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Accueil du site > Tribune Libre > Sarkozy, l’Etat et le droit, ordre du désir et désir d’ordre

Sarkozy, l’Etat et le droit, ordre du désir et désir d’ordre

Objet, voilà un concept intéressant ! En octobre 1982, Foucault prononçait une conférence à l’université du Vermont. La Technologie politique des individus, tel est l’intitulé de ce discours reproduit dans Dits et écrits, tome II de l’édition Quarto, page 1632. Je recommande la lecture de ce texte qui présente un éclairage sur la modernité telle qu’elle apparaît après le XVIIe siècle et qui devient un enjeu épistémologique à la fin du XVIIIe siècle, lorsque la connaissance de l’homme devient un savoir autant qu’un savoir-faire. Qu’en est-il de l’homme, que doit faire l’Etat ? Ainsi sont apparues les techniques de soi et les technologies du social et du politique. La raison d’Etat devient un art d’opérer sur la société en vue de son ordre, de sa production économique, du bien-être de ses habitants. Le politicien est né ; sa tâche, s’appuyer sur des compétences et des savoirs pour conduire une politique dont le savoir n’est pas juridique, une politique qui ne s’occupe pas du droit des peuples, de l’homme, de lois divines, de lois humaines (p. 1637).

Un extrait important de ce texte écrit par Foucault : « Dans l’Etat moderne, en effet, l’intégration marginaliste des individus à l’Etat ne prend pas la forme de la communauté éthique caractéristique de la cité grecque. Dans cette nouvelle rationalité politique, elle s’acquiert à l’aide d’une technique bien particulière, celle de la police » (p. 1639) Foucault développe ensuite ce volet essentiel sur le rôle de la police, à travers trois ouvrages, le premier de Louis Turquet de Mayenne, paru en 1611 et symbole, selon Foucault, de l’opinion alors régnante, concernant la tâche d’une police veillant à la morale publique et au respect civique. Turquet emploie une expression remarquable : l’homme est le véritable objet de la police. A travers cette formule provocante, Foucault trace la voie prise par la société dont les rapports entre individus ont été changés. Fini les rapports entre sujets juridiques par ceux qui, au faîte de la société féodale, pouvaient s’en prévaloir. « Avec ce nouvel Etat de police, le gouvernement se met à s’occuper des individus, en fonction de leur statut juridique, certes, mais aussi en tant qu’hommes, être vivants qui travaillent et commercent. » Un autre ouvrage, Traité sur la police, écrit par N. de Lamare, édité en 1705, affirme en substance que la police veille au vivant et que le bonheur des hommes devient un élément de la puissance de l’Etat. L’homme est traité comme un objet et la société comme un milieu naturel où l’homme devient un élément prépondérant de par son travail et son utilité. De là germera ce que Foucault a appelé la biopolitique. Et sans doute pouvons-nous voir dans le projet de Sarkozy, chantre du bonheur par l’activité, la poursuite de cette tendance vieille de quatre siècles.

La conclusion de ce magnifique texte de Foucault éclaire l’essentiel du choix opéré par Sarkozy. Le droit et l’ordre sont opposés comme deux domaines de compétences et de rapports entre individus. Le droit relève d’un système juridique, avec au centre du dispositif la loi et son application. L’ordre se rapporte à l’administration, à un ordre bien spécifique, celui de l’Etat. D’après Foucault, les utopistes de l’aube du XVIIe siècle et surtout les administrateurs bien réels du XVIIIe siècle ont rêvé de concilier le droit et l’ordre (p. 1646). Or, poursuit Foucault, ce rêve doit le rester parce qu’il est impossible de concilier droit et ordre. Pourquoi ? Parce que quand c’est le cas, alors c’est sous la forme d’une intégration du droit à l’ordre de l’Etat. Avec ce genre d’analyse, la notion d’ordre juste vantée par madame Royal aurait été rangée au rang d’oxymore. Quant à la politique de Sarkozy, on voit où elle se situe et l’on comprend ses coups de gueule contre les juges, la logique des peines plancher, l’utilitaire de l’objet humain à travers l’immigration choisie ; et le dessein législatif où bien évidemment, un arbitrage se dessine. La raison d’Etat ou la raison de la loi. Maréchal Sarkozy demande les pleins pouvoirs à une majorité UMP dans l’Assemblée.

A propos de Sarkozy, d’aucuns ont pensé au franchissement du Rubicon par les troupes de César enfreignant la loi du Sénat romain. L’allégorie est plus que pertinente. Prenons la prochaine défiscalisation des heures supplémentaires. En droit sinon en esprit, elle transgresse la règle suprême de l’égalité des citoyens devant la loi. Mais Sarkozy n’en a cure, lui qui au nom d’un impérieux dessein économique de la France s’assoie sur ses principes et ses valeurs.

Depuis le moment grec, la société s’est toujours pensée sous l’angle d’une complémentarité mais aussi d’un antagonisme, d’une tension entre l’éthique et le faire, entre les droits humains et les droits positifs (oublions la parenthèse médiévale), avec l’Etat comme sujet de préoccupation politique et philosophique. Le moment moderne, on voit qu’il prend naissance avec l’homme devenu objet de l’Etat et de ses administrateurs. L’application de ce modèle donnera les grands groupes industriels après 1870, avec les techniques permettant d’appliquer l’homme à la machine. Même à l’échelle des citoyens, ce paradigme semble s’être étendu. L’homme jaugé selon l’utilité, représenté comme objet, dont on se sert, mais que parfois on veut écarter quand il empiète sur les terres de proximité. Pour preuve, la politique des centres-ville, avec des plots sur les trottoirs et des bornes mobiles protégeant les hypercentres, comme dans la ville du ministre du Développement durable. Bordeaux, comme d’autres villes, pratique le « nettoyage social », rejetant les pauvres à la périphérie. Des immeubles jugés insalubres sont frappés d’une obligation de rénovation, y compris quand le propriétaire est un modeste héritier sans moyens pour réaliser les travaux ; alors une association liée aux politique rachète le bien en dessous du prix du marché, le rénove, le loue à des gens assez aisés. Ainsi la raison de la Cité l’emporte sur la loi libérale. J’emploie à dessein cette notion, étant évident que la raison d’Etat se décentralise en raison de Cité conformément au principe holographique. La partie reflétant le tout.

Ce dispositif de l’homme objet fonctionne avec l’ordre des désirs, le rêve de toute-puissance de l’enfant, la satisfaction des caprices ; mais aussi le désir d’ordre, jouir en solitaire, l’onanisme social devient la règle dans une société des clients rois. Partout des centres commerciaux. A l’ANPE, faites vos courses, en tête de gondole, nous avons les reclassés de chez Trucmobile, coachés par les soins de nos techniciens de l’employabilité.

Quelques phrases de conclusion. D’abord l’intérêt de lire Foucault qui, selon ses dires, nous a livré une boîte à outils pour analyser le monde. Effectivement, ses écrits, et ici, celui que j’ai utilisé, servent à comprendre le sens des tendances. Ordre et raison d’Etat opposée à raison du droit, Etat opérant sur une société d’hommes-objets. Voilà un premier motif auquel s’ajoute celui d’un Etat relayant les désirs d’ordre d’une société et de ce fait, absorbant peu ou prou le juridique. Le maître de Sarkozy n’est pas Chirac mais plutôt Napoléon. Les commentateurs professionnels ont bien perçu le bonapartisme de cette droite menée par Sarkozy, dont les motifs et ressorts transparaissent de manière éclatante à travers ce long texte de Foucault. Y compris cet utopisme douteux de Sarkozy, son progressisme conservateur et autoritaire. Un Sarkozy qui regrette le déclin de l’autorité mais qui en absorbant (modérément faut-il reconnaître) le juridique dans l’ordre de l’Etat, crée les conditions de déclin de l’autorité. La lecture du traité de Kojève nous instruit sur quatre autorités, celles du juge, du chef, du père, du maître. L’Histoire nous apprend aussi que ces autorités ont pu être complémentaires ou rivales.

Le politique n’épuise pas l’analyse. La tendance observée, de l’intégration du droit à l’ordre, prévaut à l’échelle internationale, et se traduit aussi dans des dispositifs technologiques appliqués à l’homme. Ainsi, on a pu observer que dans le champ de la criminologie, l’individu est moins perçu comme un sujet face au droit, ayant transgressé les lois, qu’un objet déviant analysé par la médecine voyant en lui un écart par rapport à la norme. Le criminel, jadis hors la loi, est devenu peu à peu un malade. La loi, la citoyenneté, cela s’apprend à l’école. Mais d’aucuns ont en tête de déceler les déviances, dès l’école maternelle, avec une équipe médicale censée détecter ce qu’il faut bien appeler les enfants anormaux, autrement dit, en dehors des normes. On voit un peu comment le déplacement du rapport politique entre ordre et droit fonctionne de pair avec la rationalité scientifique appliquée à un individu dont le statut d’homme-objet tend vers l’épistémologique, avec en corollaire l’effacement du sujet classique dont le statut fut juridique et philosophique.

Le mot de la fin à Foucault qui, dans Les Mots et les choses, s’essaya à une étrange parabole, imaginant que l’intérêt des savants pour l’homme avait un début et par voie de conséquence une possible fin. Le sujet humain, promis à disparaître telle une figure tracée dans le sable, puis recouverte par la marée. L’histoire ne s’est pas passée ainsi. L’homme est toujours là, de plus en plus un centre d’étude pour les savants, mais disons qu’on ne regarde plus l’homme de la même manière et que les observateurs sont des scientifiques, usant de méthodes nouvelles. L’Objet a remplacé le Sujet. La fourmilière urbaine, industrielle, fait œuvre de société alors que la communauté éthique s’efface, pour autant qu’elle ait existé dans la modernité. Sans doute au moments forts de la IIIe République, et sans doute, dans l’après-uerre et les Trente Glorieuses qui ont suivi.

Allez, Monsieur le Président, ne soyez pas sévère à mon encontre, je plaide coupable, j’avoue avoir fait preuve l’allégeance à la pensée unique et du reste fort savante du soixante-huitard Foucault et je reconnais que seule votre Excellence saura conduire le peuple français vers son destin de bonheur.


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18 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 7 juin 2007 10:42

    Je ne comprend pas ces gens qui arrivent à faire diffuser leurs articles contre Nicolas Sarkozy alors qu’ils n’ont pas été voté ou qu’ils ne votent pas parce qu’ils sont anarchistes.

    Si vous n’etes pas content de SARKOZY,vous auriez du aller voter contre.

    Si vous ne voulez pas des pleins pouvoirs à Nicolas Sarkozy alors,mon ami,tu dois aller voter.

    Sinon,tu as juste le droit de te taire et surtout de ne pas te plaindre


    • Cangivas 7 juin 2007 12:57

      De toutes façons, ce n’est pas avec ce genre de réflexion et de papier que les classes populaires retrouveront majoritairement le chemin de la Gauche.

      Bien au contraire. Ca donne plutôt envie de continuer à préférer la droite volontariste plutôt que la droite je-m’en-foutiste ou la gauche laxiste.

      Sarkozy peut bien se prendre pour Bonaparte et le devenir... du moment qu’il n’envoie pas les classes populaires au casse-pipe pour des prunes.


    • Reinette Reinette 7 juin 2007 16:41

      Si la surenchère du roi du Karcher en matière de vidéosurveillance ne surprend personne, ses incartades dans le domaine de l’éducation et de la santé sont pour le moins flippantes.

      Sarko, malin et démago, n’a fait que récupérer les bébés et aligner les biffetons de l’État, histoire de semer le trouble chez ses détracteurs qui l’accusent d’être un cogneur ultra-libéral.

      Prison, école, asile...

      Le triptyque dénoncé par Foucault dans Surveiller et punir est toujours à la mode.


    • Niamastrachno Niamastrachno 7 juin 2007 19:10

      Ca ne surprend personne parce que trop de monde ont pris 1984 pour un manuel de bonne conduite...

      La peur marche tellement bien ces temps-ci que se faire reluquer à tous les coins de rue passe pour normal et même essentiel.

      NS se fiche des dégâts dans la populace, ce qu’il veut est un état fort, au service non pas de ses administrés mais de ses acteurs directs et sponsors en tous genre.

      Un bon p’ti G.I le Sarko


    • NPM 7 juin 2007 19:52

      Mais bien sur ! Tous le monde sais que l’insécurité n’existe pas, que c’est juste un fantasme de lagardére et que c’est pour ca qu’il faut sévir, c’est évident !

      Quand à 1984, roman dénoncant le socialisme d’un repenti de la guerre d’espagne, je ne vois pas le rapport avec la Droite.


    • Niamastrachno Niamastrachno 7 juin 2007 21:16

      aldous huxley t’irais mieux ?


    • NPM 7 juin 2007 10:48

      Le socialiste Marcel Gauchet a depuis longtemps montré que Foucault était un faussaire, et inventait de l’Histoire pour que celle-ci « prouve » ses lubbies idéologiques.

      Pour ma part, je ne COMPREND PAS ce que dis ce monsieur. Par ex « Dans l’Etat moderne, en effet, l’intégration marginaliste des individus à l’Etat ne prend pas la forme de la communauté éthique caractéristique de la cité grecque. » Ca ne veut rien dire. Rien du tout. L’intégration à la cité grecque est basé sur l’ethnicité, la race, pas du tout sur l’éthique ou je ne sais quoi.. D’ou d’ailleur l’impossibilité des grecques de s’unir durablement.

      Par ailleur pourquoi prétendre vouloir intégrer à l’Etat ? Louis XIII aurait donc voulu PLUS de fonctionnaires ? Quel interet ?

      « Dans cette nouvelle rationalité politique, elle s’acquiert à l’aide d’une technique bien particulière, celle de la police »

      Police ? Avec 2000 gendarmes pour tous le royaume sous Louis XIV ?! Encore une fois, nous sommes dans le délir idéologique !

      Par ailleur si ce foucault prétend juste que l’Etat à comme critére l’Utilité des individus, la belle découverte ! C’était quoi alors selon lui l’Aristocratie ?

      Tous ca ne tient pas debout.

      Par contre, si votre idée est la primauté de la Loi comme régulatrice des rapport sociaux et économique, c’est dans les délires révolutionnaire de 89 et génocide suivant qu’on l’a trouve. Certes, cette idée que la Loi peut tous vient des philosophes des Lumiéres, qui bien sur n’ont jamais administré quoique ce soit dans le monde réel et donnaient des leçons au Roi et aux ministres en pantoufles depuis leur chambre.. Mais justement, ce sont ces gens là qui s’opposaient ainsi à l’Etat monarchiste réel, avec leur « Raison » -si on ne comprend pas une chose, alors cette chose est illégitime, et on fait une loi parce qu’elle est logique (! !)a partir d’a priori non démontré (l’égalité de l’homme, en l’occurence)-. Donc ca ne colle pas non plus historiquement.

      Bref, vous allez chercher midi à quatorze heure : Sarkozy veut juste débarasser nos rue des casseurs, violeurs, racailles, voyoux, délinquants, meutriers, etc, et autres indésirables..

      Les USA l’ont fait, alors pourquoi les français devraient ils avoir une vie pourrie, eux ? Personne n’a a tolérer cela !

      « L’allégorie est plus que pertinente. Prenons la prochaine défiscalisation des heures supplémentaires. En droit sinon en esprit, elle transgresse la règle suprême de l’égalité des citoyens devant la loi. »

      Et l’ISF ? Et les priviléges des fonctionnaires et assimilés ? Des journalistes ? Des syndicalistes ? Et les impots progressifs ? Et les Loi qui disent que les Juifs, les Noirs, les Homosexuels, les enseignants publics et les Femmes valent plus qu’un homme blanc normal travaillant dans le privé et catholique ? Il faut vous réveiller mon vieux ! Ca fait un bout de temps que l’égalité n’est plus qu’un slogan chez nous.


      • Niamastrachno Niamastrachno 7 juin 2007 18:59

        Dire que bidule à contredit machin pour prouver je ne sais quelle théorie n’apporte rien.

        La fin de votre commentaire n’appelle même pas au commentaire...

        ’Seriez pas un bois-guibert déguisé ?

        Salutations...


      • La Taverne des Poètes 7 juin 2007 11:37

        Alors question : Sarkozy a-t-il franchi le Rubicon ou le pont d’Arcole ? Je crois qu’il a surtout franchi les limites de la démocratie libérale...Un coup de Kärcher s’impose.


        • La Taverne des Poètes 7 juin 2007 11:39

          Compromis à la Royal : il a franchi avec bravitude le « Rubicole » ! smiley


        • impertinent3 impertinent 10 juin 2007 06:55

          Après ce qu’il a ingurgité, que crois plutôt qu’il est rubicond.

          Voila une séquence que les télévisons françaises (aux ordres) n’ont certainement pas montrée.

          Par contre, la télévision belge échappe à toute censure ou autocensure et c’est ainsi que l’on peut voir aux informations :http://www.youtube.com/watch?v...

          On savait que N. Sarkozy avait pas mal de défauts, mais se présenter bourré devant la presse, ça c’est le bouquet. Au début, il s’excuse d’être en retard, cela veut dire qu’il devait être dans un état encore plus lamentable.

          Quel image de la France donne-t-il ? Celle d’un peuple d’ivrogne ? J’ai honte pour la France.


        • prgrokrouk 10 juin 2007 12:00

          @impertinent : je t’ai déjà signalé DEUX fois que ce lien était mort. Allez plutôt lire Dédalus, au moins il envoie vers une vidéo.

          Cela dit, il a bien bu et ça le rend plus sympathique que de sales types guettant le faux pas.


        • Reinette Reinette 7 juin 2007 15:27

          LE PAYS DU BONHEUR

          Il est un État là-bas... au pied de l’Himalaya... où le bonheur, paraît-il, ne dure pas seulement le temps des vacances. Le roi y a décrété le développement du « Bonheur National Brut »...

          Par la force, s’il le faut !

          (LE REVENU des ménages bhoutanais reste parmi les plus rachitiques de la planète. Mais pourquoi se plaindraient- ils ?)

          Les habitants de cette petite monarchie asiatique jouissent depuis 30 ans du « Bonheur National Brut » édicté par leur souverain, Jigme Singye Wangchuk. Le « BNB » n’a rien d’un lupanar fleuri de roses et de sucres d’orge : réglementé comme une prison haute sécurité, il a fait du Bhoutan le premier pays au monde où la consommation du tabac est totalement interdite. Il est vrai que c’est aussi l’un des rares endroits de la planète où la forêt ne recule pas : sur ordre du roi, 60 % des terres doivent rester boisées.

          SELON LE GOUVERNEMENT, le bonheur obligatoire aurait permis, en 15 ans, d’augmenter de 19 ans l’espérance de vie de la population. Au départ, le BNB avait aussi interdit la télévision. Mais là-dessus, le roi a fini par mollir : en 1999, il autorise la vente de téléviseurs et la connexion avec 46 chaînes câblées, surtout celles diffusées par Star TV, de Rupert Murdoch.

          Grave erreur.

          Dans The Guardian (01/06/2003), Cathy Scott-Clark et Adrian Lévy observent que depuis l’irruption du petit écran, « un tiers des filles veulent avoir un look plus américain (peau plus claire et chevelure blonde) ». Le royaume serait en train de découvrir l’éclatement des familles, le relâchement des moeurs (l’enfer du sexe plutôt que le bonheur du mariage), l’appât du gain, la délinquance et les drogues... Le bonheur aurait-il cessé d’être national ?

          Pour aller au Bhoutan, tu dois avoir une invitation d’un membre de la famille royale ou payer 200 dollars d’accès, tout y est cher. Tout y est d’une propreté absolue, comme à bord d’un grand bateau de croisière.

          Dans les années 60, le gouvernement a décidé de ne pas laisser entrer les hippies et autres farfelus, seuls les riches sont les bienvenus. Tu n’as pas le droit de donner aux gens quoi que ce soit qui risquerait de changer leurs traditions ou leur style de vie. Or, traditionnellement, les Bhoutanais n’ont pas d’argent. Seule la famille royale aurait ce droit. (Il paraît qu’elle ne s’en prive pas...).

          Toujours actif, le BNB a aussi ses exclus.

          En 2005, on estimait les Bhoutanais à plus de 2 millions, alors que le gouvernement n’en recensait que 800 000. Pourquoi ? Parce que 40 % de la population est d’origine népalaise.

          En 2003, Uttam Adhikari témoignait pour Amnesty International : « Depuis 1988, le gouvernement du Bhoutan fait tout pour nous contraindre à quitter le pays. Il a détruit beaucoup de temples hindouistes, nous oblige à nous raser la tête, interdit la langue népalaise à l’école et dans l’administration, nous contraint à porter un costume traditionnel adapté à la froidure des hautes montagnes, là où vivent généralement les Bhoutanais de souche, alors que nous vivons dans des régions chaudes. La plupart des Bhoutanais d’origine népalaise ont perdu leur citoyenneté. » Membre d’un mouvement clandestin en lutte pour les droits de la minorité népalaise, Uttam Adhikari a eu droit à un bonheur très brut : « Comme les autres prisonniers, j’étais fréquemment humilié et torturé. Les gardiens me coupaient la peau pour placer du sel et du chili sur les plaies, ils m’ont beaucoup frappé avec des bâtons, ils ont placé des planches de bois sur mes jambes et ont marché dessus pour les écraser, etc. Ils menaçaient de violer ma femme (ce qu’ils ont d’ailleurs fait). Finalement, les gardiens de la prison ont dit que si je signais un document affirmant que je n’étais pas bhoutanais et que j’allais quitter le pays, je serais libéré. » Le bonheur, c’est quand ça s’arrête.

          Alors, heureux ?


          • Marsupilami Marsupilami 7 juin 2007 15:44

            @ Reinette

            Et ça ne s’arrange au souriant pays du bonheur national brutal...


          • Niamastrachno Niamastrachno 7 juin 2007 18:55

            Sur le coup j’ai pris çà pour un article au beau milieu des commentaires...

            oui oui il y a pire, il y a toujours pire comme il y a toujours meilleur, la belle affaire...

            Z’auriez pu parler du Darfour aussi, ou de l’Irak n’est-ce pas ?

            Bref, commentaire long et inutile à moins que je ne me trompe sur sa destination...


          • prgrokrouk 10 juin 2007 12:13

            ça, ça fait réfléchir. Dans le genre, il y a déjà la Corée du Nord. pour ne plus que ça change, les superpuissances se surveillent du coin de l’oeil. Le premier qui affiche une volonté au nom de l’humanité, va se récolter une opposition traditionnaliste du trois quart de cette planète qui pourrit.


          • Reinette Reinette 7 juin 2007 16:29

            « NUL DE NOUS n’est sûr d’échapper à la prison. Aujourd’hui moins que jamais. Sur notre vie de tous les jours le quadrillage policier se resserre : dans la rue et sur les routes ; autour des étrangers et des jeunes ; le délit d’opinion est réapparu ; les mesures antidrogue multiplient l’arbitraire. Nous sommes sous le signe de la garde à vue. On nous dit que la justice est débordée. Nous le voyons bien. Mais si c’était la police qui l’avait débordée ? On nous dit que les prisons sont surpeuplées. Mais si c’était la population qui était suremprisonnée ? Peu d’informations se publient sur les prisons : c’est une des régions cachées de notre système social, une des cases noires de notre vie. Nous avons le droit de savoir, nous voulons savoir... »

            À la lecture de ces lignes, publiées par Michel Foucault quelques mois après Mai 68, on pourrait les croire écrites la semaine passée.

            À ceci près que de nos jours il y a bien peu d’« intellos » de la trempe d’un Foucault capables de s’engager aux côtés des prisonniers sociaux.

            Pourquoi s’en étonner ? L’époque condamne l’engagement social pour ne tolérer que charité et bons sentiments.

            On nous dit que les prisons sont surpeuplées. Mais si c’était la population qui était suremprisonnée ?


            • Marc P 8 juin 2007 08:46

              « Ordre et progrès » voilà un slogan qui fait florès sans se montrer...

              En fait clairement sommeille ou pas un chacun d’entre nous, parent potentiel ou réel, un justicier, soit un policier soit un procureur. Ces capacités sont activées pour élever ses enfants par exemple, ou apprécier se qui se passe dans son entreprise. Si bien que beaucoup se sentent obligés de s’ériger en juge, s’improviser procureur ou policier de toutes les causes désordres dont ils sont témoins autour d’eux ou dans les médias... Les politiques jouent avec cette propension qui nous anime.

              Mais les parents devraient aussi être psychologues, pédagogues, psycho-sociologues, philosophe avec des notions de biologie de sociologie, d’hygiène.... un peu « économistes » aussi pour l’économie familiale au moins. A ces qualités Sarko ne fera jamais appel ni ne les encouragera car elle sont le contraire de ce qu’il maitrîse et surtout elles donnent un regard beaucoup plus humain et lucide pour apprécier les choses sociales, comment et pourquoi notre société secrète violence, désordre, délinquance...

              Une droite désinhibée ne va pas jusqu’à dire « enrichissez vous » et le nationalisme est « suffisamment » exploité sur les stades. Mais elle exploite malhonnêtement les valeurs travail, richesse, ordre, liberté, sanction, avec le simplisme qui mobilise les moins bien armés pour discerner la quête du pouvoir pour le pouvoir...

              Cordialement

              Marc P

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