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Traçabilité du tabac, nouveau non-sens européen

Hermétique aux critiques, la Commission a adopté en décembre les actes juridiques visant à lutter contre le commerce illicite des produits du tabac. Le rôle accordé aux industriels est cependant pointé du doigt par des ONG et des experts.

Hermétique aux critiques, la Commission a présenté en décembre son projet d’actes juridiques visant à lutter contre le commerce illicite des produits du tabac. Le rôle accordé aux industriels est pointé du doigt par des ONG et des experts. Le texte est désormais sur le bureau des parlementaires européens.

« Aujourd´hui, l’UE a réalisé une grande avancée dans la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac », s’est enthousiasmé le commissaire européen à la Santé et à la Sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, faisant référence au projet d’actes d’exécution et d’actes délégués de la directive sur les produits du tabac, rédigé par la Commission.

Bémol : cet enthousiasme fait fi des nombreuses questions, critiques et désaveux exprimés par tous les acteurs concernés vis-à-vis de la direction prise par la politique européenne de lutte contre le commerce illicite du tabac. En creux, c’est bien l’efficacité des actes délégués que critiquent de nombreux acteurs de la société civile, ONG en tête.

Après des années passées à l’élaboration d’un cadre législatif efficace, les travaux de la Commission ont effet accouché d’une directive sur le commerce illicite du tabac qui divise. Cette dernière, qui s’inspire de la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac de l’Organisation Mondiale de la Santé (CCLAT OMS), prévoit la mise en place d’un système d’identification et de traçabilité pour la chaîne d’approvisionnement légale des produits du tabac. Mais les actes délégués présentés par la Commission ne respecteraient pas le protocole de l’OMS et feraient capoter l’ensemble.

Les cigarettiers à la manœuvre

Les experts critiquent en particulier le rôle accordé aux fabricants de tabac et dénoncent un conflit d’intérêts évident, puisque le texte prévoit que ces derniers fournissent eux-mêmes les outils de contrôle et de traçabilité de leurs produits.

Les cigarettiers pourraient ainsi avoir accès à la génération des codes uniques qui identifient les paquets de cigarettes, utiliser leurs propres fonctions de sécurité sur les paquets et même choisir leur propre fournisseur pour le stockage des données. Le risque ? Que les industriels utilisent leur mainmise sur le dispositif pour organiser une contrebande discrète, afin de contourner l’augmentation du prix du paquet mise en place par les Etats les plus répressifs, comme la France.

La Convention de l’OMS interdit pourtant l’implication de l’industrie du tabac dans les fonctions clés du système. Une précision qui n’est pas superflue, les cigarettiers ayant tenté, selon les déclarations de M. Andriukaitis, d’exercer leur influence : « ils font tout pour bloquer le système de traçabilité. Nous constatons de nombreuses activités dans les pays de l’UE où les lobbies du tabac sont très puissants et font blocage au quotidien », a dénoncé le commissaire.

Peu convaincue par la dernière mouture des actes délégués, l’ONG European Network for Smoking Prevention (ENSP) avait également exigé que les industriels se tiennent éloignés des discussions sur la traçabilité. Mais quelques semaines après cette prise de position, l’ONG a perdu la subvention accordée par la Commission. Si le lien entre les deux événements n’est pas établi, les autres organisations dénonçant les risques d’interférence de l’industrie du tabac ont préféré se retirer du débat après la mésaventure d’ENSP.

Les Parlementaires européens se rebiffent

Après le scandale du glyphosate, cette nouvelle reculade de la Commission passe mal auprès des parlementaires européens, notamment français. Un des députés européens, Younous Omarjee du parti Gauche Unitaire Européenne (en photo), s’est d’ailleurs publiquement ému des écueils des actes délégués.

« Le dispositif mis en place par la Commission européenne pour surveiller le marché illicite du tabac et la contrefaçon est mis dans les mains des producteurs de cigarettes, en violation totale du Protocole de l'OMS ratifié par l’Union européenne. C’est effarant. Comment peut-on confier un rôle majeur aux cigarettiers pour le contrôle du marché illicite du tabac alors que pèse sur eux le soupçon de l'alimenter et de l'organiser ? La collusion entre les industries du tabac et la Commission européenne dépasse tout entendement » s’indigne le député européen dans un communiqué relayé par le site Contrefaçon Riposte.

L’eurodéputé Insoumis, membre de la Commission environnement et santé du Parlement, a d’ailleurs alerté sur le fait que la mouture actuelle des actes délégués serait en désaccord total avec la Convention de l’OMS. « C'est à partir des usines de fabrication, que les cigarettiers sont soupçonnés d'organiser et d'alimenter le commerce parallèle de tabac qui se traduit chaque année par des problèmes de santé accrus et des pertes fiscales estimées pour les 28 États membres de 11 à 20 milliards d'euros par an. Et c'est aussi la raison pour laquelle l’article 8 du Protocole de l'OMS exige que la mise en place des systèmes de traçabilité soit entièrement publique » a-t-il conclu.

Ce n’est pas la première fois que le Parlement européen se saisit de ce sujet. En novembre 2017 déjà, l’eurodéputée de droite Françoise Grossetête avait alerté sur les tentatives de manipulations de l’industrie du tabac sur ce dossier sensible. Elle lancé un appel au-delà des clivages politiques pour éviter un nouveau scandale lié aux cigarettiers. Appel entendu ?


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5 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 3 février 2018 13:27

    Incapable de tracer tout le fric qui est planqué a l’étranger mais le tabac ....


    • baldis30 5 février 2018 09:10

      @zygzornifle
      bonjour,

      les traces de tabac sont faciles à identifier :

      services de cardiologie et de pneumologie des hôpitaux ....

      synthèse financière auprès de la sécurité Sociale...


    • baldis30 3 février 2018 22:10

      bonsoir,

      Il y a déjà longtemps que l’industrie du tabac s’est posée en tant que lobby, dès les premières études médicales le mettant en cause dans les maladies cardio-vasculaires et dans le cancer du poumon ... cela remonte aux années 1975 / 1980 ....

      Là aussi on faisait fumer des animaux , plus précisément des primates .... ça ne vous rappelle rien ... ni personne ....


      • zygzornifle zygzornifle 4 février 2018 12:55

        C’est comme la traçabilité des appointements de Pénélope Fillon ....


        • zygzornifle zygzornifle 5 février 2018 16:48

          La traçabilité ça marche surtout en période de gastro ....

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