@Grincheux
Tout à fait d’accord, notamment sur votre dernier paragraphe. La notion de « droit naturel » est très problématique et difficile à fonder en raison, bien que l’on ne puisse s’en passer. Le grand spécialiste de cette question est Leo Strauss :
@Florian Mazé
Parfois, je me réveille en me disant : « M... J’ai pas corrigé mes copies et je dois les rendre demain ! » et puis je me rendors en me disant : « Espèce d’idiot, tu as encore oublié que tu étais à la retraite ! »...
@Grincheux
Oui, je suis d’accord. Il fallait d’abord expliquer le texte de CLS. J’ai ajouté, en tenant compte des observations une réflexion (brève) sur le caractère polémique du texte. On sent que CLS aime les bricoleurs, qu’il les préfère aux ingénieurs, pour toutes les raisons que fous invoquez.
« En essayant de comprendre et de caractériser l’état d’esprit du bricoleur par rapport à celui de l’ingénieur, Claude Lévi-Strauss n’entend pas établir une hiérarchie entre les deux activités, mais il veut redonner du sens et de la valeur à l’activité du bricoleur.
Si l’on replace son analyse dans le contexte plus général de la Pensée sauvage, il veut rendre justice à d’autres manières de penser et d’agir que celles de la science et de la technique occidentale.
Claude Lévi-Strauss cherche à décrire dans La Pensée sauvage les mécanismes de la pensée en tant qu’attribut universel de l’esprit humain. Pour lui, la pensée sauvage est présente en tout homme tant qu’elle n’a pas été cultivée et domestiquée à »des fins de rendement« . Lévi-Strauss met en opposition l’utilité immédiate de la science et des connaissances dont a besoin la communauté pour se reproduire, avec une forme de pensée adaptée aux besoins sociaux ou de productivité des sociétés modernes. La pensée sauvage est »bricoleuse« , la pensée moderne est »ingénieuse« . Aucun mode de pensée et d’action n’est »supérieure« à l’autre.
Le texte de Lévi-Strauss nous suggère également de ne pas privilégier la »pensée calculante« et de repenser le travail pour le rendre plus intéressant et plus créatif.
On peut s’interroger sur la pertinence la notion de « bricolage ». Existe-t-il encore, dans nos sociétés modernes, d’authentiques bricoleurs tels que Lévi-Strauss les décrit. Les bricoleurs vont se ravitailler en outils et en matériaux dans les magasins de bricolage. Ce qu’il faut retenir de ce texte, ce n’est pas la lettre, mais l’esprit du bricolage qui suppose inventivité et créativité.
En réhabilitant des matériaux de récupération, le bricoleur utilise la »société capitaliste de consommation« au lieu de la subir, il récupère, répare, réhabilite au lieu de consommer passivement. Les artistes, les artisans, les sauvages, les couturières, les cordonniers, les cuisiniers, les boulangers, les paysans authentiques, les compagnons d’Emmaüs de l’abbé Pierre sont des bricoleurs.
N’est-il pas préférable de faire réparer ses chaussures chez un cordonnier que de les jeter sous prétexte que les semelles se décollent ? Les bricoleurs sont un utile contrepoids à l’hégémonie de la pensée calculante des ingénieurs. Tant qu’il y aura des bricoleurs, la société continuera à marcher sur ses deux jambes.
Comme le dit Honoré de Balzac dans Le Cabinet des antiques, cité en épigraphe de la Pensée sauvage : »Il n’y a rien au monde que les Sauvages, les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes."
Je suis heureux d’apprendre que vous ayez connu un exemple personnel de « bricolage heureux » avec votre père. Je me suis demandé à un moment si la notion de « bricolage » de Lévi-Strauss était bien pertinente. Je ne sais pas s’il existe d’authentiques bricoleurs tels que Lévi-Strauss les décrit. Je les soupçonne d’aller de temps se ravitailler chez Leroy-Merlin comme nous tous ! Mais il ne chipotons pas sur les détails. Ce qu’il faut retenir de ce texte, ce n’est pas la lettre, mais l’esprit du bricolage qui suppose inventivité et créativité. En réhabilitant des matériaux de récupération, le bricoleur utilise la « société de consommation » au lieu de la subir, il répare, il réhabilite au lieu de consommer passivement. Les artistes, les artisans, les sauvages sont des bricoleurs. Les bricoleurs sont un utile contrepoints aux ingénieurs et à l’hégémonie de la pensée calculante. Tant qu’il y aura des bricoleurs, la société continuera à marcher sur ses deux jambes. L’écriture inclusive ne relève pas du bricolage au sens où Lévi-Strauss l’entend, mais du dérisoire et de la stupidité. On ferait mieux d’apprendre au enfants l’accord du participe passé que des idéologies à la c...
@Decouz
Saint Thomas d’Aquin s’est trouvé face à un dilemme : comment concilier la doctrine de la création issue du judaïsme et l’idée héritée d’Aristote et de toute la philosophie grecque de l’éternité de la matière (du monde) qui implique la négation de la Parousie (le retour glorieux du Christ et le Jugement Dernier) ?
@Gollum
Il me semble que le Père dominicain thomiste Antonin Sertillange a parlé de cette question de la « rédemption des extraterrestres ». Il explique que le Christ n’a pas eu besoin de voyager de monde en monde, mais que son unique sacrifice sur la croix est suffisant pour la rédemption de l’humanité et de toutes les formes de vie « intelligentes » (capables de réclamer par exemple le baptême) dans l’Univers. L’Eglise a toujours admis la possibilité d’une vie extraterrestre. Tout le problème est de savoir ce que l’on peut entendre par « vie intelligente ».
https://fr.aleteia.org/2021/02/19/dieu-a-t-il-cree-des-etres-extraterrestres/
A propos de René Guénon, vous connaissez certainement son maître livre : Le règne de la quantité et les signes des temps, d’où j’extrais cette critique du rationalisme :
« C’est au nom d’une science et d’une philosophie qualifiées de »rationnelles« que les modernes prétendent exclure tout »mystère« du monde tels qu’ils se le représentent, et, en fait, on pourrait dire que plus une conception est étroitement bornée, plus elle est regardée comme strictement »rationnelle« (...) Le rationalisme sous toutes ses formes se définit essentiellement par la croyance à la suprématie de la raison, proclamée comme un véritable »dogme« , et impliquant la négation de tout ce qui est d’ordre supra-individuel, notamment l’intuition intellectuelle pure, ce qui entraîne logiquement l’exclusion de toute connaissance métaphysique véritable (...) » (René Guénon, Le règne de la quantité et les signes des temps, NRF Gallimard, coll. idées p. 123-124)
@Jean Keim
A propos des Dialogues avec l’ange :
http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/article-bernard-montaud-le-testament-de-l-ange-79081416.html
@Gollum
Pour éclairer le débat, commentaire du fameux texte de Blaise Pascal sur les rôles respectifs de la raison et du cœur dans la connaissance de la vérité.
http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2015/06/pascal-nous-connaissons-la-verite-commentaire.html
@Jean Keim
Je vous copie un extrait de la conférence à Oxford de Tom Cheetam que j’ai traduite de l’anglais « Une introduction à la vision spirituelle d’Henri Corbin ». Les Hébreux pensaient que l’organe de l’intelligence n’était pas le cerveau, mais le cœur, d’accord en cela avec la mystique musulmane (Shiites ismaéliens)..
Herméneutique : ta’wîl et l’exégèse de l’âme
L’imagination active, créatrice, est à la fois faculté de perception et de création. Dans la mesure où nous faisons partie du royaume de Dieu, elle est créatrice. Dans la mesure où nous sommes des créatures séparées, elle est perceptive. Son organe est le cœur et son action est la pensée du cœur. Dans la doctrine d’Ibn ’Arabî et dans le soufisme en général, le pouvoir du cœur est appelé himma,
Nous pouvons peut-être au mieux nous représenter le contenu, si nous lui donnons comme équivalent le mot grec enthymesis qui signifie l’acte de méditer, concevoir, imaginer, projeter, désirer ardemment, c’est-à-dire avoir présent dans le Θύμος, lequel est force vitale, âme, cœur, intention, pensée, désir. […] La puissance d‟une intention telle qu’elle projette et réalise (« essentifie ») un être extérieur à celui qui la conçoit.
Chacun d’entre nous a reçu en partage l’activité de l’imagination ; elle crée des images réelles, dans les rêves et les visions, ainsi que dans l‟état de veille. Ces images peuvent s’incarner et devenir visibles à travers la création d’œuvres d’art, ou de travaux scientifiques. Corbin explique cependant que pour le gnostique, la himma est capable de créer directement des objets et de produire des changements dans le « monde extérieur », objets qui ne sont cependant visibles que par les autres mystiques. Dans le monde moderne, de tels phénomènes relèvent de la parapsychologie.
Le cœur, en tant qu’organe de l’imagination active, fait éclore et perçoit simultanément les symboles. La perception, l’interprétation et la compréhension de ces symboles n’est pas simplement un exercice intellectuel, mais une exégèse qui transforme l’âme - une exégèse spirituelle, une herméneutique spirituelle. Corbin a repris cette conception de l’herméneutique des Shî’ites ismaéliens et le mot arabe pour le désigner est ta’wîl . Ta’wîl, selon Henry Corbin, est le principe central de toutes les disciplines spirituelles.
@Gollum
Je parle de la « métaphysique » nihiliste de Feuerbach, pas de sa critique du christianisme historique qui comporte des aspects pertinents. Ce n’est pas parce que nous défigurons la transcendance (Dieu ou quelque non que vous vouliez lui donner, ça n’a aucune importance les noms) que « D... » n’existe pas puisqu’il est l’existant absolu (« Je suis celui qui suis » ou mieux « je serai celui que je serais, librement avec vous », selon la traduction de Claude Vigée à propos du Buisson ardent).
Je ne crois pas que Dieu, existe. Je le sais. Je l’ai rencontré. Ou plutôt, c’est Lui qui m’avait fixé rendez-vous le moment venu. Vous ne pouvez pas vous imaginer quel mécréant j’ai pu être. Je m’étais fermé comme une huître. La séparation kantienne entre la foi et le savoir est le drame de l’Occident. Il date de la Philosophie des Lumières. Mais « ce dont on peut parler, il faut le taire » dit Wittgenstein et je suivrai ce sage avis.
@Robin Guilloux
J’ai oublié l’essentiel, le lien vers l’article : http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/article-tom-cheetham-une-introduction-a-la-vision-spirituelle-d-henry-corbin-70225315.html
@Jean Keim
Le cœur et l’intelligence n’ont rien d’incompatible. Il existe une « intelligence du cœur ».
@Gilbert Gosseyn
J’ai étudié la pensée de Feuerbach dans les années 70, en même temps que celle de Marx, de son ami Engels et celle de Lénine (son commentaire complètement débile de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, si l’on peut appeler « commentaire » cette suite d’exclamations extasiées qui donne une piètre idée des capacités intellectuelles du père du « petit père des peuples »).
Pardonnez-moi, mais je trouve la « pensée », si l’on peut parler de « pensée » de Feuerbach extrêmement réductrice et pour le dire crûment, totalement indigente.
Cette vision du monde sans créateur, sans amour vrai (sinon l’amour abstrait du prolétariat), purement matérialiste, me glace jusqu’au plus profond des os, je ne comprends pas qu’on puisse la considérer comme géniale, elle a conduit tout droit à la destruction des églises en Russie et à la déportation et à l’assassinat des prêtres sous Lénine, puis Staline. « La promesse d’un monde meilleur avec le prolétariat considéré comme »classe messianique", quelle foutaise ! On a vu ce que cette pensée a donné. Je ne parle pas du communiste utopique, je parle du communisme réel qui n’a jamais fonctionné nulle part.
La position de thèse de Feuerbach est une pure et simple pétition de principe qui provient de sa conviction purement personnelle qu’il n’existe pas de principe suprême qui informe l’évolution de l’univers depuis le Big Bang jusqu’à l’homme, en passant par les plantes et les animaux, ce que dément toute la science moderne. Il est vrai que Feuerbach raisonne a priori comme un philosophe idéaliste (mais oui !) et se moque de la science et des sciences expérimentales, comme Sartre, Heidegger et tutti quanti.
@njama
Lien vers une conférence en anglais faite à Oxford (Rewley House) par Tom Cheetham, l’un des plus grands spécialistes américains de l’islam, en 2010, conférence que j’ai traduite de l’anglais (traduction révisée par Daniel Proux, professeur à l’Université catholique de Louvain, qui s’est également chargé de bibliographie) : « La tradition prophétique et le combat pour la sauvegarde de l’âme du monde » qui met en exergue le rôle de l’imagination créatrice dans la tradition mystique de l’islam.
Désolé de na pas vous avoir répondu plus tôt. J’étais parti à l’autre bout de la France et je suis revenu avec une crise de sciatique.
Je prie également les autres personnes qui m’ont fait toutes ces intéressantes remarques de m’excuser de ne pas avoir été capable de suivre aussi attentivement que d’habitude le fil de la discussion. Je note dans mon livre d’or cette belle pensée :
Le vrai (est) un jardin dans la tête.
L’œil (du) dedans voit les fleurs ; l’œil (du) dehors compte les fleurs ;
@Aita Pea Pea
Rien n’est impossible à Dieu... sauf de guérir un fonctionnaire en congé maladie
@Gollum
Alors, si j’ai bien compris Jean, apôtre de Jésus, fils de Zébédée et frère de Jacques, le futur évêque de Jérusalem, ne serait pas le rédacteur du quatrième Evangile. Le quatrième Evangile a été écrit par un ou des membres de l’une des premières communautés chrétiennes du Ier siècle (avant l’an 70 si l’on se fie à Claude Tresmontant), au début du premier siècle ou après si l’on se fie à l’exégèse moderniste.
Le pape Benoît XVI qui était un fin théologien n’a pas nié que l’Evangile attribué à Jean n’était probablement pas de la main du disciple de Jésus.
L’apôtre Jean, frère de Jacques et fils de Zébédée n’a pas non plus écrit l’Apocalypse, mais quelqu’un d’autre, d’après Tresmontant Johanan, grand-prêtre du Temple de Jérusalem, toujours avant l’an 70, date de la destruction du Temple par les Romains, suite à la révolte des Juifs.
Je suis un peu déçu, mais je m’en remettrai comme lorsque je me suis aperçu que le Père Noël n’existait pas, mais que c’étaient les parents qui apportaient les cadeaux ;=) car j’avais fait le voyage exprès pour visiter l’île de Patmos et voir de mes yeux la grotte où Jean avait rédigé son Evangile, ainsi que l’Apocalypse.
C’est du moins ce que prétendait la guide qui nous expliquait que depuis qu’un petit enfant s’était exclamé : « Vous marchez sur le vieux monsieur ! », on avait entouré le coin de la grotte où Jean était censé se reposer d’un cordon pour empêcher les gens de « piétiner le dit vieux monsieur ». « Si non e vero, e bene trovato » comme disent les Italiens. J’espère du moins qu’il ne s’agit pas d’un joli mensonge destiné aux touristes, mais qu’il y a un peu de vrai, par exemple que l’exilé de Patmos était bien le disciple de Jésus. Ceci dit, je n’ai pas regretté mon voyage à Patmos, une île qui vaut vraiment le détour et devant laquelle les Grecs se signaient sur le bateau. Il y a une communauté monastique dans la ville haute (akropolis), à côté de la grotte. Tout cela est très poétique et mériterait la plume d’un Chateaubriand, que je n’ai malheureusement pas.
@Gollum
J’avoue que ça n’est pas clair pour moi non plus. J’étais persuadé, comme vous, sur la base de ces textes, que je connais moi aussi, que Jean, quel qu’il soit, annonçait la fin du monde ou disons la fin du monde ancien (celui que nous connaissons avec son lot de tribulations diverses et variées et Dieu sait qu’il n’en manque pas !) et l’apparition d’un monde nouveau puisque « Apocalypse » signifie « Révélation ». Je vais demander des précisions au fils de Claude Tresmontant sur le site dédié à son père. Je lui ai déjà demandé des précisions au sujet de l’identité exacte du rédacteur, mais il n’a pas encore eu le temps de me répondre.
@Robin Guilloux
Rectificatif : C.Tresmontant affirme que l’exilé de Patmos et le rédacteur de L’Apocalypse sont deux personnes différentes.
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