La dérussification de l’Ukraine : une épuration ethnique à demi-mot
La dérussification de l'Ukraine n'est pas que linguistique et culturelle, elle est aussi ethnique. L'indépendance du Donbass serait la finalisation de ce processus, rejetant la majorité des ukrainiens d'origine russe, faisant ainsi de l'Ukraine, ce qu'elle n'a jamais été : un pays européen.
A la veille, de leur troisième anniversaire, les accords de Minsk-2, restent pour Moscou, contrairement à ce que laisse entendre la propagande occidentale et sa cinquième colonne, la seule et unique voie de règlement de la guerre civile ukrainienne.
Son abrogation serait un point de non retour car selon Dmitry Peskov, dans les conditions actuelles rien ne garantit qu'un autre accord puisse être mis en place entre les parties concernées.
Le porte parole du Kremlin a aussi déclarait « que jusqu'à présent ni les pays garants des accords, ni les participants au conflit dans le Donbass, n'ont déclaré la non-viabilité de Minsk-2. Selon lui, de telles hypothèses dans la situation actuelle signifieraient un « effondrement complet ».
Moscou apparaît donc, et ce depuis 2015, comme le seul et unique réel garant des accords de Minsk. En effet si Kiev venait à entreprendre une réintégration militaire des régions séparatistes, la France et l'Allemagne ne pourraient émettre que d’impuissantes protestations. Seul Moscou, a les « moyens coercitifs » pour obliger Kiev à respecter l'intégralité territoriale des régions dissidentes ukrainiennes. Malgré les trompettes propagandistes de réseaux interlopes annonçant des offensives générales jamais réalisées (Janvier 2017, décembre 2017, janvier 2018), une escalade généralisée du conflit reste très peu probable. Il ne faut jamais perdre de vue que la sécession du Donbass ne sert que les intérêts de Kiev et de ses alliés occidentaux ( 1 et 2).
Néanmoins le printemps 2018, pourrait être le cadre de provocations ukrainiennes ayant comme but la perturbation des élections présidentielles russes et la déstabilisation du candidat Poutine. Ce dernier ayant en effet peu ou prou de marge de manœuvre. Ne pas intervenir le ferait passer pour faible, intervenir pour belliciste.
Largement présenté par la presse occidentale comme des accords inutiles ayant gelé le conflit ukrainien, les accords de Minsk-2 ont suspendu la dérussification ethnique de l'Ukraine.
Il existe dans l'histoire un précédent significatif de purification ethnique, celui des juifs allemands sous le Troisième Reich. Pour les nazis, l'Allemagne devait être « Judenfrei », c'est à dire libérée des juifs. Cette « libération » commence en 1935 par les lois de Nuremberg et se termine le 20 janvier 1942 à la Conférence de Wannsee. Après cette date, le Reich doit être « Judenrein », c'est à dire « nettoyé » via « la solution finale à la question juive ».
Avant 1942, les nazis n'ont comme but que de provoquer (par des lois coercitives, des menaces, des pogroms), ou d'inciter (par la promotion du sionisme) l’immigration des juifs. Cette solution politique au problème juif est un « succès », sur les 523.000 juifs vivant en Allemagne en 1933, 360.000 avaient immigré en 1941. Cet exemple de la première phase de « la solution au problème juif » montre qu'une épuration ethnique n'est pas forcément le résultat d'un génocide, mais aussi le fruit d'une politique.
Qu'observe-t-on depuis 2014 en Ukraine ? Malheureusement un schéma très proche de celui évoqué ci-dessus.
Avant d'aller plus loin dans la rédaction de cet article, je me dois de préciser que je ne ferai pas le raccourci simpliste d'une pseudo-presse de ré-information qui qualifierait la politique actuelle de Kiev de Néo-nazie. Ceci pour la bonne raison que les nationalistes ukraïno-galiciens sont précurseurs des théories raciales du nazisme. Dès 1900 paraît à Lviv (alors austro-hongroise),« l' Ukraine Indépendante » (Samostïna Ukraïna) de Mykola Mikhnovsky. Ce dernier développe une théorie basée sur le Darwinisme social (lutte des races, avec comme ennemi les moskals, les liakhs et jydy (russes, polonais et juifs) et la lutte des classes Marxistes.
Il rédigea en 1903 les Dix Commandements du nationalisme ukraïno-galicien pour son Parti du Peuple Ukrainien (NPU) :
- 1. Une Ukraine indépendante, libre et démocratique, une et indivisible, des Carpates au Caucase - une république des travailleurs.
- 2. Toutes les personnes sont tes frères, mais les russes, les polonais, les hongrois, les roumains et les juifs – sont les ennemis de notre peuple car ils nous gouvernent et nous exploitent.
- 3. L'Ukraine pour les ukrainiens ! Par conséquent, les étrangers-oppresseurs de toute l'Ukraine seront expulsés.
4. Partout et pour toujours utiliser la langue ukrainienne. Que ni ta femme ni tes enfants ne se compromettent dans la langue des étrangers-oppresseurs. - 5. Honore les chefs de ton pays natal, déteste ses ennemis, méprise les escrocs - l'apostat - et ce sera bon pour toi et tout ton peuple.
- 6. Ne tuez pas l'Ukraine par l'indifférence aux intérêts nationaux.
- 7. Ne devenez pas un apostat renégat.
- 8. Ne volez pas votre propre peuple, en travaillant pour les ennemis de l'Ukraine.
- 9. Aidez votre compatriote avant tout, communautarisez-vous.
- 10. Tu ne prendras point une femme étrangère, parce que tes enfants seront tes ennemis et ne sois pas en bon terme avec les ennemis de notre peuple, parce que ainsi vous leur donnez la force et le courage, ne te mélanges pas à nos oppresseurs, car alors tu seras un traître.
- Donc dès 1903, soit à une époque où Adolf Hitler n'était encore qu'un collégien en échec scolaire à Linz, la doctrine des nationalistes ukraino-galiciens est déjà bien établie. Il est donc totalement contre productif de qualifier la junte de Kiev de néo-nazi et ce pour deux raisons. La première, car cela est faux, le nationalisme ukraïno-galicien est dès sa naissance intrinsèquement criminel, génocidaire. La seconde, cela le dédouane, en reportant la faute sur l’Allemagne nazie dont la folie l'aurait contaminée.
- Le troisième des Dix Commandements du NPU qui stipule « L'Ukraine pour les Ukrainiens ! Par conséquent, les étrangers-oppresseurs de toute l'Ukraine seront expulsés d'Ukraine. » est mis place depuis le 22 février 2014.
Tout comme en Allemagne nazie où des lois étaient mises en place pour stigmatiser la population juive (loi de Nuremberg), la junte de Kiev retire à la langue russe sont statut de langue régionale le 23 février 2012. Le 28 février, la loi sur l'abolition des langues régionales est abrogée. Néanmoins, cette abrogation n'a été que de la poudre aux yeux pour calmer les chancelleries occidentales, car depuis cette date les lois limitant l'utilisation du russe et des autres langues régionales s’enchaînent les unes après les autres : restriction de la langue russe à la télévision, interdiction des séries et films russes postérieurs à 2013, interdiction de la littérature russe et projet sur l'enseignement scolaire des langues régionales.
Ainsi le quatrième commandement sur l'ukrainisation de la langue est pleinement mis en place.
Suite à la suppression du statut du russe comme langue régionale des barricades furent dressées dans plusieurs grandes villes de l'est du pays. Ces manifestations furent les prémices au déclenchement de la guerre civile ukrainienne qui est la pierre angulaire de la politique de dérussification de l'Ukraine.
La première des conséquences de la guerre civile est un exode massif des russophones ukrainiens vers la Russie. Début 2017, leur nombre était 2.320.300 (Chiffre 2015 : 2.642.000 en avril 2017), dont 1,038 millions provenant des LDNR. Seulement 170.000 ukrainiens principalement originaires de Crimée ont reçu la nationalité russe.
Avant le conflit les russes ethniques composaient 17,3% de la population soit 8,3 millions des d'habitants. Ce chiffre était de 22 % au moment de l'indépendance du Pays.
Qu'en est-il à ce jour ?
En mars 2014, il y avait en Crimée, 1,764 millions de russes ethniques. A ces derniers, il faut rajouter le million de réfugiés des LDNR, soit un total minimum de 2,8 millions sans tenir compte des réfugiés des autres régions de l'Ukraine.
A ce jour les russes ethniques en Ukraine ne représentent plus que 12 % de la population.
Si les Républiques de Lougansk et Donetsk devenaient indépendantes, se chiffre tomberait aux environs de 6 %.- Les 2/3 des russes d'Ukraine auraient quitté le pays. Ce chiffre serait alors comparable au résultat obtenu par « la solution politique au problème juif » évoquée précédemment.
Pourquoi est-il aussi important pour les ukraino-galliciens et pour leurs alliés de l'Otan de dérussifier l'Ukraine ?
Car il existe en Ukraine un obstacle insurmontable à l'asservissement du pays par les occidentaux : la démocratie. La première « Révolution Orange » qui était déjà le fruit d'une alliance entre les bandéristes galiciens et les USA a été un échec cuisant. Il n'a fallu que quinze mois pour que les urnes permettent le retour de Ianoukowitch au poste de Premier Ministre. Il apparaît donc qu'il est impossible aux occidentaux de maintenir une quelconque junte bandéro-gallicienne à Kiev tant qu'il planera sur le pays le risque démocratique.
S'il est impossible d'empêcher les élections en établissant une dictature, il est tout à fait possible de les priver d'électeurs. C'est le but premier de la guerre civile ukrainienne.
La première répercussion de la révolution de Maïdan est la réintégration de la Crimée (- 1,8 millions de russes ethniques), la seconde est la sécession de l'est du pays (-3,5 millions) ayant comme corollaire un flux de réfugiés vers la Russie (-1,3 millions).
Sans application des accords de Minsk2 la démocratie ukrainienne est donc tout simplement enterrée, laissant le pays devenir une autre Ukraine, une Ukraine conçue en Autriche-Hongrie à la fin du 19éme siècle et mise en place par les USA et leur alliés galiciens.
La neutralisation de l'électorat « pro-russe » ukrainien est vital pour la Junte de Kiev et ses alliés occidentaux. La connaissance de ce point est la seule explication à la présence d’éléments de la « cinquième colonne » pro-occidentale à Donetsk. Elle permet aussi de comprendre pourquoi des activistes sécessionnistes de la première heure sont issus de l'Open Society et que l'on retrouve comme figure de proue indépendantiste un ancien créateur et chef de parti ukrainien pro-européen.Cette cinquième colonne formée de « poissons-volants » est d'autant plus difficile à prendre en faute, qu'elle a comme mission d'être « plus royaliste que le roi ». - La non-application des accords de Minsk signifierait sans aucun doute la sortie définitive de l'Ukraine de la sphère d'influence de Moscou. La sécession du Donbass, permettant à Kiev de « neutraliser » la majorité de l'électorat « pro-russe » du pays, il est donc tout à fait probable que le blocage actuel des accords de Minsk perdure jusqu'aux élections présidentielles ukrainiennes du 31 mars 2019.
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