néanmoins, tout le monde continue à considérer que la police et la justice globalement disent le droit et le mettent en application dans la société et le populisme juridique (demander toujours plus) est prégnant et en augmentation.

La compensation d'une faute est décrite dans la première partie, comme ayant deux registres possibles : la réparation du dommage ou la souffrance du coupable. La réparation tient la faute pour une dette, elle est dite utilitariste, elle s'occupe principalement des conséquences de la peine sur la société. Elle est plutôt progressiste. L'autre est dite rétributiviste, elle veut donner une souffrance équivalente à la souffrance née du crime. Elle est morale et plus pratiquée dans les sociétés conservatrices. Nombre de sociétés établissent des mixtes, ou des alternances. Nous sommes plutôt dans une logique rétributive de la peine.

Le ministère de la justice, dans tous les pays, ne sait pas prendre en compte les conditions de son exercice. L'individuation du délit et de la peine ne permet pas de voir que mettre un père en prison, dans des milieux défavorisés, augmente les difficultés de la mère et des enfants, crée un sentiment d'injustice tout-à-fait fondé et des désirs de rébellion tout azimut et déconstruits.

Or la société continue d'appréhender la justice comme un outil créant de la justice, avec des erreurs des à-peu-près, des accidents, alors que ces erreurs ou à-peu-près ne relèvent pas de l'imperfection qui entache toute activité humaine mais d'une structuration, d'une essence hors de celle déclarée et crue par les juges, les avocats, les policiers, les gardiens de prison.

C'est la tâche de ce livre que de nous montrer la réalité du système policier-judiciaire sans emphase, sans indignation énorme, avec une tranquille et sèche objectivité. La solution serait de modérer la volonté pénale comme certains pays européens ont commencé modestement à le faire.


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13 réactions à cet article    


  • legrind legrind 11 janvier 2018 11:22

    Fassin la caricature de sociologue d’extrême gauche qui a hacké France Culture, lui ou son frere  smiley n’habite pas dans un quartier où les pompiers se font lyncher à coup de barre de fer en intervention.


    • Nycolas 11 janvier 2018 13:36

      @legrind

      Donc il faut emprisonner les gosses de banlieue. CQFD.


    • Aristide Aristide 11 janvier 2018 17:20

      @Nycolas

      Moi qui croyais que vous ne caricaturiez pas les positions des autres, que la bêtise ordinaire en réponse vous dérangeait, ... En bon représentant du bien, vous savez ce qu’il en est. 


    • Nycolas 11 janvier 2018 18:46

      @Aristide

      Ce n’est même pas une position, c’est juste une critique gratuite, facile et sans intérêt. Pas besoin de la caricaturer, il suffit d’en pointer le simplisme.


    • Aristide Aristide 11 janvier 2018 20:41

      @Nycolas

      Et sur cette position... rien à dire d’autre qu’une tirade du même jus. Bravo. Vous pointez le simplisme du personnage ..., je ne sais plus qui parlait de paille et de poutre.


    • baldis30 12 janvier 2018 08:54

      @Nycolas

      bonjour

      « il faut emprisonner les gosses de banlieue. CQFD »

       et laisser libres Besnier et les actionnaires de Lactalis ! ...............responsables des carences trophiques des gosses des banlieues. Normal c’est la faute des gosses gloutons ...qui bouffent n’importe quoi pris dans les poubelles des supermarchés ... z’avaient pas à fouiller ces merdeux !


    • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 11 janvier 2018 12:13

      Permettez-moi faire une comparaison pour montrer où se situe le problème.

      Imaginons un couple ayant deux enfants et leurs ayant passé tous leurs caprices pendant les premières années sans jamais les sanctionner. Ils se retrouvent bientôt avec une situation intenable sur les bras et décident de changer d’attitude en punissant à tour de bras. Malheureusement, les enfants se sont habitués à mépriser les avertissements qu’ils leur donnent, ce qui entraîne des châtiments bien plus fréquents et plus sévères que si les parents avaient fixé les limites d’entrée de jeu.

      Hypothétique, direz-vous ? Non, j’ai décrit exactement la situation de la justice dans le rôle des parents et de la société dans celui des enfants. Le laxisme judiciaire se paie toujours tôt ou tard au prix fort. L’auteur du livre inverse donc les causes et les conséquences en trouvant que l’on punit trop, et comme son diagnostic est erroné, son remède risque d’aggraver la situation. Comme pour l’égalitarisme dans l’enseignement, la compassion ne donne pas de bonnes solution.

      Une société qui fonctionne correctement en implantant une morale claire dans l’esprit de ses enfants n’a pas besoin de nombreuses prisons, mais pour ne société laxistes, les places de prison ne sont jamais suffisantes.


      • Orélien Péréol Orélien Péréol 11 janvier 2018 13:23

        @Gilles Mérivac
        Vous vous méprenez ou alors, j’ai mal écrit. L’augmentation des sanctions dans tous les pays développés est un fait, ce n’est pas un avis de l’auteur.

        L’auteur note que ce fait statistique indéniable est nié malgré tout, comme vous le faites et qu’une grande majorité de citoyens continue à croire qu’une plus grande sévérité des tribunaux serait la solution. Cette augmentation de la sévérité est en acte depuis 30 ou 40 ans et n’apporte pas ce que ceux qui la demandent pensent qu’elle apporterait si on la mettait en oeuvre.

      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 11 janvier 2018 16:36

        @Orélien Péréol
        Je regrette mais c’est vous qui vous méprenez, je n’ai pas nié l’augmentation des sanctions, j’en ai donné une explication. La situation est désormais si dégradée que le seule solution possible est la tolérance zéro. Je ne vois pas pourquoi ce qui a marché à New York ne fonctionnerait pas chez nous.


      • Aristide Aristide 11 janvier 2018 17:39

        @Orélien Péréol
        Pour ce qui est des sanctions prononcées, vous avez raison, si on regarde les sanctions réellement exécutées tel que l’emprisonnement là à l’inverse le taux est maintenant de plus de 50% de peines de prison qui ne sont jamais exécutées ou transformées en peines alternatives.


        Sur la prison, certains spécialistes avancent que l’on emprisonne moins que dans les années 70.


        Pierre-Victor Tournier, qui dénonce « une prison surpeuplée », récuse en revanche l’idée « d’un peuple sur-emprisonné ». Car, selon les chiffres datant de 2011, « la probabilité d’aller en prison dans l’année a diminué de 16 % en quarante ans. Toutes choses égales par ailleurs, l’effet démographique explique pour un tiers la croissance du nombre de détenus », affirme-t-il.

      • Orélien Péréol Orélien Péréol 11 janvier 2018 23:39

        @Gilles Mérivac
        Vous contestez le constat fait par Didier Fassin. Personnellement, je pense qu’il est juste.

        Ecrivez un livre. Je ne sais que vous dire d’autre.

        Je ne sais pas ce que vous appelez « ce qui a marché à New-York » et même si quelque chose a marché à New-York, rien ne dit que c’est généralisable. Sinon tous les peuples seraient semblables. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà. »

        J’ai écrit sur ceux qui prétendent savoir la source d’un problème : https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-trois-temps-du-pouvoir-200402
        Il n’y a pas qu’une seule solution et ce n’est sûrement pas l’augmentation de la violence de l’Etat.



      • Taverne Taverne 12 janvier 2018 10:03

        D’une façon plus générale, il y a une tendance très forte dans la société et au niveau de l’Etat à vouloir absolument corriger ce qui ne convient pas. Or, d’une part, la correction n’est pas toujours justifiée ou possible ou correcte, et d’autre part cette correction passe toujours par la punition et, bien entendu, la plus sévère et spectaculaire qu’il est possible.

        C’est ainsi que, par exemple :

        - les femmes célèbres aux USA veulent corriger l’inégalité hommes-femmes et ruiner un maximum de réputations et de carrières d’hommes. Elles les accusent, ils sont présumés coupables. S’ils ne peuvent prouver qu’ils sont innocents, ils passent à la trappe. Ainsi les femmes récupèrent des places occupées par les hommes. Le prochain sur la liste est Mickael Douglas accusé d’avoir eu une mauvaise attitude il y a ... 33 ans ! L’acteur a pris les devants pour dénoncer cette calomnie qui est d’ailleurs courageusement anonyme. Mais je crois qu’on ne donnera pas cher de sa peau s’il ne prouve pas son innocence. Le rouleau compresseur punitif n’a pas fini de faire des victimes chez la gent masculine.

        - Autre exemple Les migrants. Puisque une infime partie sont des terroristes en puissance et que trop d’Albanais demandent à tort l’asile, le gouvernement les punit tous en les persécutant avec violence. Interrogé sur les violences et tortures, Benjamin Griveau a dit en substance hier sur France 5 que c’est bien fait pour eux et qu’il s’en lave les mains. Plus subtilement dit : en gros, ils n’ont qu’à porter plainte, l’Etat ne fera pas d’enquête sur les agissements de la police.

        - Les chômeurs. Pareil. Puisqu’il y en a un ou deux sur plusieurs millions qui sont allés en vacances sur des plages des tropiques, ils doivent être punis collectivement.

        - A noter que lorsque l’on punit, c’est aux plus faibles que l’on s’attaque toujours. Les puissants sont toujours épargnés parce qu’on redoute des représailles de leur part. Exemple du bit coin ; on n’embête pas les puissants mais on tombe à bras raccourcis sur Nabila.

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