L’opposition de gauche n’est plus : dix ans de Sarkozy
La situation actuelle de la France, sans être désastreuse ou abracadabrantesque, révèle quelques traits singuliers pour ne pas dire étranges. Cela ne se voit pas, mais quelque chose a disparu dans ce pays. Il n’y a plus d’opposition de gauche. J’ai bien dit opposition de gauche, et non pas que la gauche a disparu. Lorsqu’on dit qu’on n’a plus de voiture, ça peut signifier qu’elle est à la casse, pliée après un accident, ou bien dans le garage, en panne, laissée en l’état, parce que son propriétaire n’a pas jugé utile de la faire réparer, ayant décidé de s’en passer. La situation de la gauche et notamment du PS, semble répondre à cette image d’un dispositif politique qui n’est pas utilisé, qu’il faudrait réparer, mais que personne ne sait comment rafistoler. Au PC, Marie-George y croit encore. Elle convoque officiellement ses partenaires, PS, Verts, LCR, pour une réunion de famille. S’il n’y a plus d’opposition de gauche, au moins, saluons cette initiative pour une exposition de gauche. D’ailleurs, une initiative devrait être prise dans ce sens au niveau des cellules des partis de gauche. Militants, si vous ne pouvez plus vous opposer, exposez-vous, ne serait-ce qu’un dimanche par moi, sur la place centrale de votre localité.
Quant à François Hollande, il a eu une idée de génie, imaginant des assises pour rechercher des convergences à gauche ! Voilà un concept très tendance à condition qu’il y ait des idées à partager et sur lesquelles s’entendre. Autant dire que la convergence est d’emblée acquise, sauf si les problèmes d’ego prennent le dessus. Un conseil aux dirigeants des gauches, ne ratez pas cette occasion unique, celle de converger sur du vide politique ! Ce sera au moins cela d’acquis, l’unité, même si c’est autour de rien, c’est au moins ça de gagné pour rester en état de fonctionner. Quoique, j’ai parlé trop vite. Il y a quand même une idée d’avenir, puissante, pouvant motiver les troupes. Cette idée tient en deux mots, municipales et 2008. Et là, ça vaut le coup de converger, car il y a quelques mairies à prendre, mais attention à ne pas en perdre. Converger devrait être facile, au moins pour administrer quelques localités, car tel est le rôle d’un parti politique que de se proposer pour diriger la vie publique. Inutile de donner des conseils à la gauche. A défaut de constituer une opposition de gauche à l’échelle nationale, elle sera à la tête de quelques mairies et ce n’est pas si mal, puisque les Conseils régionaux sont presque tous à gauche. C’est l’occasion de se maintenir en état de marche. Un parti politique qui n’exerce pas de responsabilité est à l’image d’un médecin qui n’exerce plus... ou d’une infirmière qui... préfère entrer au couvent.
Et Ségolène Royal, ne représente-t-elle pas l’avenir d’un PS prêt à conquérir le pouvoir en 2012 ? Pas vraiment en vérité. On sent l’ancienne candidate encore hantée par quelque religiosité, s’efforçant de ravaler un parti qu’elle veut donner aux Français comme objet d’admiration et de fierté. Voilà un mélange des genres bien hasardeux. Si ça continue, on verra les Français tels des fidèles priant saint Ségolène ou bien tels des rats de musée courants vers la Joconde. Le PS n’a pas encore vocation à devenir une institution religieuse ni une vieille relique, pas encore du moins.
Ces quelques considérations modestement ironiques servent non seulement à pointer la situation problématique de la gauche, avec un PS que certains jugent au bord de la rupture, mais aussi à faire réfléchir sur l’avenir de la France et d’un gouvernement qui, au vu de l’état de la gauche, risque d’être durablement installé à droite. Mais avec quelques doses d’ouverture et de sens pragmatique. Bref, la nouvelle, qui n’en est pas une en fait, c’est que nous allons devoir nous habituer à la droite et s’agissant de Nicolas Sarkozy, nous en avons pour dix ans. Nous voilà prévenus. Une vie politique sans opposition de gauche, étant entendu que la gauche continue à s’exposer dans les médias, contestant ou approuvant ou ignorant les décisions prises par le gouvernement de droite sous l’autorité suprême du président. Le PS ne sait plus où il habite.
Compte-tenu de la situation, on se demandera quelle peut être l’attitude du militant de gauche et du citoyen. Pour remettre l’opposition de gauche sur pied, il faudrait dépenser une énergie et un enthousiasme démesurés. Bref, une mission impossible. Surtout au vu de l’état des chefs de partis, des troupes de militants et surtout, de l’état d’esprit individualiste régnant. Car être de gauche, c’est par essence souhaiter le meilleur pour soi et pour l’ensemble des citoyens. Actuellement, c’est repli, scission, dissociété (néologisme emprunté à J. Généreux), carriérisme, profit personnel, intérêt privé. Attention quand même, il ne faut pas désespérer, l’Etat veille encore à la solidarité, surtout par pragmatisme, moins par générosité. Le lien social existe, il y a les amis, les associations, les repas de quartiers. Et le bien collectif, s’il n’est plus actuellement un objectif politique et citoyen, n’empêche aucunement de viser un bien en cercle restreint, en évitant quand même le repli communautariste.
Quel enseignement à tirer de ces constats ? Eh bien que le citoyen lucide qui ne se trompe pas et refuse de s’aveugler doit se faire à l’idée que la droite est installée pour une longue durée et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, simplement faire le deuil d’une alternance. Les militants et les dirigeants condamneront cette attitude, c’est certain. Mais le citoyen leur rétorquera à juste raison que la gauche et le PS, ce sont les chefs et les militants qui l’ont tué, surtout en promouvant Ségolène Royal, faute majeure qui ne pardonne pas. Restons optimistes, gais et joyeux. Avant, nous étions des citoyens de gauche engagés, croyant dans les idéaux socialistes et les capacités de ces partis, maintenant, nous n’y croyons plus et nous voilà, en paraphrasant Desproges, des sympathisants de gauche désengagés. Il fut un temps, les gens allaient à l’Eglise, prier, croyant en un Dieu généreux et efficace. Puis ils ont fait le deuil, ne sont plus allés dans les églises et ont pu vivre allègrement, sereinement, sans croire. Alors, pourquoi ne pas rester de gauche, comme les athées restent attachés à leur prochain et au bonheur, sans croire en Dieu. Devenir un athée, voire un agnostique de gauche, qui souhaite et espère une société préoccupée par le bien public et capable de mettre en œuvre des actions qui vont dans ce sens ; mais qui crois plus dans les partis de gauche ni dans l’adhésion massive des gens à ces idées.
Sur le plan pragmatique, je me sens à l’image d’un entrepreneur qui, devant laisser sa boîte pendant dix ans, la confie à un gestionnaire, sans espérer qu’elle prospère de manière fulgurante, mais certain qu’il la retrouvera un peu changé, mais en bon état de fonctionnement. Alors, Nicolas Sarkozy, nous comptons sur vous pour bien gérer notre pays jusqu’à la fin de vos deux mandats. Merci par avance
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